mardi 6 novembre 2007

"La détestable humanité..." L'addition.

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" - Et au bout de cet abîme ? La catastrophe ?

- Je crois à la catastrophe finale. Pour un peu plus tard. Je ne sais pas quelle forme elle prendra, mais je suis absolument sûr qu'elle est inévitable."

"L'apocalypse atomique est devenue une vision de concierge : si elle est, sans doute, vraisemblable et fondée, elle n'est pas intéressante. C'est le destin de l'homme, en dehors de tous ces « accidents », qui est intéressant. Etant aventurier de nature, il ne finira pas dans son lit. Si tout va bien, il finira en dégénéré, impotent, une caricature de lui-même (...). Il ne peut se renouveler indéfiniment, étant donné le rythme accéléré de l'histoire, mais il peut se maintenir encore quelques siècles, comme survivant. Tout ce que fait l'homme se retourne contre lui : c'est là son destin, et la loi tragique de l'histoire. On paie pour tout, pour le bien et pour le mal."

(Cioran, Entretiens, pp. 57 [1979] et 161 [1985].)


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"Ma pensée a toujours été apocalyptique. (...) Ma vision est apocalyptique, mais je ne dis pas que la fin du monde va venir demain. Je ne dis pas non plus qu'elle ne viendra pas. Et sur ce plan nous en sommes exactement au même point que ceux qui nous ont précédés : nous ne savons pas."

"Seul le sacré peut sauver [les sociétés] parce qu'il peut créer des interdits, des rituels qui évacuent la violence. Il faut penser le religieux archaïque non pas en termes de liberté et de morale, mais dans ceux d'un mécanisme de sélection naturelle. Au départ, l'invention du religieux est intermédiaire entre l'animal et l'homme. Mon livre La violence et le sacré n'est pas suffisamment situé dans un contexte d'évolution qui présuppose des centaines de milliers d'années, c'est-à-dire un temps absolument inconcevable pour l'homme. Si j'avais à le réécrire, il serait autre et montrerait qu'à cette échelle évolutive le hasard opère différemment, puisque la mort y supprime tous les « mauvais » hasards. Le mécanisme du bouc émissaire peut se penser comme une source de bonnes mutations biologiques et culturelles."


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"J'aurais tendance à dire que Satan a perdu son pouvoir de mise en ordre, le pouvoir d'ordonner la société, mais qu'il n'a pas perdu son pouvoir de désordre. Satan, sur terre, là où il est tombé, ne peut plus s'enchaîner, établir l'ordre de sa propre transcendance, donc il est déchaîné, déchaîné dans son pouvoir de semer le désordre. C'est l'image de l'Apocalypse. (...)

Les tentatives d'établissement d'un ordre divin ici-bas continueront à se succéder. L'erreur des idéalistes est de croire sans faille à ces tentatives, alors que la violence reste intérieure au monde. Le triomphe de la croix est le fait d'une infime minorité ; de sorte que, même si Satan est vaincu à chaque fois qu'un individu est sauvé, son pouvoir demeure. (...)


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Satan a été vaincu. Mais les hommes, au lieu de construire l'ordre qu'ils désirent, risquent finalement de détruire tout à fait le monde. Cet état de choses est historique ; Luc l'appelle le temps des païens, c'est-à-dire de ceux qui vont se convertir, mais mal. Supprimer l'apocalypse c'est se convertir au pélagianisme. Vous savez, la théorie de ce vieil Anglais [?] qui croyait à l'excellence du monde et qui s'opposait à la doctrine du péché originel et de la grâce."

(R. Girard, Celui par qui le scandale arrive, 2001, éd. "Pluriel", pp. 117, 135 et 148.)

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