vendredi 11 juillet 2008

11 septembre catholique (III) : "Le réel, c'est Dieu."

J'aurais bien aimé la trouver, celle-là - qui n'est pas du panthéisme. On la complètera par celle-ci : "Toute apparition est miraculeuse" (ce que n'aurait d'ailleurs pas nié Chesterton, je vous en parlerai une autre fois), et on aura déjà pas mal commencé la journée.


Ceci pour vous indiquer que, comme un fait exprès, dans un long texte programmatique qui vient d'être publié et dont je vous conseille instamment la lecture, M. Limbes aborde des questions évoquées dans mon précédent envoi :

"Il faudra dénoncer comme traître et ennemi de la Liberté, ou du moins comme idiot nuisible, tout « croyant » surpris en train de se justifier aux yeux du Monde Moderne en protestant de son non-fanatisme ou de sa « modération », c'est-à-dire en train de montrer qu'il ne croit pas lui-même pour ne pas léser l'adversaire qui ne croit pas non plus.

Cette attitude, en vérité, constitue un crime et même le crime suprême contre l'Esprit, car elle revient à entretenir le préjugé majeur selon lequel la Foi serait opposée non pas tant à la Raison, ce que l'on pourrait admettre à la rigueur, qu'à la Liberté, ce qui est inadmissible. Le Texan le plus arriéré est capable de comprendre que là où il n'y pas la possibilité de rester fidèle à une parole donnée, le mot « liberté » perd tout son sens. Du fait qu'il croit ce qu'il croit, l'homme libre exige de l'autre, et par conséquent admet, qu'il en fasse autant. La Liberté garantit la Foi, la Foi garantit la Liberté. Notre liberté est solidaire de notre fidélité. Voilà ce qui contredit absolument tous les dogmes du Monde Moderne, et il y a donc lieu d'être particulièrement vigilant et inflexible sur ce point.

Nous sommes capables d'êtres libres à hauteur de ce que nous sommes capables de croire. Et plus notre foi est intègre, plus nous sommes intègres dans notre foi, plus nous serons disposés à admettre, (au fond, à exiger), que le voisin en fasse autant. C'est donc exactement le contraire de ce que prétend l'endoctrinement officiel : plus une foi est intègre, moins elle est ombrageuse. C'est non seulement dans la Foi, mais encore dans l'Intégrité de la Foi, que se trouve la garantie de la vraie Liberté. Maintenant, que ces principes se vérifient en général assez peu sur les différents groupes qualifiés d'« intégristes » dans les journaux, je ne le conteste pas, mais cela illustre simplement le fait que les journaux n'appellent jamais les choses par leur vrai nom, et ensuite, que la plupart de ces groupes ne sont une vraie menace ni pour le Monde Moderne, – quand il y a une vraie menace quelque part pour ce dernier, en général les journaux n'en parlent pas, ou plutôt : quand il y a quelque chose de vrai quelque part, en général, les journaux n'en parlent pas, ou alors c'est qu'ils ont une bonne raison pour le faire – ni pour les hommes libres, ni pour personne sinon pour eux-mêmes, car ils ne sont en vérité qu'une menace parodique que le Monde Moderne entretient en son sein pour se faire peur et occulter à ses yeux la vraie Menace, c'est-à-dire lui-même."

"L'islam est aujourd'hui le nom ou du moins un nom de l'espérance humaine, telle est la certitude qui m'anime et que j'aimerais autant que possible ardemment faire partager, ne serait-ce qu'aux musulmans. Le monde occidental a peur de l'islam, il le perçoit massivement comme une menace, bien que dans le même temps, et paradoxalement, de plus en plus d'Occidentaux le perçoivent comme une espérance – sans que cela aille nécessairement jusqu'à la conversion. Les uns et les autres ont à la fois tort et raison. À coup sûr, l'islam est bien une menace pour le monde occidental dans la mesure où [celui-ci] s'identifie avec le Monde Moderne ou du moins avec son épicentre. Dans ce cas, on ne peut que se réjouir qu'une telle menace existe, et c'est elle, finalement, qui nous donne raison d'espérer. Au contraire, dans la mesure où l'Occident peut encore être distingué de ce cancer qui, parti de lui, a projeté ses métastases un peu partout dans l'univers, l'islam est une chance pour lui comme pour le reste du monde, l'arche d'un nouveau déluge universel, qui n'est pas d'eau cette fois, mais d'une matière que j'aime mieux me dispenser de nommer, à supposer qu'elle ait un nom. Il peut l'aider à se refaire une santé traditionnelle, parce qu’il a été constitué avec les caractères de généralité humaine et d’universalité spirituelle exigées à cette fin.

Cependant, il faut encore savoir de quel « islam » on parle. Il y a un islam authentique qu'il faut apprendre à distinguer de ses parodies et contrefaçons de toute sorte, comme il faut d'ailleurs le faire pour n'importe quelle tradition. Dans le cas de l'islam, ces contrefaçons se rangent essentiellement sous deux catégories : « traditionnalistes », c'est-à-dire en réalité crypto-modernistes, dissimulant leur caractère antitraditionnel sous les dehors d'une réaction à la modernité ou à certains de ses aspects ; ou bien ouvertement moderniste. Au premier genre appartient l'islam dit « salafi », idéologie officielle du régime satanique qui occupe illégitimement les Lieux Saints de l'Islam avec la complicité des États occidentaux (en particulier anglo-saxons) depuis de trop nombreuses années. Au second genre appartient la cohorte des pseudo-intellectuels verbeux et larmoyants qui nous saoulent de discours staliniens sur la nécessité pour l'islam de s'« émanciper » de sa « sclérose » afin de s'« adapter » aux « exigences de la modernité », c'est-à-dire en somme d'« upgrader » l'islam comme un logiciel obsolète pour le rendre plus performant et compétitif au regard des objectifs pratiques de la modernité, qui sont bien sûr l'exacte antithèse de toute spiritualité. Bien sûr, la ruse principale de la propagande moderne est d'essayer de nous faire accroire d'une part qu'il y a une opposition réelle entre ces deux partis, alors que si l'on regarde bien, on verra qu'un ultra-moderniste comme Meddeb et un ultra-salafi comme l'horrible « cheikh » Albani, de sinistre mémoire, n'ont rien en commun, non, rien si ce n'est le rejet de presque tout ce qui constitue la tradition islamique et de l'esprit même de cette tradition, c'est-à-dire au fond l'essentiel ; d'autre part, que cette prétendue opposition épuise toutes les possibilités d'interprétation, autrement dit qu'il n'y a pas de « troisième voie », pas d'alternative possible entre un modernisme affiché et hautement revendiqué (souvent d'ailleurs jusqu'à la caricature, cf. l'inépuisable Meddeb), et un modernisme plus ou moins insidieux et feutré. Ce qui n'est rien d'autre qu'une manière de dire qu'il n'y a pas d'alternative du tout au modernisme : tout au plus, on nous laisse le choix entre sa forme dure et sa forme « soft », atténuée, d'ailleurs dans une bien faible mesure, car même les « salafistes » désormais ne jurent plus que par les bienfaits de « la science » (tout le monde sait que le Coran avait prédit la bicyclette, le téléphone, la fission de l'atome et mille choses merveilleuses encore – il n'y a que le « salafisme » qu'il n'avait pas prévu...). Pas d'alternative au modernisme, c'est-à-dire à l'avilissement et à l'asservissement généralisés, à l'abdication de l'intelligence et de sa liberté transcendante face au déterminisme des conditions extérieures ; comme des chiens crevés, pour reprendre l'image terrible de Bernanos, nous dérivons au fil de l'eau, vers un but incertain que les optimistes s'efforcent d'imaginer le plus rose possible.

Mais l'islam authentique n'a cure de cette pseudo-opposition et renvoie dos à dos ces déviances diverses, dont il se fait un marchepied pour porter plus haut encore l'espérance ardente dont il est le lampadophore."

Je signale par ailleurs que ce texte ("L'ombilic de Limbes", qui se trouve en page d'accueil : il est malheureusement impossible de faire un lien vers un texte précis) contient de très intéressantes vues comparatives sur l'Islam, le judaïsme et le catholicisme, que je ne peux aborder aujourd'hui, ainsi que sur le rôle de l'Intellect dans l'Islam - ainsi :

"Seule l'intelligence libère. Et l'intelligence est tradition. De même et parce que la tradition, au fond, que la foi, est intelligence. L'islam est à la fois la plus banale, la plus éculée, savetée, ressassée de toutes les traditions puisqu'il se pose lui-même comme Rappel de tout ce qui a déjà été dit et redit avant lui ; et à la fois un peu plus qu'une tradition : quelque chose comme l'auto-révélation de l'essence de la tradition, le moment de la tradition qui se révèle à elle-même comme Intellect, Esprit et Liberté, révélant en même temps la nature traditionnelle (comprendre : qui relève de la tradition comme répétition créatrice) de l'Intellect et de l'Esprit."


A suivre !

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