vendredi 31 août 2007

"Faut bien bouffer. - Je vois pas le rapport."

Faisons travailler les autres à notre place - où le communautarisme consiste à utiliser le refus de l'identité pour se construire une identité, où un "hétérosexuel" défend mieux les homosexuels qu'un homosexuel, où l'on se le fait bouffer par de jolies femmes...






QUE DEMANDE LE PEUPLE ?

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dimanche 26 août 2007

"Il faut le système, et il faut l'excès." Le mysticisme vient après, pas avant.

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Ce qui suit d'une part a un côté l'homme-qui-a-vu-l'homme-qui-a-vu-l'ours, en traduction qui plus est, d'autre part répète des choses connues, mais l'intérêt en l'occurence est que cela vient de Pier Paolo Pasolini, soit quelqu'un que l'on peut difficilement soupçonner d'être "réactionnaire". Il évoque ici le livre Hindouisme et bouddhisme, non pas de Max Weber, mais d'Ananda Coomaraswamy (dans l'oeuvre duquel, notons-le au passage, R. Guénon a souvent puisé) :

"En réalité, le caractère réactionnaire de la religion hindoue est une erreur d'optique, comme l'observe Ananda Coomaraswamy. Et il a raison : l'Eglise catholique n'était pas réactionnaire au Moyen Age. La culture du suzerain et celle du paysan étaient la même. (...) La résignation ne vaut pas moins que la révolte, dans une société bien sûr essentiellement non contradictoire : où le fils prend le rôle du père et l'obéissance qui - dans les sociétés antiques - conduit à cela, est la dignité suprême. L'assimilation au père avec la reprise de ses devoirs, qui deviennent ainsi héréditaires, est la cause première de la division de la société en castes, selon le croyant Ananda Coomaraswamy. Certes, ce n'est pas la seule, mais quelle importance ? Ceux qui supportaient et vivaient cette forme archaïque de« division du travail » y croyaient fermement et l'acceptaient : un « univers humain » ne compte que vu de l'intérieur. En outre, d'après le texte d'Ananda Coomaraswamy, nous apprenons une chose surprenante.



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Il n'est pas vrai qu'un individu soit lié à sa caste de la naissance à la mort. Il peut échapper à ce déterminisme social - qui nous paraît si impardonnablement injuste - à travers « l'éveil ». L'Eveillé, qui parvient au quatrième et dernier degré de connaissance, c'est-à-dire à l'apathie et à la mort vivante, et qui vit dans le dénuement total peut provenir de la caste des gouvernants et prêtres, mais peut provenir aussi de la caste des parias. Ce qui donne l'égalité et la liberté, c'est la sainteté, c'est-à-dire la libération de la conscience du bien et du mal, et l'abandon non seulement des biens de la vie, mais aussi du rituel religieux et de la théologie elle-même ! L'enseignement suprême (pour nous) de la religion indienne est en effet le suivant : « Une Eglise ou une société qui ne fournirait pas les moyens pour s'affranchir de ses propres institutions, qui empêcherait ses membres de se libérer d'elle, réduit à néant sa suprême raison d'être. »"

(Descriptions de descriptions, Rivages-Poche, 1995, pp. 116-117, trad. modifiée. Le livre d'A. Coomaraswamy est publié chez Gallimard, coll. "Idées", 1980. Je souligne.)



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mercredi 22 août 2007

Après Wittgenstein, Saint Thomas.

C'est le titre d'un livre de Roger Pouivet, recommandé par V. Descombes himself, que je dois lire depuis quelques mois, et qui m'est revenu en tête à l'occasion de cette note.

Bref : en guise de complément à la série toujours en cours des "Fragments sur le holisme", je recopie ci-après le chapitre VI, intitulé "Le principe d'individuation", du livre de René Guénon
Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps (1945), sans commentaires, en espérant que le lecteur pourra le suivre sans avoir pris connaissance des chapitres précédents. Si tel n'était pas le cas, cela serait une excellente raison pour vous de le lire (ainsi que La crise du monde moderne, par ailleurs.)



"Nous pensons en avoir dit assez, en vue de ce que nous nous proposons, sur la nature de l'espace et du temps, mais il nous faut encore revenir à la « matière » pour examiner une autre question dont nous n'avons rien dit jusqu'ici, et qui est susceptible de jeter quelque nouvelle lumière sur certains aspects du monde moderne. Les scolastiques considèrent la materia comme constituant le principium individuationis ; quelle est la raison de cette façon d'envisager les choses, et jusqu'à quel point celle-ci est-elle justifiée ? Pour bien comprendre ce dont il s'agit, il suffit en somme, sans sortir aucunement des limites de notre monde (car ici il n'est fait appel à aucun principe d'ordre transcendant par rapport à celui-ci), d'envisager la relation des individus à l'espèce : l'espèce, dans cette relation, est du côté de la « forme » ou de l'essence, et les individus, ou plus précisément ce qui les distingue à l'intérieur de l'espèce, du côté de la « matière » ou de la substance. Il n'y a pas lieu de s'en étonner, étant donné ce que nous avons dit plus haut sur le sens du mot ειδος, qui est à la fois la « forme » et l'« espèce », et sur le caractère purement qualitatif de cette dernière ; mais il y a lieu de préciser encore davantage, et aussi, tout d'abord, de dissiper certaines équivoques qui pourraient être causées par la terminologie.

Nous avons déjà dit pourquoi le mot « matière » risque de donner lieu à des méprises ; le mot « forme » peut s'y prêter peut-être encore plus facilement, car son sens habituel est totalement différent de celui qu'il a dans le langage scolastique ; dans ce sens, qui est celui, par exemple, où nous avons parlé précédemment de la considération de la forme en géométrie, il faudrait, si l'on se servait de la terminologie scolastique, dire « figure » et non pas « forme » ; mais cela serait par trop contraire à l'usage établi, dont on est bien forcé de tenir compte si l'on veut se faire comprendre, et c'est pourquoi, chaque fois que nous employons le mot « forme » sans référence spéciale à la scolastique, c'est dans son sens ordinaire que nous l'entendons. Il en est ainsi, notamment, quand nous disons que parmi les conditions d'un état d'existence, c'est la forme qui caractérise proprement cet état comme individuel ; il va de soi, d'ailleurs, que cette forme, d'une façon générale, ne doit nullement être conçue comme revêtue d'un caractère spatial ; elle l'est seulement dans notre monde, parce qu'elle s'y combine avec une autre condition, l'espace, qui n'appartient proprement qu'au seul domaine de la manifestation corporelle. Mais alors la question qui se pose est celle-ci : parmi les conditions de ce monde, n'est-ce pas la forme ainsi entendue, et non pas la « matière », ou, si l'on préfère, la quantité, qui représente le véritable « principe d'individuation », puisque les individus en tant que tels sont conditionnés par elle ? Ce serait ne pas comprendre ce que les scolastiques veulent dire en fait quand ils parlent de « principe d'individuation » ; ils n'entendent aucunement par là ce qui définit un état d'existence comme individuel, et même ceci se rattache à un ordre de considérations qu'ils semblent n'avoir jamais abordé ; d'ailleurs, à ce point de vue, l'espèce elle-même doit être regardée comme étant d'ordre individuel, car elle n'est rien de transcendant par rapport à l'état ainsi défini, et nous pouvons même ajouter que, suivant la représentation géométrique des états d'existence que nous avons exposée ailleurs, toute la hiérarchie des genres doit être envisagée comme s'étendant horizontalement et non pas verticalement.

La question du « principe d'individuation » est d'une portée beaucoup plus restreinte, et elle se réduit en somme à celle-ci : les individus d'une même espèce participent tous d'une même nature, qui est proprement l'espèce même, et qui est également en chacun d'eux ; qu'est-ce qui fait que, malgré cette communauté de nature, ces individus sont des êtres distincts et même, pour mieux dire, séparés les uns des autres ? Il est bien entendu qu'il ne s'agit ici des individus qu'en tant qu'ils appartiennent à l'espèce, indépendamment de tout ce qu'il peut y avoir en eux sous d'autres rapports, de sorte qu'on pourrait encore formuler la question ainsi : de quel ordre est la détermination qui s'ajoute à la nature spécifique pour faire des individus, dans l'espèce même, des êtres séparés ? C'est cette détermination que les scolastiques rapportent à la « matière », c'est-à-dire au fond à la quantité, suivant leur définition de la materia secunda de notre monde ; et ainsi « matière » ou quantité apparaît proprement comme un principe de « séparativité ». On peut d'ailleurs bien dire en effet que la quantité est une détermination qui s'ajoute à l'espèce, puisque celle-ci est exclusivement qualitative, donc indépendante de la quantité, ce qui n'est pas le cas des individus, du fait même que ceux-ci sont « incorporés » ; et, à ce propos, il faut avoir le plus grand soin de remarquer que, contrairement à une opinion erronée qui n'est que trop répandue chez les modernes, l'espèce ne doit en aucune façon être conçue comme une « collectivité », celle-ci n'étant rien d'autre qu'une somme arithmétique d'individus, c'est-à-dire, au contraire de l'espèce, quelque chose de tout quantitatif ; la confusion du général et du collectif est encore une conséquence de la tendance qui porte les modernes à ne voir en toutes choses que la quantité, tendance que nous retrouvons ainsi constamment au fond de toutes les conceptions de leur mentalité particulière.

Nous arrivons maintenant à cette conclusion : dans les individus, la quantité prédominera d'autant plus sur la qualité qu'ils seront plus proches d'être réduits à n'être, si l'on peut dire, que de simples individus, et qu'ils seront par là même plus séparés les uns des autres, ce qui, bien entendu, ne veut pas dire plus différenciés, car il y a aussi une différenciation qualitative, qui est proprement à l'inverse de cette différenciation toute quantitative qu'est la séparation dont il s'agit. Cette séparation fait seulement des individus autant d'« unités » au sens inférieur du mot, et de leur ensemble une pure multiplicité quantitative ; à la limite, ces individus ne seraient plus que quelque chose de comparable aux prétendus « atomes » des physiciens, dépourvus de toute détermination qualitative ; et, quoique cette limite ne puisse jamais être atteinte en fait, tel est bien le sens dans lequel se dirige le monde actuel.


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Il n'y a qu'à jeter un regard autour de soi pour constater qu'on s'efforce partout de plus en plus de tout ramener à l'uniformité, qu'il s'agisse des hommes eux-mêmes ou des choses au milieu desquelles ils vivent, et il est évident qu'un tel résultat ne peut être obtenu qu'en supprimant autant que possible cette distinction qualitative ; mais ce qui est encore bien digne de remarque, c'est que, par une étrange illusion, certains prennent volontiers cette « uniformisation » pour une « unification », alors qu'elle en représente exactement l'inverse en réalité, ce qui peut du reste paraître évident dès lors qu'elle implique une accentuation de plus en plus marquée de la « séparativité ». La quantité, insistons-y, ne peut que séparer et non pas unir ; tout ce qui procède de la « matière » ne produit, sous des formes diverses, qu'antagonismes entre les « unités » fragmentaires qui sont à l'extrême opposé de la véritable unité, ou qui du moins y tendent de tout le poids d'une quantité qui n'est plus équilibrée par la qualité ; mais cette « uniformisation » constitue un aspect du monde moderne trop important, et en même temps trop susceptible d'être faussement interprété, pour que nous n'y consacrions pas encore quelques autres développements."

- Suit le chapitre VII, "L'uniformité contre l'unité".




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mardi 21 août 2007

Entre ici, André Malraux...

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Plus j'avance et plus je me convainc que la modernité de la justesse de la thèse développée dans mon commentaire de Max Weber et Pierre Bouretz : la modernité est chaotique par excellence et essence - parfois beaucoup, parfois moins. Ce chaos est parfois vécu avec excitation, parfois avec effroi, parfois avec un consentement tranquille qui lui donne une apparence de stabilité, mais il est permanent.

Et bien qu'une citation ne fasse pas preuve, il est toujours agréable de retrouver sa pensée là où ne s'y attendait pas, en l'occurrence chez quelqu'un que je lis fort peu, André Malraux :

"La nature d'une civilisation, c'est ce qui s'agrège autour d'une religion et le phénomène que nous sentons très bien depuis que la machine est entrée en jeu (pas la science, la machine), c'est la fin de ce qu'on pourrait appeler la valeur suprême, avec en même temps quelque chose qui semble tout le temps la rechercher." (Cahier de l'Herne Malraux, 1982, p. 21, je souligne). Pas mal pour un camé !


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lundi 20 août 2007

Faurrisson encule Duras et Vidal-Naquet (ou ce qu'il en reste).

Vous comprendrez ce que signifie dans mon esprit ce titre en lisant ce texte d'Alain de Benoist, vieux de plus de dix ans. Si, sur la thèse, il ne vous apprendra rien - on peut même lui trouver, dans sa première partie, des relents debordiens un rien gênants, mais nous y reviendrons en temps utile -, sur la description de certaines pratiques, il est fort distrayant. D'autant que sa relative ancienneté permet de juger de l'évolution de certains depuis la parution de cette "Nouvelle Inquisition" - je pense notamment à l'hémorroïde stalino-sioniste Taguieff, dont le parcours fait irrésistiblement penser à ces gauchistes profitant des années passer à étudier le système capitaliste à fins de destruction, pour recycler ce savoir en se mettant au service dudit dystème. Le beurre n'a pas d'odeur !


"Un peuple va vers sa ruine quand les honnêtes gens n'ont plus qu'un courage inférieur à celui des individus malhonnêtes."



Signalons aussi cette série d'entretiens avec Robert Steuckers : 1ère partie ; 2ème partie ; 3ème partie. Si le personnage peut, à première vue, ne pas séduire plus que ça, ses informations sur la géopolitique ou la "Révolution conservatrice" ne sont pas dénuées d'intérêt.


Enfin, je souhaiterais vous soumettre un dilemme moral. Je reviens d'un pays scandinave où la moyenne bourgeoisie (c'est-à-dire la petite bourgeoisie aisée) est triomphante, c'est parfaitement étouffant, et je me demandais qui était le plus méprisable, du bourgeois qui a réussi et vous impose de façon ostentatoire un luxe qui n'a même pas la démesure pour excuse et qui n'a guère que le confort du (gros) cul dudit bourgeois comme justification ; ou du petit-bourgeois-qui-veut-devenir-moyen, qui rame et s'endette pour se payer le même écran plasma que son voisin, pour y regarder les mêmes merdes que lui. Les deux sont détestables, mais y a-t-il une différence à faire ? Je n'arrive pas à décider.

Allah vous bénisse !

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dimanche 19 août 2007

(Déloyale Cécilia.)

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"Ceux d'entre les riches qui ne sont pas exactement des réprouvés peuvent comprendre la pauvreté, puisqu'ils sont eux-mêmes des pauvres, en un sens ; ils ne peuvent pas comprendre la misère. Capables de l'aumône, peut-être, incapables du dépouillement, ils s'attendriront en belle musique, sur Jésus souffrant, mais sa Croix leur fera horreur, la réalité de sa croix ! Il la leur faut toute en lumière et toute en or, somptueuse et légère, agréable à voir sur une belle gorge de femme. (...)


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Et ils osent parler de charité, prononcer le mot Charité qui est le Nom même de la Troisième Personne divine ! Prostitution des mots à faire peur au diable ! Cette belle dame, qui n'a pas même la loyauté de livrer son corps aux malheureux qu'elle attise, ira, ce soir, montrer tout ce qu'elle pourra de sa blanche viande à sépulcre où frémissent des bijoux pareils à des vers et la faire adorer à des imbéciles, en des fêtes prétendues de charité, à l'occasion de quelque sinistre, pour engraisser un peu plus les requins ou les naufrageurs. La richesse dite chrétienne éjaculant sur la misère !

Dieu souffre tout cela jusqu'à ce soir, qui pourrait être le "Grand Soir", comme disent les nourrissons de l'Anarchie. Cependant il fait jour encore. Il n'est que trois heures, c'est l'heure de l'Immolation du Pauvre. Les esclaves des mines et des usines travaillent encore. Des millions de bras agissent péniblement sur toute la terre pour la jouissance de quelques hommes


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et les millions d'âmes, étouffées par l'angoisse de ce labeur, continuent à ne pas savoir qu'il y a un Dieu pour bénir ceux qui les écrasent : le Dieu des luxures et des élégances, dont "le joug est suave et le fardeau si léger" pour les oppresseurs.

C'est vrai qu'il y a des refuges : l'ivrognerie, la prostitution des corps, le suicide ou la folie. Pourquoi la danse ne continuerait-elle pas ?"

(L. Bloy, Le sang du Pauvre, 1909, ch. II)


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"J'étais infirme de vos désobéissances et mis en prison pour tous ceux qui ne se croyaient pas des captifs..."

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samedi 18 août 2007

De Mauss à la grâce.

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"Mais la vie m'enseigne que nul n'est consolé en ce monde qui n'ait d'abord consolé, que nous ne recevons rien que nous n'ayons d'abord donné. Entre nous, il n'est qu'échange, Dieu seul donne, lui seul." (Bernanos)


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mercredi 15 août 2007

Solidarité mon cul.

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"Dans un monde qui essaie de diluer le Divin dans une sorte d'anonymat, il était inévitable que prospérât cette surestimation de l'humanitarisme qui fait attendre de l'aide humaine ce qu'elle ne peut pas donner. Et la bonté divine est si mystérieusement liée à la dureté divine qu'une époque qui entreprend de la distribuer en devançant la Providence fait resurgir du même coup parmi les hommes les plus vieilles réserves de cruauté." (Rilke, 1924)



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mardi 14 août 2007

La fermeture.

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Je retombe sur quelques phrases de Muray - qui sont parfois des citations d'autres auteurs -, je vous les livre, faites circuler...

"Le monde n'est pas pourri jusqu'à l'os, comme le prétendent les protestants de toutes les religions, c'est-à-dire les écologistes de tous les siècles. La Nature n'est pas intégralement corrompue, la faute originelle n'a pas annulé notre libre arbitre. Le pardon est à portée de main, et ce sont les hommes, non Dieu, qui rêvent sans cesse aux procès et aux tribunaux.
Ce n'est pas que le Mal n'existerait pas, ou serait négligeable, au contraire, mais pourquoi s'abandonner à cette faiblesse de prêter une force propre à la Nuisance radicale ? Le Mal n'est un être que si on le veut bien, c'est-à-dire si on l'appelle à tue-tête, et notamment en n'arrêtant pas de le dénoncer. Le Mal n'est Quelqu'un que si on en fait tout un plat en refusant d'en rire parce qu'on préfère jouir de le prendre au sérieux. Le démon se sent menacé chaque fois qu'on l'oublie cinq minutes, il connaît par cœur le puéril catéchisme de la pub : qu'on parle de lui, en bien, en mal, mais qu'on en parle, ça ne va pas plus loin. Etre, pour lui, c'est d'abord être dénoncé."


"Une espèce de marée noire musicale beurre aujourd'hui les rives du monde. Tous les jours, des gens qui ne toléreraient pas que vous leur fumiez sous les narines vous soufflent leurs préférences aux oreilles."


Bernanos : "Ce que vos ancêtres appelaient des libertés, vous l'appelez déjà des désordres, des fantaisies."


"[Bernanos : ]« Ce préjugé est même poussé si loin que nous supporterions volontiers d'être esclaves, pourvu que personne ne puisse vanter de l'être moins que nous.» Et encore : « On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l'on n'admet pas d'abord qu'elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. »

Il se souvenait d'une période déjà très lointaine où certains Français s'étaient révoltés devant l'innovation policière des empreintes digitales, et où on leur avait fait honte de leur frilosité. « Comment ! leur a-t-on dit, mais vous n'êtes pas des criminels ! Cette réforme admirable ne vous concerne donc pas ! Au contraire : en visant les malfaiteurs, elle accroît votre sécurité ! L'ennui, commentait Bernanos, c'est que la notion de "criminalité" s'était alors prodigieusement élargie... »"


Rubens, sur les Anglais - donc sur les Américains : "amis des dieux et ennemis de tout le monde."


Deux phrases de Tocqueville :

- l'Inquisition n'a "jamais pu empêcher qu'il ne circulât en Espagne des livres contraires à la religion du plus grand nombre. L'empire de la majorité fait mieux aux Etats-Unis : elle a ôté jusqu'à la pensée d'en publier."

- "Ce que je reproche à l'égalité, ce n'est pas d'entraîner les hommes à la poursuite de jouissances défendues, c'est de les absorber entièrement à la recherche des jouissances permises."


"On a pu voir tout ce qui avait été libéré de ses anciens maîtres se retrouver aussitôt précipité dans le néant (le sexe libéré des "tabous" et des "interdits moraux" explosant dans la pornographie comme une étoile qui meurt ; le prolétariat libéré de son servage et cessant d'exister comme classe ; le temps lui-même "délivré" catastrophiquement par le loisir généralisé de l'antique fardeau de la chronologie)."


Ce texte a été écrit en 1984, les notes entre crochets sont de 1997 :

"Balzac a écrit toute sa vie ce que les notaires savaient mais qu'ils ne savaient pas écrire ; je crois qu'on peut désormais essayer d'écrire ce que les médecins savent mais qu'ils ne diront pas, ça nous changera. Et ce que les médecins savent, ce qu'il y a à savoir sur le savoir des médecins, au bout du compte, dans le fond du fond, vertigineusement, ça concerne la place presque effacée du Père (de l'homme) atteignant le dernier chapitre de l'histoire de sa destitution ; conservée, au mieux, comme spectateur passif dans la nouvelle Trinité composée du Médecin, de la Mère candidate et de l'Enfant à faire consister ["Je me dois aujourd'hui d'ajouter à cette Trinité une quatrième personnage : l'inventif, l'infatigable Législateur. L'appétit de lois et la prolifération des lois, pour la plupart nuisibles ou inutilisables, ne sont que des conséquences de la disparition radicale de la loi symbolique (le Père)."] ; réduit au rôle sympathique, définitif et hébété, de père nourricier. Si, plus ou moins, depuis toujours, la partie masculine de l'espèce a pu se raconter qu'elle avait comme saint modèle Dieu le Père en personne, elle va devoir réduire ses prétentions d'urgence, à des personnages moins dominants comme Zacharie, par exemple, ou saint Joseph, ces mâles discrets, qui font ce qu'on leur dit de faire quand on le leur dit et qui disparaissent sans bruit, dans les textes, au moment où, la volonté d'enfants s'étant réalisée, on n'a plus besoin d'eux... ["Dans ce domaine comme dans tant d'autres, les choses sont allées à un train d'enfer. Treize ans plus tard, on peut noter que la destitution du mâle (du père) s'est elle aussi accélérée. Un nouveau rôle lui est désormais proposé, une nouvelle mission lui est assignée : celle de devenir une femme comme les autres ; et, si possible, une mère."]"

Concluons tristement :

"Le sida, c'est ce qui reste du sexe quand celui-ci a disparu."


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lundi 13 août 2007

Où sont les femmes...

Chez Bergman, dans le temps, et un peu comme le "jeune Godard" on a pu avoir l'impression de les y découvrir.


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Godard "croyait que le cinéma serait éternel parce que lui se croyait éternel au début. C'est un sentiment bien humain que d'espérer que son art meure avec soi, qu'on soit le dernier de son art. Voilà une présomption qui ne peut toucher l'écrivain : moi je suis sûr que la littérature continuera après moi. C'est ce qui a pu faire croire que le cinéma, comme le jazz toujours, étaient des arts mineurs. Quelle chance pour Godard de se penser fermeur du cinéma, gentleman-fermeur ! De fermeur à tueur il n'y a qu'un coup de feu. Pour Dominique de Roux, qui espérait beaucoup en Godard, c'est bien le tueur du cinéma. Dominique disait encore plus justement : "Le ver est dans son propre fruit." C'est assez bien vu. A force d'avoir voulu détruire le cinéma, le cinéma est mort, alors on assiste aux larmes sincères et désolées, regardez-le bien : il a tout à fait l'attitude du gosse penaud qui a cassé son jouet. "Je ne voulais pas la mort du cinéma !" Trop tard...


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Tout ce qui lui reste à faire c'est de recoller les morceaux. Ce sont les derniers films de Godard. Réussis une fois sur deux." (M.-E. Nabe, 1989)

"Je me retrouve à parler de Godard alors que ça devrait être le contraire ! Avec son snobisme, c'est impossible. C'est justement ce qui va mal : les jeunes artistes sont obligés d'y aller de leurs petites dettes envers les "maîtres" qui ont proclamé en leur temps l'iconoclastie !


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Que Godard ne me connaisse pas est dommage pour la culture française d'aujourd'hui ! Qu'il ne nous fasse pas ensuite le coup de la communication. Il est toujours à se plaindre que les gens ne se parlent pas, mais avec sa peur méprisante il préfère aller s'humilier devant "Marguerite", selon les rites de sa classe, bâiller devant la grande soeur maternaliste qui sait tout. Il a tellement peur de l'écriture ! Il est si complexé par ça ! Tant pis pour lui. Il croit que ça suffit de prendre les Rita Mitsouko, sans les utiliser, dans son dernier film pour être à jour avec notre époque et en même temps il va se réchauffer dans les jupes de la ringardissime Duras.

Laissons-les se branler ! Godard - l'oeuvre de Godard - vaut mieux que ça, mais il ne le sait pas."


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Le maître et l'héritier faisant le paon devant l'art dubitatif ?


"Mon drame, c'est que j'ai toujours tout osé dire aux femmes. D'où vestes et camouflets. Mais aussi bonnes surprises et même - disons-le, extases. J'ai osé leur dire qu'elles manquaient principalement de panache et que les trente années de féminisme "libérateur" qu'elles venaient de vivre les avaient encagées plus encore que les deux mille ans de machisme précédents. En leur donnant ce qu'elles croyaient vouloir (une femme sait-elle vraiment ce qu'elle veut ?), on leur a enlevé le désir de tout. Les hommes, culpabilisés, se trouvent face à des multitudes d'infibulées de la passion, des excisées du délire d'aimer, toujours plus revêches et frustrées. J'ai osé leur dire qu'elles puaient l'impuissance et que, à force de jouer aux pimbêches bêcheuses, les femmes allaient finir à la casse comme de vieilles voitures fatiguées. A qui la faute ? A la psychanalyse d'abord, à la féminisation des abrutis qui leur servent d'hommes ensuite. C'est-à-dire à tous ceux qui n'osent plus dire que la plupart d'entre elles, par idéologisation de leur sexualité, ont renoncé à jouir et surtout à faire jouir. Pour moi, les seules femmes respectables aujourd'hui plus que jamais, sont les putains. Je les aime toutes comme des saintes et je suis leur ange gardien. Il n'y a plus qu'en elles que résident un espoir, une délivrance, un sens de la tragédie qui revilisera les hommes s'ils ont encore l'honnêteté d'aller vers elles. Je prépare un livre sur les femmes, sorte d'écrin pulpeux dont l'apologie de la prostitution sera le bjou, quelque chose comme le clitoris précieux d'un sexe en voie de disparition." (M.-E. Nabe, "La femme est un con", 1998)


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"La France d’avant 14 et d’après 14, c’est différent. Avant 14, c’est des somnambules, après c’est des analystes. Alors ils tombent dans la série Sartre, Camus… Ils croient qu’il vaut mieux “ penser ” ! Tandis qu’en 14, il y avait un devoir, et on le faisait. (…) Il y avait la vertu. Les femmes étaient vertueuses, les hommes étaient braves et travailleurs. Sans ça, c’étaient des monstres. Il y avait la putain, il y avait le bordel, on l’a supprimé aujourd’hui… (...) “ La civilisation de l’Europe tient sur un trépied : un pied c’est le bistrot, l’autre l’église et le troisième le bordel ! ” Evidemment, un trépied, ça tient ! On a supprimé le bordel, maintenant tout tombe ! (…) Il n’y a pas de bordel ! Comme ça on ne respecte plus nos femmes, nos filles…" (L.-F. Céline, 1957 ; la phrase en italiques est attribuée par lui à des amis sud-américains.)


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vendredi 10 août 2007

Il n'y a plus rien.

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"M. Grégoire : Ça vous inspire quelque chose, le sexe et le sacré, normalement oui ?

M.-E. Nabe : Oui, bien sûr. Evidemment, le sexe n'est pas sacré, mais en revanche, le sacré est sexuel, et c'est ce qui me passionne le plus."


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"On connaît la façon dont les choses se sont passées : la conjonction dans le même film d'une nudité pleine de bonheur et d'un regard-caméra accusateur illustre bien les deux pôles à partir desquels la modernité proprement godardienne, elle-même partie intégrante et constitutive de la modernité cinématographique maintenant disparue, s'est construite. Jean Seberg puis Anna Karina prendront ici la suite de Harriet Andersson, dans des oeuvres qui sans doute surpassent Monika. La maturité sexuelle de Bergman, nettement supérieure à celle du jeune Godard, a accéléré la maturité artistique de celui-ci." (S. Daney)




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"Je n'ai pas le courage de regarder en face le déshonneur de mon pays. Le mot de déshonneur me paraît lui-même sans proportion avec les événements et les hommes, je me demande si nous avions encore tant d'honneur à perdre." (G. Bernanos)

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mardi 7 août 2007

Guerre des sexes. Paix des braves. Faute de combattants ?

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"Vous savez, à part l'obsession des hommes pour le sexe, il n'y a rien de plus écoeurant que l'obsession des femmes pour l'amour." (M.-E. Nabe)


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"Ce qu'il y a de frappant, finalement, avec Bergman, c'est ce que ce fils de pasteur ait pu jouir autant, des femmes et avec les femmes. On peut penser que quelque part, ça l'a sauvé. Dans sa vie, et, ce qui est plus important pour nous, du point de vue du cinéma. Bibi Andersson, Liv Ullman, pour ne citer qu'elles, on dit qu'il les a créées, mais en fait il s'est nourri d'elles, il n'aurait rien été sans elles. Evidemment, quelqu'un comme Godard - plus grand du point de vue du cinéma, mais qui n'a pas trouvé d'aussi grandes dames sur son chemin - les a-t-il vraiment cherchées ? -, ça ne pouvait que le fasciner." (S. Daney)

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"IL N'Y A PLUS D'AMES GENEREUSES."

C'est un long texte, il faut quelques jours pour le lire si on n'a pas encore l'âge de la retraite, on peut toujours considérer que son auteur perd de son temps à démonter les erreurs et mensonges de bien piteux adversaires (c'est toujours le problème, on ne peut mépriser indéfiniment les crotales, "qui ne dit mot consent"...), mais c'est un texte plein de richesses, aussi bien sur le catholicisme - et notamment celui de Bloy - que sur l'islam, traditionnel et contemporain, la notion d'universel... Je conseille donc ce "Je suis un hérétique", publié par M. Limbes, avec plaisir, n'en extrayant, outre la phrase de Bloy qui me sert de titre, que ce passage :

"Oui, il y a un « prosélytisme » que l'on peut me reprocher : j'ai effectivement tenté de faire partager à mes frères musulmans – et autres – ma passion pour certains auteurs musulmans ou non, tels que Bloy, Péguy, Bernanos ; de promouvoir islamiquement l'idée qu'un auteur chrétien, notamment ces trois-là, pouvait nous apporter quelque chose, à nous, musulmans. Plus généralement, que de tels auteurs pouvaient encore apporter quelque chose à l'humanité. Je sais d'ailleurs qu'il y a des musulmans qui comprennent cela sans moi, mieux que moi, et loin de toute guimauve « œcuménique », mais tel était le message que je voulais faire passer à mes frères en religion – après cela, faire planer sur moi l'accusation d'« exclusivisme », c'est d'une bêtise ! Ces gens ne sont quand même pas observateurs, ou alors ils ne réfléchissent pas. Voilà des années que je ne cesse de faire l'éloge de toute sorte d'auteurs « non musulmans », comme Bloy, etc. et aussi Platon, Plotin... si je pensais qu'il n'y a rien de bon chez ces auteurs, que leur « voie » ne peut pas aussi mener à Dieu, au moins en théorie, expliquez-moi un peu pourquoi je perdrais ainsi mon temps ! Supposition qui clame sa propre absurdité.

Pour en revenir à mon parcours personnel, donc, il a ceci de particulier que, parti d'une position très fermée, voire hostile au christianisme, c'est bien grâce à l'islam que je m'en suis progressivement rapproché, jusqu'à pouvoir lire des auteurs comme Érigène ou Rusbrock, ce qui m'eût été impossible avant ma « conversion », époque où les bêtises de Nietzsche sur le christianisme, entre autres, obstruaient mon entendement. Ainsi ont été les choses pour moi : à mesure que j'ai progressé dans l'islam, j'ai progressé dans ma compréhension et dans ma sympathie pour les autres religions, en tout cas pour ce qu'il y a de réellement spirituel en chacune d'elle. Pour autant, je rejette tout mélange de type « syncrétiste », et je ne me vante pas non plus d'avoir acquis une compréhension sublime du christianisme ou d'autres doctrines, qui ne restent pas moins mystérieuses pour moi que l'islam même : je dis juste que je les comprends et les aime mieux aujourd'hui qu'il y a dix ans, dans la mesure même où je comprends et où j'aime mieux ma propre religion. Les fanatiques me comprendront. L'islam a été ma clef pour entrer dans le monde des traditions sacrées – une seule clef, mais elle ouvre une infinité de portes ; loin d'être un voile, un obstacle – le voile, c'était plutôt la « mécréance » qui était en moi avant ma « conversion » – il a été et reste le lien qui me relie à elles. Si aujourd'hui, des auteurs chrétiens, juifs ou autres me parlent, si je les comprends et les respecte comme je le ferais de musulmans, – jusqu'à, notamment, en faire l'éloge sur un site spécialement créé à cet effet, et risquer de me faire épingler comme « hérétique » par la racaille salafiste du coin – c'est là le résultat d'une transformation qui n'aurait pas été possible pour moi sans l'islam. Et je suis convaincu que si elle est comprise correctement, – mais pour cela il faut au moins se donner la peine de lire les textes – cette tradition ne peut pas produire autre chose, car elle repose précisément sur ce principe d'universalité qui prépare le cœur du fidèle à accueillir toute expression valable de l'Esprit – c'est là le sens de « l'ouverture de la poitrine », dont il est parlé dans le saint Coran."

Et puis aussi cette évocation, que j'approfondirai peut-être un jour, d'"une stupéfiante convergence, on serait tenté de parler de connivence, entre tous les modes de l'abrutissement et de l'avilissement contemporains, comme si, pour « éteindre avec leur bouche la lumière de Dieu » ou du moins tenter d'en réglementer strictement les apparitions, tous les débiles et les tarés de l'heure, untermensh salafis, crevures modernistes, raclures ésotériques et croupissures sionardes, s'étaient donné le mot (peu importe lequel)."

Et puis encore ce beau passage du philosophe Jean Borella :

"Chrétiens assermentés au monde moderne, vous qui avez juré fidélité à l'esprit de notre temps, chrétiens assoiffés de votre présence à l'aujourd'hui, avez-vous déjà remis en question, dans un moment de doute, votre acte de foi dans la vertu du juste milieu ? Et si, d'aventure, il se trouvait qu'à l'aune du bon sens humain, la Vérité fût excessive ? Avez-vous déjà pensé que le principe qui veut que la parfaite raison fuie toute extrémité, définit assurément une attitude formelle, mais ne saurait en bonne logique, servir de critère du vrai ou du faux pour un contenu doctrinal ? Car il est bien évident que notre seul jugement décide du normal ou de l'excessif, et que notre jugement lui-même est formé et informé par ce que la civilisation du moment lui fournit, comme terme de comparaison. Le déiste Voltaire aurait fui dans un couvent s'il avait pu prévoir les conséquences de son œuvre. Sans doute lui paraissait-elle pourtant un exemple de rationalisme modéré."


Si vous vous contentez de cela - c'est votre problème.

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dimanche 5 août 2007

"Un certain nombre de vérités niées en général par les imbéciles cultivés."

"Exemple : la jeunesse est le temps de l'effort non celui du laisser-aller - la femme n'est pas l'homme - la civilisation française n'est plus supérieure à la civilisation Bambara - un chien n'est pas un chat - on peut chanter ou ne pas chanter - l'ethnologie et la sociologie se sont suffisamment enrichies pour nous permettre de comprendre que les rapports de la liberté et de l'autorité sont un peu plus complexes que ce l'on pensait au XIXè siècle - ces deux sciences nous montrent également que nous ne nous dirigeons pas nécessairement vers le socialisme, et que la propriété privée..."

Dominique de Roux, Maison jaune, Christian Bourgois, 1969, pp. 106-107. Plus que le contenu c'est peut-être la date qui frappe.

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samedi 4 août 2007

"Une Europe allemande, un nouveau Reich germano-américain..."

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Dominique de Roux a fait paraître chez Balland en 1970 un livre introuvable, Contre Servan-Schreiber. Le seul extrait que j'en connaisse donne l'eau à la bouche :

"Les dimensions de l'entreprise néo-radicaliste, avec ses ambitions, ses rouages, ses tentacules européens, son arsenal financier, cette volonté de vampiriser les masses s'apparente beaucoup à une tentative de pouvoir totalitaire, utilisant les voies démocratiques de la légalité plutôt que de la confrontation authentiquement démocratique des intérêts, des positions diverses à l'intérieure de la vie française d'aujourd'hui... Autrement dit, noyauté, sur ordre de Servan-Schreiber, le Parti radical et son cheptel bien pensant (...), la honte abjecte d'une classe qui a tout trahi, tout déserté, tout vendu, se prépare à l'assujettissement irrévocable de la France, réduite à ne plus être, face à l'Allemagne, que la cocotte d'une Europe conçue en termes de vertiges et d'establishment monétaire... Le sabordage économique et politique de la France une fois accompli, sa puissance nucléaire, son appétit d'universalité confiés aux cabinets d'horreurs par les soins d'un Servan-Schreiber, le pays de D'Estiennes d'Orves et de Danielle Casanova réduit à ne plus être qu'une vague Californie au sein d'une Europe enfin de vocation germanique, il resterait aux commis du pouvoir, à Paris, à tous les trafiquants d'espoir, la politique au jour le jour des petits retraités des comédies historiques, la politique du chien crevé au fil de l'eau..." (cité par Jean-Luc Barré dans son intéressante biographie, Dominique de Roux, le provocateur, Fayard, 2005, p. 386)

De Roux ne manquait pas de défauts, mais sur l'Europe comme sur Mai 68 (j'y reviendrai), il n'a pas fallu qu'on lui explique longtemps pour qu'il comprenne vite. (Si donc un lecteur dispose d'un exemplaire de ce livre, qu'il n'hésite pas à me le faire savoir !!!)

D'ailleurs, l'Europe s'est faite avant qu'on parle d'elle - un exemple goûteux, remontant à 1786, ici -, et on parle d'elle pour ne plus la faire.



P.S. : vu hier L'avocat de la terreur, sur Jacques Vergès. Ne manque pas de défauts non plus (ni d'approximations, ni d'erreurs...), mais vaut le détour. On rapproche trop de choses sous le seul vocable de "terrorisme", ce que ce film fait plus ou moins volontairement comprendre. Heil !

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