mercredi 13 avril 2005

Une idée sur Michel Foucault.

Je tombe aujourd'hui sur cette citation extraite du M. Teste de Paul Valéry :

"Rappelez-vous tout simplement qu'entre les hommes il n'existe que deux relations : la logique ou la guerre. Demandez toujours des preuves, la preuve est la politesse élémentaire qu'on se doit. Si l'on refuse, souvenez-vous que vous êtes attaqués, et qu'on va vous faire obéir par tous les moyens. Vous serez pris par la douceur ou par le charme de n'importe quoi, vous serez passionnés par la passion d'un autre."

Ceci peut être interprété comme un fait ou comme un principe.

En tant que principe, je ne trouve certes rien à redire à cette idée que la preuve est "la politesse élémentaire qu'on se doit". J'aimerais juste sentir plus de monde de mon avis.

En tant que fait, il est clair que les choses sont plus compliquées. Si nos élites tombent pleinement sous le coup de la partition faite par Valéry, oubliant les lois de la logique pour mieux conduire leurs guerres personnelles et égoïstes, d'autres, ô combien plus rares et plus intéressants, utilisent la logique comme une arme de guerre.

Quant à Michel Foucault, dont j'ai lu tous les livres il y a une dizaine d'années mais que je n'ai pas relu depuis, il me semble qu'il ressort d'une troisième catégorie. On pourrait en effet interpréter ces livres, ou tout au moins les meilleurs d'entre eux (dans mon souvenir : Naissance de la clinique, Surveiller et punir, La volonté de savoir) comme sa prise de conscience de ce que, ses adversaires ayant déjà montré depuis longtemps que contrairement à leurs belles paroles ils n'avaient que faire de la logique, en général comme vis-à-vis d'eux-mêmes et des autres, il se trouvait en position d'"attaqué". Ce pourquoi il se sentit, à tort ou à raison, autorisé à répondre avec leurs armes : la séduction de l'écriture (la "douceur" et le "charme"), l'exposition plus ou moins claire de ses propres hantises et fantasmes ("la passion d'un autre"), et une certaine et tranquille manière de se contredire (ses livres sont à la fois indignés et nihilistes), comme si personne n'était vraiment en droit de lui reprocher cette contradiction, comme si tout le monde était pris dans des pièges analogues.

Je n'évoque ici que les livres, ou le souvenir que j'en ai, et pas les déclarations tapageuses qu'il pouvait faire dans la presse, dont je crains fort qu'elles ne soient assez ridicules. Je suis bien conscient qu'à l'arrivée tout cela a mené à un narcissisme fort prégnant dans L'usage des plaisirs et Le souci de soi, qui ressemblent avant tout à des méditations sur la qualité des gitons dans l'antiquité gréco-romaine par rapport au matériau des back-rooms californiens : "la passion d'un autre" finit par être trop envahissante.

Quoi qu'il en soit de cette triste fin, il me semble que cette hypothèse pourrait éclairer à la fois les qualités et les limites de ces livres, qui seraient finalement celles d'un gamin puni et pugnace, parfois altruiste, parfois égoïste ; pourquoi d'un certain point de vue ils n'apportent pas grand-chose - si ce n'est des questions qu'on ne peut rejeter d'un revers de la main. J'essaierai d'y repenser le jour où je relirai cette littérature...

Libellés : ,