samedi 11 novembre 2006

"Vaste programme."

Jacques Brel fut fasciné par la connerie. Digne héritier de Flaubert de ce point de vue, il finit par arriver à la définition suivante du con : un con, c'est quelqu'un qui s'est un jour, parfois très tôt, parfois la cinquantaine (par exemple) venue, trouvé assez content de lui pour décider qu'il pouvait arrêter de se poser des questions, sur lui-même, sur les autres, sur le monde.

Cette idée a le double mérite d'être "démocrate" et "wittgensteinienne" (les guillemets sont de rigueur, comme vous allez pouvoir le constater). "Démocrate" car elle permet d'évacuer la question de l'égalité ou de l'inégalité à l'origine, insoluble dans l'état actuel de la génétique, et peut-être insoluble de toutes façons ; "wittgensteinienne" car elle amène à s'interroger sur les processus par lesquels des individus décident, à quel niveau de conscience mon dieu, ou mon Wittgenstein, c'est bien là un des problèmes, par lesquels des individus considèrent que ça ne vaut plus la peine de faire d'effort pour comprendre ce qui se passe en et autour d'eux.

Et bien sûr une telle vision contribue à la légitimité des attaques que l'on peut formuler contre les auto-proclamés intellectuels (je vous épargne les guillemets). Car bon, qu'un balayeur ou un chef d'entreprise, qui maîtrise son sujet, décide d'en rester là, c'est après tout lui et ses proches que cela regarde et peut ou non déranger. En revanche, s'arrêter de penser alors que, finalement, on est payé pour cela, c'est une faute professionnelle. Et comme ce salaire est justifié par l'influence que l'on peut avoir sur ses concitoyens, à la faute professionnelle s'ajoute une faute morale. Ce qui veut dire que non seulement ils sont cons, mais incompétents et crapuleux.

Il n'y a donc aucune raison d'avoir pitié de leur connerie.


P.S. : en écrivant tout ceci je m'aperçois que l'interrogation sur la connerie est typiquement moderne, puisque justement elle pose le problème de l'égalité ("tous les hommes naissent égaux..."). Mais on n'a pas attendu 1789 pour être emmerdé par les "sots".

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