samedi 16 septembre 2006

L'une chante, l'autre bave.

Elisabeth Schwarzkopf, Leopold Simoneau, et maintenant Astrid Varnay

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- décidément le monde lyrique lève le camp avant l'apocalypse. La meilleure, la plus grande, Sena Jurinac, partira sans doute en dernier, pour la beauté du symbole.

Les critiques anglo-saxons considèrent généralement Varnay comme une transition intéressante, mais seulement une transition, dans le chant wagnérien, entre les années 30 dominées par l'immense Kirsten Flagstad, et les années 60 de Birgit Nilsson. Les critiques français répondent que Nilsson, qu'elle chante Isolde, Sieglinde ou Brunnhile, reste aussi désespérement frigide que lorsqu'elle interprète la très vierge Turandot. La vérité est entre les deux : Nilsson fut une admirable chanteuse, Varnay fut moins sûre vocalement, mais le meilleur de Varnay est au-dessus et nettement plus émouvant que le meilleur de Nilsson. En témoigne la meilleure version du Ring, celle de Clemens Krauss à Bayreuth en 1953 - son dernier acte de La Walkyrie, avec Hans Hotter, ou son immolation de Brunnhilde dans Le crépuscule me laissent à tout coup sans voix (c'est logique), mais, hélas pour mes proches, pas tout à fait muet d'admiration - un fier destrier à mes côtés j'irais dans ces moments-là volontiers - la victoire en chantant - abattre les murs protégeant les dieux, rejeter à la mer l'idole par excellence - l'or -, tel M. Atta sur son Boeing, brisant les murs de l'argent...

Référence d'autant moins incongrue que :

- le Ring en son entier peut être interprété, ainsi que le fit un jour Alain Badiou, comme une métaphore du rôle destructurant de l'argent dans les relations humaines. Chez Wagner, cela entrainait, entre autres, le crépuscule des dieux ; de nos jours ce serait plutôt - bientôt ? - le crépuscule des hommes, apocalypse athée, crépuscule des impies ;

- Astrid Varnay fit ses grands débuts sur scène la veille de Pearl Harbor, ce qui présageait déjà d'un beau rapport à l'apocalypse ;

- j'apprends à quelques heures d'intervalle son décès et celui de l'épouvantable Oriana Fallaci

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- qui (clopait, c'est un bon point pour elle, et) fut précisément "inspirée" par le 11 septembre. Elle aurait alors bien voulu posséder le génie littéraire de Céline, elle qui, dans le registre raciste, avait à peine plus de style qu'un vulgaire maire de Montfermeil. Moi qui ai pris la peine de lire La rage et l'orgueil, je lui aurais pardonné son racisme islamophobe, lequel ne m'a jamais empêché de dormir, je n'aurais pas éprouvé une certaine bouffée de plaisir à imaginer les années de souffrance que son cancer lui avait causées, je n'écrirais pas ceci, si ce livre avait poussé la haine jusqu'au délire, jusqu'au génie - malsain, dangereux, je veux bien, mais "humain, trop humain". Mettons les points sur les i : ce qu'écrivit Céline il y a soixante-dix ans dans ses pamphlets est certes répugnant, mais il reste, même là, un écrivain de génie qui fait que l'on ne peut tout à fait suivre contre lui les apôtres du politiquement correct. Au lieu que Fallacci était trop médiocre pour que l'on ne se résigne pas à rejoindre, contre elle, une si triste compagnie.

Et puis certes, il y a, ou plutôt il y avait Fallacci, mais il y a des "prêcheurs de haine" comme Finkielkraut ou Taguieff, qui l'ont soutenue lors de la sortie de ce livre - de farouches défenseurs de la République applaudissant à des phrases telles que : "Dieu merci, je n’ai jamais eu affaire à un homme arabe. A mon avis il y a quelque chose dans les hommes arabes qui dégoûte les femmes de bon goût.", ou : "Les Italiens ne font plus d’enfants, les imbéciles. Les autres Européens, à peu près pareil. Les fils d’Allah, au contraire, se multiplient comme des rats.” - cela laisse, pour le coup, vraiment bouche bée.

Je me tais donc et vous laisse, j'ai un Ring à écouter.

War es so schmälich...

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