lundi 28 mars 2005

Au sujet du contexte.

Un contradicteur attentif (cf. commentaires de "De la servitude admise") ne se satisfait pas de ce que j'aie l'ambition, selon lui "ridicule" et illusoire, de prendre certains propos au pied de la lettre, de faire autant que possible abstraction du contexte dans lequel ils ont été dits ou écrits.

J'avais commencé à préparer une réponse, le "hasard" me fait tomber aujourd'hui sur ces lignes d'Alexandre Zinoviev (Les hauteurs béantes, trad. V. Berelowitch, L'âge d'homme, 1977, pp. 82-83), citées par Jacques Bouveresse :

"En réalité, ce n'est pas que les hommes utilisent toujours les règles de logique sans en avoir conscience, mais c'est qu'ils ne les utilisent pour ainsi dire pas. Essayez d'analyser les discours des hommes politiques et des juristes d'un point de vue logique et, à votre propre étonnement, vous découvrirez justement une absence presque complète de logique, quoique en principe elle doive être le fondement de leur réflexion. (...) L'activité linguistique des hommes est un chaos d'un point de vue logique et l'irruption en elle de la logique est une tentative insignifiante du point de vue de ses conséquences d'apporter un ordre à ce chaos." Ajoutez "journalistes" à la liste, et vous aurez à la fois mon projet, et ses limites.

Il s'agissait simplement de montrer que lorsque les porte-parole auto-proclamés d'une société qui se veut et se pense démocratique, les porte-parole acceptés, bon ou mal gré, par cette société, critiquent des personnes ou des prises de position et vont jusqu'à les juger anti-démocratiques, il n'est aucun besoin de partir du principe que ces porte-parole sont des canailles ou de leur prêter des motivations banales (garder leur chèque de fin de mois) ou machiavéliques pour s'apercevoir qu'ils profèrent des inepties. Il suffit de juger leurs discours selon les critères qu'ils disent si souvent appliquer aux autres, les exigences rationnelles de bons sujets kantiens, de bons citoyens républicains.

Alors bien sûr, quand je fais ça je ne découvre pas la lune - et la question intéressante serait : le diagnostic de Zinoviev est-il un constat limité dans le temps, ou bien en a-t-il et en sera-t-il toujours ainsi, et dans quelle mesure ? Mais au moins, cette méthode permet d'affronter ces gens sur la position même depuis laquelle ils aiment tant donner des leçons de morale, et d'éviter de recourir à des procès d'intention - ce dont, soit dit en passant, M. Contradicteur semble avoir du mal à s'abstenir. Ce pourquoi d'ailleurs sa façon de me titiller sur les sentiments de supériorité qu'il me prête par rapport aux gens que je critique me semble non avenue. Pas inexacte - mais enfin, qui ne souhaiterait être supérieur à BHL ? Le contraire serait tout de même grave. Mais non avenue : ce n'est pas le problème.
Quant à la portée effective de tout ça... Quelques pages plus loin dans Jacques Bouveresse (Le philosophe chez les autophages, Minuit, 1984, p.157), je tombe sur une citation d'Erich Kästner :

"La caricature, moyen artistique légitime, est la dernière de[s] possibilités [du satiriste]. Si même ce moyen n'est pas efficace, rien ne peut plus l'être. Que rien ne soit efficace, ce n'est pas une situation exceptionnelle, pas plus hier qu'aujourd'hui. Ce qui serait exceptionnel, ce serait la démobilisation du satiriste. Son poste habituel est et reste celui de la "sentinelle perdue". Il en respecte les obligations autant qu'il le peut. Sa devise a toujours été, est encore : Quand même !"

Après, il est sûr que même l'expression la plus désabusée d'une ambition peut toujours passer pour prétentieuse.

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Pas de Schneidermann cette semaine.

- Foutue heure d'été !

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vendredi 25 mars 2005

De la servitude admise.

Quelques réactions épidermiques à deux "choses vues" à la télévision.

L'autre soir, à l'émission 90 minutes, reportage sur des jeunes islamistes dont certains sont partis en Irak. Ce qui fut amusant, outre un regard sur "l'est parisien" où il n'est pas difficile de déceler, chez ces journalistes progressistes et incorruptibles, des connotations très XIXe siècle, ce qui fut amusant, donc, ce sont les présupposés aveuglants des auteurs du reportage.

Il se trouve que ceux-ci avaient rencontré, lors d'une manifestation contre la loi sur le voile, quelques jeunes hommes (majeurs) "islamistes", qu'ils les avaient alors interviewés ; que parmi ceux-ci plusieurs sont actuellement en Irak au côté des résistants, et que d'autres ont été arrêtés juste avant leur départ. Pourquoi ont-ils été arrêtés par la police française alors qu'ils partaient vers la Syrie (d'où ils seraient passés en Irak) et qu'ils n'avaient apparemment commis aucun acte répréhensible sur le sol français, voilà un mystère juridique intéressant, que non seulement le reportage n'éclaire pas, mais qu'il n'évoque même pas. Faut-il en conclure qu'il est considéré normal que la police française fasse, en France, le travail de l'armée américaine ?

Concernant ceux qui sont partis, et notamment leur meneur, leur "gourou" (dixit 90 minutes), on notera que jamais les journalistes ne considèrent leur comportement comme rationnel. Qu'ils prennent parti pour une cause, qu'ils s'engagent jusqu'à y risquer leur peau doit évidemment sembler fanatique, se rapporte évidemment à une "manipulation" aux yeux de gens pour qui le summum de l'action politique semble être de se "solidariser" (depuis Paris) avec Florence Aubenas. Mais s'ils sont si solidaires, qu'ils aillent donc la sauver !

Ces jeunes gens, de leur point de vue, n'agissent pas autrement que les participants aux Brigades internationales. Sans doute faut-il en conclure que les journalistes de 90 minutes auraient en leur temps dénoncé Orwell, Hemingway, Malraux... Je pousse le bouchon, d'accord, mais devant une telle naïveté dans l'exposition de ses a priori, comment ne pas exagérer à son tour ? Que les parents d'un des jeunes partis en Irak soient inquiets et cherche dans une "manipulation" la raison du comportement de leur petit, je veux bien ; que des journalistes, par ailleurs certainement "contre" l'invasion de l'Irak par les Etats-Unis, épousent le même discours...

L'autre "chose vue" : ce matin, un titre du journal sur Canal + nous annonce que les Etats-Unis et l'Onu, dans cet ordre, sont au chevet du Kirghizistan, où une "nouvelle révolution" (la journaliste semblait blasée par toutes ces révolutions, et pour le coup on ne lui donnera pas nécessairement tort) est en train d'avoir lieu. Même en faisant l'hypothèse que les Etats-Unis ne sont pour rien dans cette révolution qui secoue un pays justement coincé entre la Russie et la Chine, et ceci alors qu'on connaît un peu leur rôle récent en Ukraine, même donc en faisant cette hypothèse, on a du mal à trouver normal que les journalistes trouvent normal qu'ils soient au chevet de tous les pays où il se passe quelque chose (à l'exception de la Corée du Nord, bien sûr). Allez, je me tais.

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Principes généraux de l'attaque "ad hominem", en tant qu'elle s'applique aux politiciens.

Pour commencer, citons de nouveau Karl Kraus :

"Une vieille croyance d'idiot concède au "satirique" le droit de fustiger les faiblesses du fort. Or la plus faible faiblesse du fort est toutefois toujours plus forte encore que la plus forte force du faible ; et voilà pourquoi le satirique qui se situe à la hauteur de cette conception est un sujet visqueux, et sa tolérance, un véritable stigmate de la société. De cet infâme besoin de la société, traiter les personnalités comme ses semblables et, par le ravalement de celles-ci à son propre niveau, se tranquilliser sur la bassesse de celui-ci, sont issues les feuilles humoristiques. Tous les crânes chauves brillent, parce que Bismarck aussi n'avait pas plus de trois cheveux." (La nuit venue, trad. R. Lewinter, Champ libre, pp. 29-30).

On n'expliquera pas autrement le caractère conformiste du Canard enchaîné ou la popularité persistante d'un Jacques Chirac.

D'une manière générale, je crois que si les éditorialistes et portraitistes politiques n'écrivent que des choses insignifiantes, ce n'est pas seulement parce qu'ils sont payés par Dassault-Lagardère, qu'ils s'autocensurent ou qu'ils sont peu intelligents - toutes explications ne s'excluant pas -, mais parce que, dans la façon dont ils conçoivent ou font semblant de concevoir leur métier, ils ont presque trois siècles de retard. Ces grands conservateurs se présentent volontiers comme des Saint-Simon des temps modernes. Toute question de talent mise à part, ils oublient :

- qu'à côté du roi et des politiques, Saint-Simon peint, et avec quelle méchanceté, les courtisans - dont on ne trouve pas souvent trace en feuilletant le Nouvel observateur ou Libération. Ce manque, on aura compris que ce n'en est pas un : les journalistes ne sont pas à la place de Saint-Simon, mais à celle des arrivistes et flatteurs. Ils ne se situent pas dans la (merveilleuse) tradition des grands mémorialistes, mais dans celle, un peu moins glorieuse quoique tout aussi française, des grands lèche-culs. Que certains de ces mémorialistes, et pas des moindres, se soient aussi à l'occasion avilis ne suffit pas à donner grand crédit à l'éventualité d'une accession de Jean Daniel ou Eric Zemmour au panthéon de nos lettres ;
- que les temps ont changé. Ils peuvent se lancer dans les tirades les plus convenues sur le caractère monarchique de la constitution de la Vème République pour essayer de faire croire qu'ils valent Bassompierre ou Chateaubriand, on aura toujours du mal à assimiler l'élu de Popu à un monarque de droit divin - quelque ressemblance que l'on puisse sérieusement déceler par ailleurs dans les appareils de propagande du "Roi Soleil" et du "Général". Saint-Simon qui s'est bien gardé, et avec raison, de publier ses mémoires de son vivant, prétendait "lever le rideau" : cette métaphore n'est pas d'actualité en démocratie, où le rideau est censé être perpétuellement levé. Les portraitistes ne brisent pas de tabous, ils corrigent quelques "oublis". Même un sujet en son temps scandaleux et tout cas tenu secret (avec la complicité active du FN, rappelons-le) comme Mazarine, la "funeste suite" (Saint-Simon) de F. Mitterrand, n'est jamais que de la couchaillerie de vaudeville. Il n'en va pas différemment de la liaison entre N. Sarkozy et Mlle Chirac, que nos intrépides hérauts de la liberté de la presse et de la citoyenneté n'osent encore évoquer que par des métaphores pour initiés : N. Sarkozy a "pénétré l'intimité de la famille Chirac", et autres fort réjouissantes paillardises...

Ce pourquoi, si d'aventure dans d'autres textes je fais référence à des hommes politiques, je veillerai à appeler ce principe inspiré du spécialiste Kraus : attaquer les forts où ils sont forts.

Ne commettons pas néanmoins à l'égard du pamphlétaire viennois le même anachronisme que nos éditorialistes à l'égard du "petit duc" : si nous vivons en "démocratie", et non sous l'empire austro-hongrois, cela modifie l'attitude que nous pouvons nous permettre d'avoir à l'égard de ceux qui nous dirigent. Peut-être reviendrai-je à l'occasion sur ce point, mais il me semble que la démocratie vaut ce que valent ses citoyens : François Hollande et Eric Raoult sont donc nos enfants - nos monstres de Frankenstein si l'on veut. C'est nous que nous détestons à travers eux, ils sont comme notre croix - et pour certains d'entre eux, depuis trente ans...

Bien évidemment, ces remarques ne peuvent amener à des conclusions très favorables sur le niveau de la France actuelle. Mais là n'est pas vraiment le sujet, qu'il faudrait d'ailleurs traiter de façon historique.

Quoi qu'il en soit, la combinaison de ces deux principes amène à une conclusion triste mais peut-être dynamisante : si je veux critiquer, disons Dominique Perben, ce ne sera pas pour le rabaisser à mon niveau, mais en tant qu'il fait son travail ; ceci avec toujours à l'esprit le souvenir que cet individu est aussi ma progéniture, mon honteuse engeance : mon bâtard.






PS : je découvre à l'instant une description de nos courtisans par Karl Kraus (Ibid., p. 131) :

"Il est des martyrs de leur manque de conviction, dont les mensonges n'offrent aucune garantie ; qui, par pur mépris des honneurs sociaux, cherchent à les acquérir, et sont les lèche-cul d'une altesse à seule fin de dire que c'est bien noir."

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jeudi 24 mars 2005

Nouvelle prouesse de Proche-Orient.info.

"23 mars 2005 / 18 h 37
Et aujourd'hui, c'est au tour de Gollnisch de soutenir Dieudonné…
Par l'AFP 

AFP. "M. Dieudonné a estimé que la persécution dont je faisais l'objet était scandaleuse tout en disant qu'il ne partageait pas mes idées politiques, je ne l'ai pas rencontré mais je constate qu'il est dans la lignée d'une défense des libertés", a déclaré mercredi le délégué général du Front National, Bruno Gollnisch, lors d'une rencontre avec la presse.

   Interrogé sur la comparaison faite par M. Dieudonné entre les commémorations de la Shoah, et celles, que Dieudonné juge insuffisantes, de l'esclavage, M. Gollnisch a déclaré : "je ne trouve pas illégitime de s'interroger là-dessus et si M. Dieudonné le fait, c'est son droit". "Le thème auquel M. Dieudonné est le plus sensible, c'est celui de l'esclavage des noirs, c'est vrai qu'on peut comprendre quand même qu'on ne parle pas beaucoup de cela. Il y a des épreuves dramatiques qui ont été vécues dans l'Histoire qui peuvent donner l'impression aux héritiers des victimes qu'on les mentionne moins que d'autres", a-t-il déclaré."




Rappelons à toutes fins utiles que :
- si personne ne cite les fameux propos de M. Gollnisch, c'est qu'ils n'ont pas été enregistrés : on a condamné quelqu'un sans preuve - ce qui est bien sûr la meilleure position pour donner des leçons de démocratie ;

- quoi que l'on pense ou sache par ailleurs de M. Gollnisch, on ne peut qu'être frappé de la modération de ses propos, notamment lorsqu'on se rappelle qu'il vient de perdre son travail ;

- lui au moins appelle les gens "Monsieur", ce qui contraste avec la vulgarité du titre de la dépêche de Proche-Orient.info ;

- il est tout de même paradoxal que quelqu'un comme moi en arrive à devoir "défendre" MM. Gollnisch ou Dieudonné...

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mercredi 23 mars 2005

Rappel.

"T"as voté,
T"as voté,
Si t'as voté c'est qu't'avais l'choix,
Alors alors, démerde-toi !"

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Manifeste social barbare célinien.

Il arrivait à Cornelius Castoriadis de faire preuve de bon sens. Ainsi souligna-t-il à bon droit l'absurdité du chantage contemporain aux salaires et conditions de travail, effectué sous le prétexte que les travailleurs chinois ou indiens seraient d'un bien meilleur rapport qualité-prix, et donc d'une plus grande compétitivité sur le marché international du travail, que leurs "homologues" français ou allemands. En admettant que cela soit vrai, répondait Castoriadis, de combien faudrait-il alors baisser le salaire des travailleurs occidentaux pour qu'ils deviennent concurrentiels comparativement à l'immense potentiel de main-d'œuvre exploitable présent dans le Tiers Monde ? Poser la question revient à y répondre : même Ernest-Antoine Seillière ne voudrait pas d'une pareille fuite en avant dans la baisse des revenus de ceux dont la consommation est si importante pour le "fonctionnement" du système.

Mais le bon sens, fût-il celui d'un aussi éminent esprit, atteint vite ses limites : C. Castoriadis ne propose guère de solution à cet éminent problème. Sans doute en serai-je moi-même bien incapable ; il n'est pourtant pas difficile de retourner les thèmes de l'alternative. L'indigné perpétuel Jean-Louis Porquet, dans une récente chronique du Canard enchaîné, nous peignait l'apocalyptique tableau d'une Chine pollueuse et destructrice d'emplois dans les pays occidentaux, reprochant au passage à ceux-ci de n'avoir pas assez soutenu les dissidents chinois lorsque cela aurait été utile et de le payer aujourd'hui, quand l'absence de liberté politique en Chine contribue au déclin économique de ces pays. Loin de moi l'idée de me faire l'avocat de la pusillanimité des Européens et Nord-Américains en la matière, encore que la question de la réalité de leurs moyens d'action puisse tout de même être posée ; je trouve que ces accusations sentent un peu trop le prêtre - on est puni par où on a péché - pour ne pas être quelque peu suspectes ; je trouve surtout qu'elles reposent sur un présupposé contestable, l'apathie politique des travailleurs chinois.

Il est tout à fait possible que beaucoup d'entre eux, animés de nationalisme et touchant quelques dividendes en récompense de leurs efforts, constituent une armée capitaliste redoutable pour nos économies vieillissantes. On peut néanmoins avoir peine à croire qu'un pays aussi immense et varié, qui a connu des conflits politiques aussi importants depuis que les pays occidentaux ont voulu se le partager, n'abrite pas de situations et états d'esprit divers, des velléités de soulèvement, des emmerdeurs indépendantistes et/ou musulmans... Je m'en voudrais de tomber dans des travers polémiques trop courants actuellement, mais il me semble que J.-L. Porquet est ici un peu victime du courant stéréotype raciste anti-asiatique : tous petits, tous pareils, tous interchangeables...

De là à en déduire qu'une nouvelle révolution point en Chine, c'est autre chose. Mais finalement, si l'on suit autant un idéologue libéral comme Alain Minc qu'un prêcheur altermondialiste comme J.-L. Porquet et si l'on dénoue à leur place les fils de leurs présupposés (présupposés dont un célinien peut constater qu'ils prennent acte d'une certaine façon de la sagacité de l'une des dernières prophéties du maître : les Chinois n'ont même pas besoin d'être "à Paris" pour gouverner Paris !), on en arrive à la conclusion que l'avenir de la terre, de la civilisation occidentale, de l'économie capitaliste, et sans doute aussi de la démocratie... appartiennent au peuple chinois.

A chacun ses angoisses.

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dimanche 20 mars 2005

Le Pen et lepénisation.

Peut-être ce titre le fait-il comprendre, la réponse à la devinette d'il y a deux-trois jours était Jean-Marie Le Pen. J'avais justement été frappé en découvrant cette phrase de son aspect unanimiste, si ce n'est candide - caractéristiques que l'on ne prête habituellement pas à M. Le Pen.

Tout ceci en guise d'introduction à quelques réflexions venues à la lecture d'un livre de M. Bourseiller, "La nouvelle extrême droite". Titre il est vrai abusif, puisqu'il s'agit de l'opportun(ist)e réédition, après le 21 avril 2002, d'un ouvrage de 1991, "Extrême droite". Bref, cela aurait dû s'appeler "La nouvelle "Extrême droite"".
Qui a lu un livre de Christophe Bourseiller sait que les approximations y jonchent une écriture plate et peu soignée : cela n'empêche pas d'y glaner quelques informations. Il est vrai que l'on peut critiquer les livres de cet autoproclamé "spécialiste des mouvements minoritaires" (qui se vante par ailleurs curieusement d'avoir joué dans "Clara et les chics types"), se désoler qu'il occupe le terrain de la recherche sur l'extrême gauche et l'extrême droite : en même temps, si personne de plus compétent et de plus scrupuleux ne le fait à sa place...

J'y arrive ! Voilà le passage, consacré aux théories du mouvement intellectuel d'extrême droite GRECE, qui m'a chatouillé le cerveau :

"Cette définition identitaire de l'Indo-Européen païen est-elle raciste ? Pas du tout, s'écrie Alain de Benoist : "Je condamne sans aucune exception tous les racismes". Dénonçant effectivement le suprématisme, ainsi d'ailleurs que le biologisme, il bâtit sa théorie des différences sur des critères strictement culturels.
Ce n'est pas nouveau. Julius Evola se définissait déjà en son temps [le fascisme italien, NDCdC] comme un "raciste spirituel". Ne jouons pas sur les mots : il est visible que l'héritage culturel indo-européen correspond à l'identité européenne, donc au monde blanc. Loin de combattre réellement le racisme, la Nouvelle Droite [à laquelle appartient le GRECE, NDCdC] s'entoure d'un prudent camouflage. Ce n'est pas le racisme qu'elle condamne, mais sa version suprématiste, impliquant la supériorité d'une race sur les autres. En lui opposant la jolie formule du "droit à la différence", revendication traditionnelle de toutes les minorités, elle parvient non seulement à banaliser le racisme, mais encore à l'insérer dans le discours de l'époque, et à le respectabiliser en lui donnant un fondement culturel." (éd. du Rocher, p.101).

Le procès d'intention, aussi peu argumenté ici que dans le reste du livre, est certes savoureux, mais c'est surtout l'évolution à laquelle on a pu assister depuis que ces lignes ont été écrites (1991) qui rend ridicule l'opposition manichéenne entre le "prudent camouflage" des racistes d'extrême droite et la "jolie formule" des gentilles minorités, et donne par contrecoup une résonnance nouvelle à la dernière phrase. Finalement, les communautarismes d'aujourd'hui, racismes spirituels banalisés, sont un hommage rendu à la pensée d'Alain de Benoist : le "droit à la différence" est devenu omniprésent. Il eût mieux valu voir le piège derrière une aussi jolie formule, et comprendre que le différentialisme, qu'il ne faut pas confondre avec la nécessaire prise en compte des traditions et des habitudes, n'est pas meilleur ou pire selon qu'il vienne d'épiciers-forcément-poujadistes, de pédales du Marais ou de zélateurs de l'excision : cela reste une idéologie pour soi, pas une utopie collective censée s'adresser à tous. A la limite, dans la version d'Alain de Benoist, du moins telle qu'on la devine à travers la présentation de C. Bourseiller, on a au moins l'impression d'une théorie globale.

Quoi qu'il en soit, il y a quelque chose d'assez sinistre à saisir sur le vol, au détour d'un paragraphe écrit il y a une quinzaine d'années, le travail de la "lepénisation des esprits" à l'intérieur même de la bien-pensance de gauche. Ce qui a un autre nom, lui aussi sinistre : Sarkozy.

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jeudi 17 mars 2005

Devinette (facile).

"Comment, sans un effort politique, persuadera-t-on les Occidentaux de renoncer à un désir effréné de biens de consommation à travers lesquels ils ne rencontrent plus la vérité des choses : la quantité a tué en eux le goût réel et physique de la nature, ainsi que la perception du vrai. L'artificiel devient la règle. La source qui jaillissait pure au creux du rocher est désormais chargée de phosphates et de nitrates."

Qui est l'auteur de cette sentence ?

- Guy Debord.

- Jacques Ellul.

- Julien Gracq.

- Marc-Olivier Fogiel.

- Jean-Marie Le Pen.

Jeu gratuit, sans obligation d'achat...

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Aux lecteurs et commentateurs.

Que tous ceux qui prennent la peine de lire ces textes et de les commenter en soient ici remerciés. Je me permets juste de leur demander de signer leur commentaire, même avec le pseudonyme le plus bidon du monde (X, Y, BHL, Zizou, Althusser à rien...), afin que je puisse m'y repérer dans cette foule d'"anonymous".

Cordialement !

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mardi 15 mars 2005

La citation du jour.

C'est une phrase de Karl Kraus : "On ne devrait pas en apprendre plus qu'on en a absolument besoin contre la vie."

Précisons que dans le contexte cet aphorisme s'interprète naturellement comme un encouragement pour un écrivain à ne pas trop lire. Mais on peut tout aussi bien en tirer la conséquence qu'il faut lire beaucoup de choses pour s'armer contre la vie, et bien sûr tout autant prendre cette phrase dans un sens plus général.

Sans doute cela sonne-t-il mieux en allemand. Si d'ailleurs un de mes innombrables lecteurs dispose de la citation originale, qu'il ne se prive pas de m'en faire profiter ; même sans connaître la-langue-de-Goethe, ça pourra toujours m'aider contre la vie.

Par ailleurs, je dois à la vérité d'avouer que M. Schneidermann n'a pas jugé utile de répondre à mon dernier courrier. J'ai probablement été involontairement impoli.

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mercredi 9 mars 2005

Nouvelle tentative auprès de M. Schneidermann.

Copie d'une lettre envoyée ce jour à "Arrêt sur images" :

"Oui, bonjour, j'ai bien aimé votre dernière émission,
mais j'avoue n'avoir pas pu m'empêcher de me demander pourquoi vous n'avez pas invité, tout simplement, M. Dieudonné.

Je veux bien admettre qu'à l'entendre il n'y connaît pas grand-chose en traite des noirs, j'admets tout autant que l'homme ne faisant pas toujours dans la nuance, l'inviter ne présage pas d'une émission, ni sans doute d'un accueil critique, de tout repos.

Reste que, confronté à un historien qui connaisse bien les traites négrières et, pourquoi pas, à un historien du judaïsme qui ne fasse pas systématiquement dans l'apologétique, on aurait enfin pu voir si M. Dieudonné a des choses à dire ou non : au moins ne pourrait-il plus se poser en victime des medias.

Ce genre de choses est toujours facile à écrire depuis son fauteuil, mais il me semble que le pari eût pu être tenté et qu'à coup sûr la démocratie n'y eût pas risqué d'y perdre grand-chose.



PS : à propos des images de Florence Aubenas, oserais-je me montrer surpris qu'une émission comme la vôtre ait peur de certaines images, ou ne croie pas qu'un commentaire approprié puisse désamorcer l'éventuel piège qu'elles recèlent ? J'avoue en être resté pantois."

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samedi 5 mars 2005

L'oubli du non-existant ?

Il y a maintenant quelques semaines, l'Observatoire du communautarisme (cf. liens) attirait notre attention sur un téléfilm consacré à la déportation des homosexuels durant la seconde guerre mondiale. Il y voyait, à tort ou à raison, mais avec des arguments intéressants, une œuvre de propagande victimaire autour d'un épisode très mineur de l'histoire française, la déportation d'homosexuels en tant que homosexuels (et non pas résistants, juifs...) ayant été, selon l'Observatoire, quelque chose de très exceptionnel - l'Allemagne n'avait rien contre le fait que ces "untermenschen" puissent contribuer à la décadence des races non-aryennes.

Je ne sais si l'Observatoire a raison, mais la lecture de la présentation de ce téléfilm dans le dernier Télérama a effectivement de quoi laisser circonspect. Petite analyse.

Le chapeau évoque "une part cachée de l'histoire du XXème siècle", le deuxième paragraphe "la persécution dont furent victimes les homosexuels durant la seconde guerre mondiale". Premier bilan : " "Un amour à taire" est... la première fiction française à éclairer, soixante ans après, un épisode passé sous silence, une histoire d'exclusion, de minorité. Et c'est tout à l'honneur de France 2 de s'être engagé sur le projet." C'est après qu'on a décerné cet émouvant brevet de courage politique que les ennuis vont commencer. (On remarquera en passant l'effet annoblissant des termes "exclusion" et "minorité" et leur fonction d'appât du lecteur-télespectateur).
Le scénariste, M. Pascal Fontanille, explique qu'ayant cherché des livres sur la déportation homosexuelle il n'avait rien trouvé et avait été "troublé par cette occultation". Mais, nous dit Télérama, "peu à peu, livres, contributions historiques, témoignages, pièces de théâtre titillent l'amnésie collective". A ceci près que le journaliste ne nous cite en note aucune "contribution historique", uniquement des œuvres intimes ou de fiction. La conclusion du scénariste n'en tombe pas moins : "Notre souci était d'être historiquement irréprochables, de ne pas laisser le moindre espace à l'approximation face à ceux qui disent que cela n'a jamais existé."
Et c'est là que l'article bascule dans l'absurde, puisqu'aussi bien l'autorité historique invoquée par le scénariste, M. Jean Le Bitoux, que le journaliste, nous expliquent que cette fameuse déportation n'a en France (à l'exception de l'Alsace et la Moselle) concerné que ceux qui avaient des rapports avec des gradés allemands - toute douleur bue, on imagine que ça ne représente pas une population énorme (surtout si l'on en retire "Gestapette" (Bonnard) et autres écrivains pédés collabos). Qui plus est, le résumé du téléfilm indique bien qu'il ne concerne même pas ces petits pervers qui polluaient les officiers aryens ! Voilà qui s'appelle effectivement être "historiquement irréprochables".

Résumé de l'opération : on postule que "la" déportation des homosexuels a eu lieu, qu'elle a été "occultée" - alors que si on ne trouve pas de livres dessus, c'est peut-être qu'elle n'a pas existé -, on vante sa propre rigueur face à de supposés révisionnistes. Et on filme n'importe quoi.

Ce qu'il est plus difficile de comprendre sans accuser Mme Marie Cailletet, journaliste de Télérama, de bêtise, de machiavélisme ou de schizophrénie, c'est comment elle peut sans se troubler, écrire une chose puis son contraire durant son article, sans signaler elle-même la contradiction. Je laisse donc au lecteur le soin de décider quelle est la meilleure option.

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mercredi 2 mars 2005

La vie serait moins drôle sans Didier Julia.

M.-E. Nabe n'a sans doute pas tort d'écrire que la réalité est devenue ces derniers temps nettement plus palpitante, émouvante et drôle que les films de fiction. Le retour de Didier Julia par l'intermédiaire de "l'appel de Florence", comme dit Libération (qui ne semble pas se rendre compte que cette dénomination est un peu ridicule) fait partie de ces canulars dont l'actualité récente a le secret. Les kidnappeurs de Mme Aubenas ne sont probablement pas des anges, mais ils ne manquent pas d'un certain sens de l'humour : il n'est pas difficile de les imaginer rigoler ensemble du bon coup qu'ils ont fait à la France, de la perplexité dans laquelle ils ont plongé ses hommes politiques et médiatiques...

Certes nous ne savons pas tout, et le moins que l'on puisse dire est que les circonvolutions des rédacteurs de Libération ce matin, qui ne savent pas manifestement pas tout non plus, mais néanmoins bien plus que ce qu'ils veulent bien nous dire, mériteront peut-être dans le futur une analyse rhétorique serrée.

Je change de sujet - une petit note en passant, là encore avec une semaine de retard. Je n'avais pas grand-chose de personnel contre le gentil pédophile de droite Gérard Jugnot, mais voilà que non seulement il ose faire un remake de Boudu sauvé des eaux, mais qu'il nous explique sans rire qu'il n'aurait pas osé faire de même pour La règle du jeu et La grande illusion, tandis que Boudu n'est qu'un Renoir "mineur"... Outre la révérence académique et toujours quelque peu mortifère devant les chefs-d'œuvre consacrés, un tel aplomb, une telle morgue dans la bêtise laissent pantois. M. Jugnot ajoute que de toute manière c'est Michel Simon qui avait tout décidé. Mais en admettant même que ce soit vrai - ça ne l'est évidemment pas, et s'il connaissait son Renoir aussi bien qu'il le laisse supposer, il ne proférerait pas une telle ânerie -, qu'est-ce que cela changerait ? La moindre seconde de jeu de Michel Simon - déjà profané par Villeret et Jean Becker dans un remake de La poison - est un grand moment de cinéma, voilà bien l'un des rares acteurs qui par son génie est aussi metteur en scène - ce qu'un comédien expérimenté et quelque peu talentueux devrait être à même de sentir.

Je laisserais bien à Gérard Jugnot le bénéfice du doute, sur le thème "il a fait une déclaration comme ça, il ne savait pas quoi dire sur l'instant..." - mais il a passé des mois à refaire un film qui ne lui avait rien demandé, qui vivait très bien dans nos mémoires... C'est donc qu'il est aussi stupide que prétentieux. Dommage.

De là à dire que Didier Julia, c'est Boudu...

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