lundi 28 novembre 2005

Au café du commerce...

...on évoque toutes sortes de sujets, sur lesquels on n'hésite pas à émettre des opinions définitives.


Aujourd'hui : pourquoi ce sont les fridolins qui ont été nazis, et pas nous.

Malgré la troublante insistance des intellectuels allemands depuis trois siècles à traiter la majorité de leurs compatriotes de parfaits abrutis, il me semble que la bêtise teutonne ne doit pas être tous comptes faits bien plus grande que la connerie hexagonale. Freud (non, je n'ai pas lu Freud, je ne me dédis pas si vite, c'est Muray qui le cite) a écrit des Allemands que c'était un peuple "mal baptisé", en ce sens qu'ils n'ont jamais été vraiment catholiques, ce qui expliquerait notamment que la Réforme soit née là-bas. Admettons. Quoi qu'il en soit, il me semble évident que si les Allemands ont si longtemps cherché "l'âme allemande", c'est qu'ils ne la trouvaient pas, ceci entre autres parce qu'ils leur manquaient l'issue du catholicisme latin. Je veux dire par là que pour qui est troublé de ce que le catholicisme soit une religion venue d'Orient - des Juifs en l'occurrence, mais dans l'imaginaire collectif pas seulement : utilisons comme Paul Morand le nom générique et euphémique de "Levantin" -, donc une religion de pouilleux basanés - tout à fait les Levantins de Morand -, et de ce que cette religion ait très largement contribué à la définition de notre identité... ; eh bien pour un Français il y a toujours la possibilité d'assimiler le catholicisme aux Romains, à "nos cousins Italiens", et à court-circuiter l'origine judéo-orientale de cette religion (au passage, Céline n'a pas tort de noter quelque part qu'il faut vraiment être con comme un Drumont pour être à la fois catholique et antisémite). Au lieu que les Allemands n'ont pas cette solution et sont donc obligés d'être plus cohérents avec la recherche de leurs origines s'ils veulent prendre leurs distances avec leurs racines catholiques. Ce qui serait cohérent avec les faits : ils ont été nazis, nous n'avons été "que" vichyssois.


A dire vrai, il y a au moins une autre possibilité, qui eut son heure de gloire au XIXe siècle, fut notamment adoptée par Richard Wagner, et qui permet d'éviter l'objection de Céline : séparer le catholicisme du judaïsme, pour en l'occurrence le rattacher au bouddhisme, à "l'esprit indo-européen", faire pencher le catholicisme dans la direction de l'ascétisme, du renoncement. Wagner, au moins cohérent dans son projet, cherchait vers la fin de sa vie à prouver que le Christ n'était pas juif. Dois-je préciser que ses arguments n'étaient pas tout à fait convaincants ? Ceci dit, ça ne m'empêche pas d'écouter du Wagner à peu près tous les jours depuis six mois, mais là n'est pas le problème.

Pourquoi les Italiens deviennent-ils racistes ? On sait qu'entre autres nombreux mérites - les pâtes, le bon cinéma, les femmes, la culture populaire, la Sicile, Verdi, Verdi, encore Verdi, et un peu Paolo Maldini - les Italiens avaient ce titre de gloire de n'avoir jamais, même au piteux temps mussolinien, créé de mouvement d'ensemble raciste. Il semblerait que cela change (un vrai point commun avec les Corses, pour le coup). Le café du commerce, n'ayant jamais peur de dire une connerie, suggère comme explication à cette regrettable évolution - remettant sine die un examen de cette hypothèse -, que le catholicisme tend à ne plus être le catholicisme, ou à l'être de moins en moins, et qu'il est donc moins armé pour faire obstacle à une idéologie raciste qu'il n'a pu l'être. Cette dernière remarque peut surprendre, mais s'il est vrai que l'on peut citer les lois espagnoles de pureté du sang ou tel ou tel débat sur l'âme des sauvages pour montrer que le catholicisme n'est pas exempt de tout reproche à ce sujet, il me semble que ces exemples restent minoritaires sur une histoire qui dure depuis maintenant plus de vingt siècles. Quant à l'évolution actuelle du catholicisme, il faut bien avouer que ses efforts pour être "moderne" me rendent très méfiant, d'autant plus que le fait qu'il fût en décalage avec l'époque commençait en revanche à me le rendre sympathique.


Les commerçants se mettent à installer leurs décorations de Noël. Portnoy, dans le roman éponyme, fâché avec sa judéité, disait tout de même qu'il lui suffisait de voir les catholiques acheter leurs sapins débiles et installer leurs épouvantables crèches pour avoir envie, un instant fugace, de se réconcilier avec la tradition dont il était issu. Comme je le comprends ! Mais sans doute Noël est-il plus païen que catholique.

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