samedi 27 septembre 2008

"Oui, la Shoah a existé, et c'est Israël qui ne devrait pas exister..."

F8898




Beaucoup de choses à dire, mais que l'on ne parvient pas à écrire comme on le souhaiterait...

En attendant mieux vaut laisser la parole à d'autres, en l'occurrence à M.-E. Nabe, dont le dernier tract, consacré à « l'affaire Siné », vient de paraître : sur son site (http://marc.edouard.nabe.free.fr/), ou chez Alain Soral, lequel l'a aussitôt répercuté (comme il serait d'ailleurs logique qu'un portail tel que Rezo, qui s'est tellement passionné pour cette nouvelle affaire Dreyfus, le fasse. On prend les paris ?).

Comme beaucoup d'admirateurs de l'auteur j'imagine, j'attendais ce tract depuis le début de cette histoire - l'amertume et la noirceur de son contenu n'en sont que plus frappantes. Bonne lecture !




2004.130.12990.3

Libellés : , , , , , , ,

dimanche 21 septembre 2008

J'enfonce le clou.

U123108INP

(Wall Street, 1920. Photographie empruntée à l'indispensable Sutpen, qu'Allah le chérisse.)



Revenons aux thèses de F. Fourquet, et soyons aussi clair que possible. Ce qu'on lit çà et là sur Internet depuis quelques jours indique en effet des confusions qu'un habitué de ce comptoir ne doit pas pouvoir supporter.

Certains pensent que le capitalisme va s'amender à l'occasion de cette crise, d'autres que non, ou alors très momentanément. Fondamentalement, et même si l'on peut éventuellement approuver l'idée de quelques « régulations » du « système », ce sont les seconds qui ont raison, mais, si l'on ose écrire, sans doute pas pour de bonnes raisons.

Car s'il peut être drôle, piquant, ou désespérant de voir tous les petits merdeux de l'enculisme international pleurer auprès de l'Etat pour qu'il vienne à leur secours, cela n'en reste pas moins tout à fait logique. Ce que les thèses de François Fourquet indiquent en effet sans ambiguïté, c'est que, n'en déplaise aux thuriféraires comme aux critiques du capitalisme, celui-ci est, a toujours été et sera très vraisemblablement toujours - de même d'ailleurs, et cela va ensemble, que l'individualisme - un régime d'Etat. C'est la thèse 3 de F. Fourquet :

"Le capitalisme n’est pas pensable sans l’État ; un capitalisme sans État, c’est comme un sourire sans chat ; on ne peut même pas parler de « symbiose » comme s’il s’agissait de deux entités distinctes, l’une économique et l’autre politique, qui se seraient formées séparément et auraient passé une alliance ou décidé de vivre ensemble ; il y a inhérence réciproque : dès leur naissance au Moyen Âge, l’État est dans le capitalisme et le capitalisme dans l’État ; ensemble ils forment une seule et même entité sociale."

Le capitalisme est né, notamment dans ces « villes-mondes » (Anvers, Amsterdam, Venise...) évoquées par F. Fourquet à la suite de Braudel, d'un travail collectif de « l'Etat » et des marchands, mettant en commun des forces financières jusqu'alors si ce n'est disjointes du moins non indissolublement liées, et acquérant ainsi une force de frappe jamais vue. Ce n'est pas que pouvoir politique et pouvoir économique n'aient jamais effectué des actions communes ou n'aient jamais tenu compte l'un de l'autre, c'est qu'ils se sont tous deux modifié ensemble et de concert pour créer une entité nouvelle, que l'on peut appeler capitalisme selon l'usage courant, à condition donc de bien garder en tête que dans capitalisme il y a Etat, encore Etat, toujours Etat.

(D'où aussi la distinction braudélienne, que l'on trouvait déjà chez Mauss, du marché et du capitalisme : si le marché est un lieu où l'on échange, alors Mauss a probablement raison, ou a raison dans une très large mesure, de dire que du marché, il y en a toujours eu et il y en aura toujours. Mais il y a X manières de l'organiser - ou même de les organiser, car il peut très bien y avoir plusieurs marchés différents dans une même société, fonctionnant selon des règles différentes : troc, marché monétaire et prestations du type « don / contre-don » peuvent coexister. La nouveauté du capitalisme, c'est justement la promotion autoritaire et étatique du deuxième de ces types au détriment des autres.)

Mais il y eut comme une ruse de l'histoire, ou du moins une nécessité de compromis qui donne quelque piment à tout ceci : car pour briser les anciennes règles de solidarité - notamment tout ce qui a trait aux corporations - et permettre l'expansion du marché capitaliste, il a fallu, la France en est l'exemple le plus éclatant (Révolution, droits de l'homme et loi Le Chapelier dans le même packaging) en passer par la démocratie, c'est-à-dire qu'il a fallu que l'Etat se veuille aussi le représentant du « peuple », des « citoyens ». Si on souhaite le formuler en termes cyniques, on dira que pour convaincre Popu d'abandonner les règles au sein desquelles il évoluait, et qui pour certaines ne fonctionnaient plus très bien (voire par exemple la décadence de certains représentants du clergé au XVIIIe siècle), il fallait le caresser dans le sens du poil individualiste et lui faire des promesses qui allaient s'avérer, au fil des XIXe et XXe siècle, pas si faciles à ne pas complètement tenir. Autrement dit : l'Etat/Capitalisme pour s'imposer a été obligé, sur son « aspect politique » (Fourquet, thèse 4), de se proclamer le représentant du peuple, et cette proclamation l'a lié et le lie toujours. Plus ou moins, plutôt moins que plus ces dernières années, et avec toute la duplicité et le cynisme que l'on voudra et que je ne cherche aucunement à nier : il reste que tout régime ne peut aller au-delà d'un certain stade de duplicité et de cynisme par rapport aux buts qu'il s'est fixés et qui lui ont permis d'être accepté (c'est une des raisons majeures de la décolonisation : les droits de l'homme pour tout le monde, pas seulement pour l'homme blanc, raisonnement que les Occidentaux ont bien été forcés d'accepter. Je rappelle d'ailleurs que beaucoup de leaders indépendantistes avaient fait leurs études dans l'entre-deux-guerres à Paris). Et de ce fait, il arrive au « versant politique » de heurter le « versant économique » - le dernier heurt en date, encore virtuel, est d'ailleurs admirable : je lis ce matin chez M. Defensa que des hedge funds envisageraient de poursuivre en justice l'Etat américain, suite à son plan de sauvetage, pour entrave à la liberté des marchés... Mais l'absurdité de cet exemple est à certains égards trompeuse, car elle fait justement ressortir l'absurdité globale d'une trop grande opposition entre « Etat » et « capitalisme ». Qu'à l'occasion, d'un côté comme de l'autre, des acteurs du système partagent, non seulement en paroles mais en pensée, la confusion conceptuelle qui dissocie Etat et capitalisme, que ceux qui ne voient les choses que par le petit bout de la lorgnette soient obsédés par le poids des « charges » sur leur compte en banque au point de ne plus voir la solidarité de fait qui les lie à l'Etat, tout cela n'est pas niable, n'est pas non plus négligeable, mais n'est pas fondamental. Quand l'incroyable, l'insensée, mais hélas pas l'irréelle Laurence Parisot passe sa vie à taper sur l'Etat, elle le fait comme une adolescente qui critique sans relâche son géniteur : parce qu'elle sait qu'il sera toujours là de toutes façons, qu'il n'y a donc pas besoin de le ménager. A quel point elle en est consciente elle-même, c'est une autre question.

(D'autres étaient plus lucides : de Gaulle, qui fit tant pendant des années pour promouvoir le capitalisme/Etat français, savait ce qu'il risquait quand sur le tard il s'essaya à ramener (l'« association capital/travail ») un peu de démocratie dans le système ; et dès le premier échec dans cette direction dégagea sans demander son reste, ce qui, même compte tenu de son âge, ne lui ressemblait pas - contribuer à gagner la Seconde Guerre Mondiale a dû lui sembler moins difficile que de séparer Etat et capitalisme...)


En guise de conclusion, enfonçons donc encore une fois le clou : il y a des oppositions, éventuellement violentes et haineuses, entre l'Etat - ceux qui y participent, ceux qui le critiquent, ceux qui comptent sur lui... - et le capitalisme - ceux qui y participent, ceux qui l'admirent (ce ne sont pas forcément les mêmes, pensons parmi tant d'autres au fonctionnaire Jacques Marseille)... Ces oppositions ne sont pas nécessairement factices, et elles peuvent avoir un rôle concret sur la vie quotidienne de Popu. Mais elles se déroulent sur un fond de solidarité organique entre deux versants, « politique » et « économique » si l'on veut, d'un même système. « Capitalisme d'Etat » n'est pas un paradoxe logique, c'est un pléonasme, une redondance - et un fait majeur, un « fait social (presque !) total ».


strauss_homme_plume03


A suivre...




(P.S. : l'idée de cette mise au point m'est venue à la lecture de cet article de M. Sébastien Fontenelle : si l'on peut prêter à ce curé bien-pensant quelque verve et quelque mordant, si on partage avec lui un certain nombre d'inimitiés (J. Marseille, justement), on doit constater bien trop souvent son incapacité à sortir des sentiers battus de la critique « gauchiste ». Ce gars-là est donc un feignant.)



Ajout le lendemain :
je vous ai livré il y a quelques mois des extraits du livre de Jean-Claude Michéa, L'Empire du moindre mal, mais ne l'ai jamais analysé autant que je l'aurais souhaité. La revue du MAUSS en a récemment publié une analyse critique, par Anselm Jappe, que je n'approuve pas entièrement, mais qui met le doigt sur certaines difficultés des idées de J.-C. Michéa, sans me semble-t-il les trahir ou les déformer. On y trouve d'ailleurs d'intéressantes allusions à l'« inhérence », comme dit F. Fourquet, capitalisme/Etat.

Libellés : , , , , , , , , , , , ,

mercredi 17 septembre 2008

"Capitalisme et mondialisation, au fond, c’est la même chose..."

Je me tue à le dire ! Je l'ai d'ailleurs écrit très tôt sur ce site, en précisant déjà que cela n'était pas d'aujourd'hui que je le pensais.

Ceci en fait pour vous signaler, si vous ne les avez pas déjà lues - ce qui tendrait incidemment à prouver que vous ne tenez pas assez compte de ma section « Liens » -, les thèses de François Fourquet sur le capitalisme, que l'on peut consulter sur le blog de P. Jorion ou sur le site du maître. Tout est à lire, mais j'ai particulièrement été frappé par cette séquence :

"19. La crise des subprimes annonce (...) une crise de civilisation ; déjà la crise de 1929 était l’ultime soubresaut d’une longue agonie de la « civilisation du XIXe siècle », comme la nommait Polanyi, ou de la « civilisation libérale », comme dit Hobsbawm (L’âge des extrêmes) ; la civilisation en crise aujourd’hui serait née dans les années 70, ce serait la civilisation de l’âge néo-libéral, dont les promoteurs prétendaient annuler les effets de la « grande transformation » décrite par Polanyi, prohiber les pratiques interventionnistes des États et revenir au marché autorégulateur d’avant 1914, c’est-à-dire au capitalisme libéral ;

20. Il n’y a pas deux civilisations, d’une part la civilisation libérale ou néolibérale, et d’autre part une civilisation interventionniste, dirigiste ou « fordiste », comme la nommeraient nos amis régulationnistes (s’ils adoptaient la notion de civilisation), qui a fonctionné de la première guerre mondiale aux années 1970 ;

21. Il n’y a qu’une seule civilisation, la nôtre, tantôt libérale et tantôt dirigiste ; libéralisme et dirigisme sont deux formes d’organisation que la civilisation occidentale contient en puissance depuis le Moyen Age ; tantôt l’une s’actualise plus que l’autre, tantôt l’inverse : elles ne s’opposent pas comme deux entités fermées et séparées, mais sont deux formes sociales complices qui ont besoin l’une de l’autre pour exister ;

(donc : il est certainement plus agréable pour l'ensemble de la population de vivre sous la forme d'organisation « dirigiste », mais, comme j'ai essayé de le montrer ici sur l'exemple des « Trente Glorieuses », cette forme ne peut être éternelle, et certains de ses caractères se dissolvent vite dès que des problèmes surgissent, au profit de la forme « libérale ». Plus généralement, F. Fourquet soutient une thèse sur l'instabilité de la modernité que j'ai, sous divers angles, maintes fois proposée : le problème serait de savoir quand le « en puissance depuis le Moyen Age » est vraiment devenu « en acte ». Je prends habituellement pour repères les Révolutions française et industrielle, mais il est vrai qu'avec la Renaissance comme avec La crise de la conscience européenne (titre d'un ouvrage classique de P. Hazard que je dois lire depuis des mois) de la fin du XVIIe siècle, il y avait de quoi se sentir instable. Bon, je me tais.)

22. La civilisation mondiale en gestation est dominée par la civilisation occidentale qui a subjugué les autres mais sans les détruire : elle les attire, les influence, les fascine ou au contraire les repousse et suscite leur refus, mais les opposants font en quelque manière partie de ce à quoi ils s’opposent (développe, bon sang de bois !) ; elle répand sa culture (l’utilitarisme, l’appétit de gain, le « toujours plus », l’individualisme [i.e. l'enculisme]) et sa religion (la religion laïque occidentale, caractérisée par le culte de la démocratie, des droits de l’homme (et de l’individu), de la propriété privée (fondement du marché), et de la raison (source de la science)) ;

23. Il n’y a qu’une seule société mondiale, plurinationale, qui en ce moment même brasse et mélange les sociétés nationales dont les parois sont de plus en plus poreuses ; le capitalisme, mondial de naissance il y a mille ans en Europe occidentale, n’est qu’un mot pour désigner l’aspect économique de cette société mondiale ; au XIXe siècle, l’économie-monde européenne a absorbé les autres économies-mondes pour former l’économie mondiale tout court ; au XXe siècle, le socialisme a bloqué pendant 75 ans l’achèvement de cette absorption, mais s’est finalement dissous en elle entre 1978 (ouverture de la Chine) et 1989 (chute du mur de Berlin) ; depuis lors, l’unification de l’économie mondiale s’accélère jusqu’à ce qu’un jour, peut-être, une nouvelle division l’arrête ;

24. Le système capitaliste ne s’effondrera jamais du fait de l’absence de régulation ; car il y aura toujours une institution politique pour réguler une crise financière, si grave soit-elle ; et quel autre système pourrait le remplacer, après l’échec du socialisme ? D’ailleurs, à ce jour, il n’y a pas de candidat, pas de prétendant crédible. (...)" (et il n'est pas du tout sûr qu'en époque individualiste (au sens de Dumont), il est possible qu'il y en ait un.)


Evidemment, lorsque quelqu'un, plus compétent que vous, écrit à peu près la même chose que vous (en mieux), vous avez toujours l'impression d'avoir raison, même si en réalité et en toute rigueur, ce n'est pas prouvé. Aussi bien n'ai-je pas grand-chose à ajouter aujourd'hui - sans vouloir faire d'effet d'annonce, j'ai quelques idées sur les thèses 22 et 23, mais elle sont intégrées à un texte en cours de rédaction, et je préfère ne pas les en dissocier. Je tenais simplement à relayer ces idées et à prendre date.


Je vous laisse avec la 25e thèse, ce serait quand même trahir l'esprit de l'auteur que de ne pas la citer ici :

"Par contre la société mondiale, elle, peut s’effondrer, si elle ne répond pas au principal défi de notre époque, qui est écologique ; sa forme la plus urgente est le défi du réchauffement climatique ; et si la réponse juste n’est pas donnée à temps, la société mondiale disparaîtra, et avec elle l’humanité tout entière, c’est-à-dire : nous."


Fuji_Kikaku_RB-06_cap


Le bonheur !

Libellés : , , , , , , ,

jeudi 11 septembre 2008

"Mon pardon dans ton cul, petite bite..." (Ajout le 22.10.)

Bigard_met_le_paquet-front


Je sais, c'est un peu facile... Mais voir un gros prétentieux sans couilles s'allonger ainsi comme une merde, c'est toujours assez drôle - de surcroît, cette petite comédie, avec ses rôles répartis à l'avance et sa conclusion 100% prévisible, est tellement révélatrice de notre époque de spectacle mort, qu'il faut bien une piqûre de rappel de temps à autre :


"L'humoriste Jean-Marie Bigard qui a défendu une théorie du complot concernant les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis vendredi sur Europe 1, « demande pardon à tout le monde », dans un court texte transmis mardi à l'AFP.

« Je demande pardon à tout le monde [même à ceux qui n'en ont rien à foutre ou qui sont d'accord avec moi, comme ça c'est plus simple] pour les propos que j'ai tenus vendredi dernier pendant l'émission de Laurent Ruquier sur Europe 1 », écrit M. Bigard.

« Je ne parlerai plus jamais des événements du 11 septembre. Je n'émettrai plus jamais de doutes. J'ai été traité de révisionniste, ce que je ne suis évidemment pas [et d'ailleurs je ne sais pas ce que ça veut dire] » , conclut-il.

L'humoriste avait affirmé notamment sur Europe 1, dans l'émission On va s'gêner: « On est absolument sûr et certain maintenant que les deux avions qui se sont écrasés sur la forêt et le Pentagone, n'existent pas. Il n'y a jamais eu d'avion (....) C'est un mensonge absolument énorme ».

Interrogé par l'AFP, le directeur des programmes d'Europe 1, Philippe Balland, avait fait part de sa désapprobation sur « les propos et les thèses tenus » [sic] à l'antenne par l'humoriste.

« Ces propos n'engagent que lui. Maintenant ça relève de la liberté individuelle de chacun de s'exprimer. Par souci du respect du droit d'expression [que nous conchions chaque jour que Dieu fait, en bon enculé et enculiste que nous sommes] nous avons laissé ces propos sur notre antenne mais nous les désapprouvons », avait ajouté M. Balland.

Depuis vendredi soir, plusieurs sites internet et journaux ont évoqué les propos tenus par Jean-Marie Bigard en abordant plus généralement le problème posé par la rumeur tenace de la théorie du complot sur les attentats du 11 septembre.

En mars, d'anciens propos sur le même sujet de Marion Cotillard, fraîchement « oscarisée », avaient conduit son avocat à répondre « qu'elle n'a jamais eu l'intention de contester ni de remettre en cause les attentats » et regretté « l'interprétation donnée à des propos anciens sortis de leur contexte » [Mon interprétation dans ton contexte, idiote...]

Révélé par l'émission « La Classe » sur France 3 au début des années 80, Jean-Marie Bigard est un des humoristes préférés des Français.

L'humoriste, connu pour ses sketches souvent grossiers, détient, dans la catégorie des « one man shows », le record des plus grandes salles avec des représentations au Palais omnisports de Paris-Bercy et au Stade de France.

Jean-Marie Bigard mène parallèlement une carrière de comédien et sera à partir du 16 septembre à l'affiche au théâtre Hébertot dans Clérambard de Marcel Aymé.

Il avait fait partie des invités du président Sarkozy à l'occasion d'un voyage d'Etat au Vatican."


Source : http://news.fr.msn.com/celebrites/article.aspx?cp-documentid=9530127


(Faut-il préciser que c'est l'attitude soumise de M. Bigard qui est en cause. Sur le 11 septembre, affaire toujours à suivre, dans l'incertitude qui caractérise parfois si bien notre société de communication, d'information, de rationalisme...)




(Ajout le 22.10.08)
J'apprends ce jour que Jean-Marie Bigard ne semble finalement pas avoir lâché l'affaire, et que, après quelques semaines de retraite stratégique, il repart à l'assaut - ou du moins ne s'avoue plus vaincu à la première escarmouche. Si donc j'ai été trop sévère, tant mieux !

Libellés : , , , , , ,

dimanche 7 septembre 2008

Beau comme du Lévi-Strauss.

(Ajout le 05.10)



(Graves problèmes avec les photographies, impossible de mettre en ligne celles que j'avais prévues. Pour une fois je n'accuserai pas le Mossad, plutôt les Chinois, agissant par haine des Français, puisque c'est semble-t-il une amusante photo anti-française que l'on trouve ici (la 30e environ) qui est responsable de soucis techniques répétés et que j'espère provisoires. Bref, pas d'ornement, pas de sous-entendus subtil, pas de femme nue ce dimanche, juste du texte - austère et profond. Comme je hais les dimanches, les voyages et les explorateurs, les familles... la tristesse est de rigueur aujourd'hui, donc tout va bien.)



"Chaque fois que nous sommes portés à qualifier une culture humaine d'inerte ou de stationnaire, nous devons donc nous demander si cet immobilisme apparent ne résulte pas de l'ignorance où nous sommes de ses intérêts véritables, conscients ou inconscients, et si, ayant des critères différents des nôtres, cette culture n'est pas, à notre égard, victime de la même illusion. Autrement dit, nous nous apparaîtrions l'un à l'autre comme dépourvus d'intérêt, tout simplement parce que nous ne nous ressemblons pas.

La civilisation occidentale s'est entièrement tournée, depuis deux ou trois siècles, vers la mise à disposition de l'homme de moyens mécaniques de plus en plus puissants. Si l'on adopte ce critère, on fera de la quantité d'énergie disponible par tête d'habitant l'expression du plus ou moins haut degré de développement des sociétés humaines. La civilisation occidentale, sous sa forme nord-américaine, occupera la place de tête, les sociétés européennes venant ensuite, avec, à la traîne, une masse de sociétés asiatiques et africaines qui deviendront vite indistinctes. Or ces centaines et même ces milliers de sociétés qu'on appelle « insuffisamment développées » et « primitives », qui se fondent dans un ensemble confus quand on les envisage sous le rapport que nous venons de citer (et qui n'est guère propre à les qualifier, puisque cette ligne de développement leur manque ou occupe chez elle une place très secondaire), elles se placent aux antipodes les unes des autres ; selon le point de vue choisi, on aboutirait donc à des classements différents.

Si le critère retenu avait été le degré d'aptitude à triompher des milieux géographiques les plus hostiles, il n'y a guère de doute que les Eskimos d'une part, les Bédouins de l'autre, emporteraient la palme. L'Inde a su, mieux qu'aucune autre civilisation, élaborer un système philosophico-religieux, et la Chine, un genre de vie, capables de réduire les conséquences psychologiques d'un déséquilibre démographique. Il y a déjà treize siècles, l'Islam a formulé une théorie de la solidarité de toutes les formes de la vie humaine : technique, économique, sociale, spirituelle, que l'Occident ne devait retrouver que tout récemment, avec certains aspects de la pensée marxiste et la naissance de l'ethnologie moderne. On sait quelle place prééminente cette vision prophétique a permis aux Arabes d'occuper dans la vie intellectuelle du Moyen Age. L'Occident, maître des machines, témoigne de connaissances très élémentaires sur l'utilisation et les ressources de cette suprême machine qu'est le corps humain. Dans ce domaine au contraire, comme dans celui, connexe, des rapports entre le physique et le moral, l'Orient et l'Extrême-Orient possèdent sur lui une avance de plusieurs millénaires ; ils ont produit ces vastes sommes théologiques et pratiques que sont le yoga de l'Inde, les techniques du souffle chinoises ou la gymnastique des anciens Maoris. (...)

Pour tout ce qui touche à l'organisation de la famille et à l'harmonisation des rapports entre groupe familial et groupe social, les Australiens, arriérés sur le plan économique, occupent une place si avancée par rapport au reste de l'humanité qu'il est nécessaire, pour comprendre les systèmes de règles élaborés par eux de façon consciente et réfléchie, de faire appel aux formes les plus raffinées des mathématiques modernes. Ce sont eux qui ont vraiment découvert que les liens du mariage forment le canevas sur lequel les autres institutions sociales ne sont que des broderies ; car, même dans les sociétés modernes où le rôle de la famille tend à se restreindre, l'intensité des liens de famille n'en est pas moins grande : elle s'amortit seulement dans un cercle plus étroit aux limites duquel d'autres liens, intéressant d'autres familles, viennent aussitôt la relayer. L'articulation des familles au moyen des intermariages peut conduire à la formation de larges charnières qui maintiennent tout l'édifice social et qui lui donnent sa souplesse. Avec une admirable lucidité, les Australiens ont fait la théorie de ce mécanisme et inventorié les principales méthodes permettant de le réaliser, avec les avantages et les inconvénients qui s'attachent à chacune. Ils ont ainsi dépassé le plan de l'observation empirique pour s'élever à la connaissance des lois mathématiques qui régissent le système. Si bien qu'il n'est nullement exagéré de saluer en eux, non seulement les fondateurs de toute sociologie générale, mais encore les véritables introducteurs de la mesure dans les sciences sociales." (Race et histoire, 1952, ch. 6)



(Ajout le 05.10)
Race et histoire, que je cite ici dans sa version originale de 1952, a été republié par son auteur en 1973 dans le second volume de son Anthropologie structurale. Je découvre, un peu aidé par la chance, que ce passage a été corrigé par Lévi-Strauss, et qu'il est à la fois plus complet et plus précis (la formule : "les véritables introducteurs de la mesure dans les sciences sociales" me gênait un peu, elle était trop vague.) Voici la version « définitive » :

"L'articulation des familles au moyen des intermariages peut conduire à la formation de larges charnières entre quelques ensembles, ou de petites charnières entre des ensembles très nombreux ; mais, petites ou grandes, ce sont des charnières qui maintiennent tout l'édifice social et qui lui donnent sa souplesse. De façon souvent très lucide, les Australiens ont fait la théorie de ce mécanisme et inventorié les principales méthodes permettant de le réaliser, avec les avantages et les inconvénients qui s'attachent à chacune. Ils ont ainsi dépassé le plan de l'observation empirique pour s'élever à la connaissance de certaines des lois qui régissent le système. Si bien qu'il n'est nullement exagéré de saluer en eux, non seulement les précurseurs de toute sociologie familiale, mais encore les véritables introducteurs de la rigueur spéculative appliquée à l'étude des faits sociaux."

Finalement, le « salut » était « exagéré », l'apport des Australiens est désormais réduit : ils ne sont plus que des « précurseurs » (et non des « fondateurs ») de la sociologie « familiale » (et non de « toute sociologie générale ») ; en même temps leur apport est précisé, et le flou de la dernière formule disparaît.

On remarquera d'autre part qu'en même temps qu'il met un bémol à ce qui était une forme d'idéalisation des structures de la parenté australiennes, C. Lévi-Strauss ajoute, au début de cet extrait, un passage sur les « petites charnières » qui aide à la compréhension, holiste, de ce qu'il appelle quelque part dans Tristes tropiques la « concrète diversité d'un ordre vrai ». Sans qu'il soit question, au contraire, d'opposer petites et grandes « charnières », simplement de souligner que les unes comme les autres peuvent contribuer à la « souplesse » de « l'édifice social ». On se croirait dans Homo hierarchicus...
(Fin de l'ajout.)


J'avais prévu d'en rester là, mais m'est revenu à l'esprit un texte de Guénon que je souhaitais utiliser dans un autre cadre, et qu'il serait dommage de ne pas confronter à celui de Lévi-Strauss :

"Il ne suffit pas de faire, en ce qui concerne les inventions modernes, les réserves qui s'imposent en raison de leur côté dangereux, (...) il faut aller plus loin : les prétendus « bienfaits » de ce qu' on est convenu d'appeler le « progrès », et qu'on pourrait en effet consentir à désigner ainsi si l'on prenait soin de bien spécifier qu'il ne s'agit que d'un progrès tout matériel, ces « bienfaits » tant vantés ne sont-ils pas en grande partie illusoires ? Les hommes de notre époque prétendent par là accroître leur « bien-être » ; nous pensons, pour notre part, que le but qu'ils se proposent ainsi, même s'il était atteint réellement, ne vaut pas qu'on y consacre tant d'efforts ; mais, de plus, il nous semble très contestable qu'il soit atteint. Tout d'abord, il faudrait tenir compte du fait que tous les hommes n'ont pas les mêmes goûts ni les mêmes besoins, qu'il en est encore malgré tout qui voudraient échapper à l'agitation moderne, à la folie de la vitesse, et qui ne le peuvent plus ; osera-t-on soutenir que pour ceux-là, ce soit un « bienfait » que de leur imposer ce qui est le plus contraire à leur nature ? On dira que ces hommes sont peu nombreux aujourd'hui, et on se croira autorisé par là à les tenir pour quantité négligeable ; là comme dans le droit politique, la majorité s'arroge le droit d'écraser les minorités, qui, à ses yeux, ont évidemment tort d'exister, puisque cette existence même va à l'encontre de la manie « égalitaire » de l'uniformité. Mais, si l'on considère l'ensemble de l'humanité au lieu de se borner au monde occidental, la question change d'aspect : la majorité de tout à l'heure ne va-t-elle pas devenir une minorité ? Aussi n'est-ce plus le même argument qu'on fait valoir dans ce cas, et, par une étrange contradiction, c'est au nom de leur « supériorité » que ces « égalitaires » veulent imposer leur civilisation au reste du monde, et qu'ils vont porter le trouble chez des gens qui ne leur demandaient rien ; et, comme cette « supériorité » n'existe qu'au point de vue matériel, il est tout naturel qu'elle s'impose par les moyens les plus brutaux. Qu'on ne s'y méprenne pas d'ailleurs : si le grand public admet de bonne foi ces prétextes de « civilisation », il en est certains pour qui ce n'est qu'une simple hypocrisie moraliste, un masque de l'esprit de conquête et des intérêts économiques ; mais quelle singulière époque que celle où tant d'hommes se laissent persuader qu'on fait le bonheur d'un peuple en l'asservissant, en lui enlevant ce qu'il a de plus précieux, c'est-à-dire sa propre civilisation, en l'obligeant à adopter des moeurs et des institutions qui sont faites pour une autre race, et en l'astreignant aux travaux les plus pénibles pour lui faire acquérir des choses qui lui sont de la plus parfaite inutilité ! Car c'est ainsi : l'Occident moderne ne peut tolérer que des hommes préfèrent travailler moins et se contenter de peu pour vivre ; comme la quantité seule compte, et comme qui ne tombe pas sous les sens est d'ailleurs tenu pour inexistant, il est admis que celui qui ne s'agite pas et qui ne produit pas matériellement ne peut être qu'un « paresseux » ; sans même parler à ces égard des appréciations portées couramment sur les peuples orientaux, il n'y a qu'à voir comment sont jugés les ordres contemplatifs, et cela jusque dans les milieux soi-disant religieux. Dans un tel monde, il n'y a plus aucune place pour l'intelligence ni pour tout ce qui est purement intérieur, car ce sont là des choses qui ne se voient ni ne se touchent, qui ne se comptent ni ne se pèsent ; il n'y a de place que pour l'action extérieure sous toutes ses formes, y compris les plus dépourvues de toute signification. Aussi ne faut-il pas s'étonner que la manie anglo-saxonne du « sport » gagne chaque jour du terrain : l'idéal de ce monde, c'est l'« animal humain » qui a développé au maximum sa force musculaire ; ses héros, ce sont des athlètes, fussent-ils des brutes ; ce sont ceux-là qui suscitent l'enthousiasme populaire, c'est pour leurs exploits que les foules se passionnent ; un monde où l'on voit de telles choses est vraiment tombé bien bas et semble bien près de sa fin." (La crise du monde moderne, 1927, éd. "Folio", pp. 159-160)


Si au moins c'était vrai !

(A suivre...)

Libellés : , , , , ,

mercredi 3 septembre 2008

Gustave Flaubert, c'est moi (ter).

7558_Une-Raffarin

Vous l'aviez oublié, il semble lointain ? Certes. Il n'en est pas moins durable.




Je n'avais jamais lu Bouvard et Pécuchet. Le moins que l'on puisse dire est que ce roman fournit quelque appui à la thèse selon laquelle il n'y a rien de bien nouveau sous le soleil moderne. En voici certains exemples, « actuels » si l'on veut, ou au contraire, sinon éternels (bien que tous ne soient pas uniquement liés à la modernité), permanents en régime moderne. Ni Flaubert ni moi-même ne prenons à la légère toutes ces questions - en même temps on ne peut s'empêcher de les prendre à la légère - à la fois pour ne pas devenir complètement fou et à cause du ridicule de ceux qui les prennent trop au sérieux. Il m'est à cet égard difficile de ne pas me retrouver dans les extraits de la correspondance réunis par Claudine Gothot-Mersch dans sa préface à l'édition "Folio", quoi que je pense par ailleurs du diagnostic moral par lequel elle les introduit :

"La Correspondance montre en lui un esprit chagrin, rejetant indistinctement le blanc et le noir, pratiquant cet anarchisme un peu léger qui n'est pas rare chez les intellectuels bourgeois. « Républicains, bourgeois, réactionnaires, rouges, bleus, tricolores, tout cela concourt d'ineptie. » « Bourgeois et socialistes sont à fourrer dans le même sac. » « Je trouve le Matérialisme et le spiritualisme deux impertinences égales. » « Le néo-catholicisme d'une part et le socialisme de l'autre ont abêti la France. Tout se meurt entre l'Immaculée Conception et les gamelles ouvrières. » (...) Même type de réflexion dans le domaine politique : « la loi Ferry [ou celle dite “sur le voile”]. Ceux qui la défendent et ceux qui l'attaquent m'embêtent également. » Bref : « il y ainsi une foule de sujets qui m'embêtent également par n'importe quel bout on les prend »."

Bien évidemment, il fait partie de la grandeur de Flaubert de n'en être pas resté, en tant qu'artiste, à cet "anarchisme un peu léger", d'avoir exploré ce sentiment d'« égalité de tout » par l'ennui en régime démocratique, montré ses aspects comiques comme son arrière-plan tragique - ou le contraire.

En voyant ainsi surgir, au détour des pages de Bouvard et Pécuchet, tel ou tel problème « contemporain », on grimace donc : entre le rire et la gêne, voire la douleur. Le petit florilège qui suit ne vous procurera pas ces sentiments mêlés avec la même intensité qu'un roman dont le but est justement de les susciter, mais peut néanmoins vous en donner quelque idée :

- Bouvard et Pécuchet baba-cools (j'ai déjà cité une phrase tirée de ce passage ; je n'imaginais pas alors que le fil que je tirais là allait me mener à Musil et l'« homme moyen », méditation toujours en cours...) :

"Déjà ils se voyaient en manches de chemise, au bord d'une plate-bande émondant des rosiers, et bêchant, binant, maniant de la terre, dépotant des tulipes. Ils se réveilleraient au chant de l'alouette, pour suivre les charrues, iraient avec un panier cueillir des pommes, regarderaient faire le beurre, battre le grain, tondre les moutons, soigner les ruches, et se délecteraient au mugissement des vaches et à la senteur des foins coupés. Plus d'écritures ! plus de chefs ! plus même de terme à payer ! - Car ils possèderaient un domicile à eux ! et ils mangeraient les poules de leur basse-cour, les légumes de leur jardin, et dîneraient en gardant leurs sabots ! - « Nous ferons tout ce qui nous plaira ! nous laisserons pousser notre barbe ! »" (Ch. I, p. 66)

- "Ils firent des voyages dans tous les environs de Paris, et depuis Amiens jusqu'à Évreux, et de Fontainebleau jusqu'au Havre. Ils voulaient une campagne qui fût bien la campagne, sans tenir précisément à un site pittoresque, mais un horizon borné les attristait. Ils fuyaient le voisinage des habitations et redoutaient pourtant la solitude." (Id., p. 67)

- "Ils avaient plaisir à nommer tout haut les légumes : « Tiens : des carottes ! Ah ! des choux. » (Id., p. 72)

(Je me permets : cette phrase évoque le délicieux numéro de citadine à la campagne d'Arielle Dombasle dans L'arbre, le maire et la médiathèque de Rohmer, à voir évidemment.)

- Bouvard et Pécuchet écolos, contre l'agro-alimentaire :

"Leurs études [de biologie] se développant, ils en vinrent à soupçonner des fraudes dans toutes les denrées alimentaires." (II, p. 112)

- Bouvard et Pécuchet mystico -« païens », voire new age :

"...Où il y a des menhirs, un culte obscène a persisté. Témoin ce qui se faisait à Guérande, au Croisic, à Livarot. Anciennement, les tours, les pyramides, les cierges, les bornes des routes et même les arbres avaient la signification de phallus - et pour Bouvard et Pécuchet tout devint phallus." (IV, pp. 179-180)

- Bouvard et Pécuchet, artistes, soignent leur look :

"Généralement, on les méprisait.

Ils s'en estimaient davantage. Ils se sacrèrent artistes. Pécuchet porta des moustaches, et Bouvard ne trouva rien de mieux, avec sa mine ronde et sa calvitie, que se de faire « une tête à la Béranger ! »

Enfin, ils résolurent de composer une pièce.

Le difficile c'était le sujet." (V, p. 213-214)

- Bouvard et Pécuchet baudelairiens :

"Bientôt, ils arrivèrent à la question du Progrès.

Bouvard n'en doutait pas dans le domaine scientifique. Mais en littérature, il est moins clair - et si le bien-être augmente, la splendeur de la vie a disparu." (VI, p. 256)

- vitalisme, progressisme, gauchisme, spiritisme, volonté de synthèse sont rassemblés en un paragraphe via l'instituteur "Petit, homme de progrès" :

"La Science est un monopole aux mains des Riches. Elle exclut le peuple. A la vieille analyse du moyen âge, il est temps que succède une synthèse large et primesautière ! La Vérité doit s'obtenir par le Coeur - et se déclarant spiritiste, il indiqua plusieurs ouvrages, défectueux sans doute, mais qui étaient le signe d'une aurore." (VIII, 290)

- Bouvard et Pécuchet wittgensteiniens :

"Ils entrèrent dans la Logique.

Elle leur apprit ce qu'est l'Analyse, la Synthèse, l'Induction, la Déduction et les causes principales de nos erreurs.

Presque toutes viennent du mauvais emploi des mots.

- « Le soleil se couche, le temps se rembrunit, l'hiver approche » locutions vicieuses et qui feraient croire à des entités personnelles quand il ne s'agit que d'événements bien simples ! - « Je me souviens de tel objet, de tel axiome, de telle vérité » illusion ! ce sont les idées, et pas du tout les choses, qui restent dans le moi, et la rigueur du langage exige : « Je me souviens de tel acte de mon esprit par lequel j'ai perçu cet objet, par lequel j'ai déduit cet axiome, par lequel j'ai admis cette vérité. »" (Id., pp. 306-307)

(Notons tout de même que Wittgenstein ne se faisait guère d'illusions sur la nécessité du flou du langage : il estimait seulement sur certains problèmes des clarifications langagières pouvaient avoir un effet « thérapeutique », et ce que ce n'était déjà pas si mal.)

- et bien sûr, Bouvard et Pécuchet flaubertiens :

"Alors une faculté pitoyable se développa dans leur cerveau, celle de voir la bêtise et de ne plus la tolérer." (Id., p. 319)



Il y a quantité d'autres passages, de la comparaison du christianisme et du bouddhisme en faveur de ce dernier (p. 365) aux intérêts corporatistes ("chacun réclamant pour soi les privilèges, au détriment du plus grand nombre", p. 404) en passant par une brève dévotion de Pécuchet à Hegel ("Bouvard feignait de comprendre", p. 314), mais il ne s'agit pas non plus d'être exhaustif. Et puisque, pour citer encore Flaubert, "la bêtise consiste à vouloir conclure", je finis sans finir, par une concession aux problèmes du jour, en notant simplement, dans la lignée de la note anti-anglaise de M. Defensa, datée d'hier, ces clichés pro-anglais issus du Dictionnaire des idées reçues :

Albion : "Pour en faire l'éloge : « la libre Angleterre »."

Anglais : "Tous riches..."

(Et bien sûr : Budget : "Jamais en équilibre.")

Rien de nouveau sous le soleil, l'herbe est plus verte ailleurs... Café du commerce ou non, difficile de ne pas « conclure »aujourd'hui par une enfilade de lieux communs !

Libellés : , , , , , , , , , ,

lundi 1 septembre 2008

"Une étrange instabilité mentale..."

dityvon000050

D. Cohn-Bendit devant L. Aragon. J'aime bien cette photo, cette sorte de passage de témoin entre deux ordures - t'as intoxiqué les gens depuis des dizaines d'années, à mon tour maintenant ! Le vieux n'est pas ravi, il sait que la tombe s'approche, il rumine sa mise au ban... - il n'en peut mais.



"Nous nous trouvons aujourd'hui dans cette situation affreuse que le sort de la France a cessé de dépendre des Français."

Parmi bien d'autres, cette phrase de Marc Bloch (L'étrange défaite, "Folio", p. 206) résonne tristement aux oreilles d'un Français de 2008 - on se demande si elle a cessé d'être vraie depuis 1940. De Gaulle fit-il plus qu'amuser la galerie ? Un peu plus, peut-être, et peut-être n'était-ce déjà pas si mal. Il n'est pas impossible non plus qu'à terme la Russie et la Chine n'en viennent, comme un effet secondaire de leur propre affirmation d'elles-mêmes, à nous redonner un poids que nous n'av(i)ons pas au sein de l'« alliance » atlantique.

(UE ou pas UE, en effet, je crois en effet que rien n'a fondamentalement changé depuis Chateaubriand, ardent propagandiste des liens franco-russes : toute alliance (commerciale, militaire...) entre la France et la Russie a tellement de chances d'entraîner l'Allemagne à sa suite (ce qu'on appelle de nos jours l'axe Paris-Berlin-Moscou) qu'elle peut avoir une influence considérable - autre chose que de s'agenouiller devant les facilités fiscales du Luxembourg ou de chercher désespérément à faire plaisir à qui nous méprise autant que l'Angleterre. Cela ne signifie pas troquer un protecteur contre un autre, ou dire amen à tout ce que fait la Russie.)

(Au passage : les opinions que l'on peut se faire sur la politique étrangère de tel ou tel pays sont une chose, on peut très bien critiquer tel ou tel comportement de la Russie ou de la Chine, mais il est un peu culotté de demander à ces pays d'être, selon nos critères, aimables, comme s'ils nous devaient quelque chose, ou, c'est l'option Libéramerde depuis X années, comme si tout ce qu'ils faisaient à l'extérieur de leur pays était discrédité tant qu'ils resteront... ce qu'ils sont, et pour un certain temps encore. (Qui plus est, tout le monde sait bien que la politique étrangère est justement le domaine où les choses changent le moins, étant donné le poids des facteurs géographiques ; la nature de la politique intérieure des pays, monarchie, démocratie, dictature, n'y change pas nécessairement grand-chose, sauf cas de bellicisme (napoléonien, hitlérien, américain...) caractérisé.) Ce n'est tout de même pas la faute de ces pays si l'Europe a ouvert tout grand ses orifices à l'enculisme ango-saxon, et en redemande chaque triste jour que Dieu fait - l'esclave dépasse le maître ces derniers temps, le premier y a pris goût, le second fatigue... Un pays s'oppose en ce moment franchement à l'enculisme en question : on peut ne pas être ravi de ce qu'est la Russie actuelle et de la façon dont elle s'y prend, mais tant que l'on ne fait pas mieux - et même, que l'on ne fait rien - de son côté...)

Quoi qu'il en soit de ces perspectives géopolitiques, le propos du jour était de porter à votre connaissance ou à votre souvenir certains passages de L'étrange défaite qui m'ont frappé par leurs résonances contemporaines - dans ces cas-là, vous ne l'ignorez pas, il reste à savoir si on se trouve devant des complaintes vieilles comme la démocratie, et finalement inhérentes à son mode de fonctionnement (c'est la thèse de Musil-Bouveresse : les plaintes contre la modernité sont une composante indispensable de la modernité), le problème étant surtout qu'"Il nous manque la fonction, non les contenus", ou si la situation de la France après la débâcle de 1940 et de la France de 2008 sont particulièrement proches - les deux solutions n'étant pas totalement exclusives l'une de l'autre, en ce qu'une plainte permanente en état de démocratie parlementaire peut être plus ou moins justifiée selon les périodes.

De tout cela je vous laisse juges, la réponse n'étant d'ailleurs pas nécessairement la même selon les thèmes abordés par M. Bloch, que voici :

- "Nos ministres et nos assemblées nous ont, incontestablement, mal préparés à la guerre. Le haut commandement, sans doute, les y aidait peu. Mais rien, précisément, ne trahit plus crûment la mollesse d'un gouvernement que sa capitulation devant les techniciens." (p. 190)

- le Parlement (de nos jours, le gouvernement) : "Capable de se résigner à frapper l'électeur à la bourse, il craignait beaucoup plus de le gêner [dans sa vie de tous les jours]." (id.)

- il importe de "retrouver cette cohérence de la pensée qu'une étrange maladie semble avoir fait perdre, depuis quelques années, à quiconque, chez nous, se piquait, peu ou prou, d'action politique. A vrai dire, que les partis qualifiés de « droite » soient si prompts aujourd'hui à s'incliner devant la défaite, un historien ne saurait en éprouver une bien vive surprise. Telle a été presque tout au long de notre destin leur constante tradition : depuis la Restauration jusqu'à l'Assemblée de Versailles. Les malentendus de l'affaire Dreyfus avaient bien pu, un moment, paraître brouiller le jeu, en confondant militarisme avec patriotisme. Il est naturel que les instincts profonds aient repris le dessus ; et cela va très bien ainsi. Pourtant, que les mêmes hommes aient pu, tour à tour, manifester la plus absurde germanophobie et nous engager à entrer, en vassaux, dans le système continental allemand, s'ériger en défenseurs de la diplomatie à la Poincaré et vitupérer contre le « bellicisme » prétendu de leurs adversaires électoraux, ces palinodies supposent, chez ceux des chefs qui étaient sincères, une étrange instabilité mentale ; chez leur fidèles, une insensibilité non moins choquante aux pires antinomies de la pensée. Certes, je n'ignore pas que l'Allemagne de Hitler éveillait des sympathies auxquelles celle d'Ebert ne pouvait pas prétendre. La France, du moins, restait toujours la France. Tient-on cependant à trouver, coûte que coûte, une excuse à ses acrobaties ? La meilleure serait sans doute que leurs adversaires, à l'autre extrémité de l'échelle des opinions, ne fussent pas moins déraisonnables. Refuser les crédits militaires et, le lendemain, réclamer des « canons pour l'Espagne » ; prêcher, d'abord, l'anti-patriotisme ; l'année suivante, prôner la formation d'un « front des Français » ; puis, en fin de compte, se dérober soi-même au devoir de servir et inviter les foules à s'y soustraire : dans ses zigzags, sans grâce, reconnaissons la courbe que décrivirent, sous nos yeux émerveillés, les danseurs de corde raide du communisme. Je le sais bien ; de l'autre côté de la frontière, un homo alpinus brun, de moyenne taille, flanqué pour principal porte-voix d'un petit bossu châtain, a pu fonder son despotisme sur la mythique suprématie des « grands Aryens blonds ». Mais les Français avaient eu, jusqu'ici, la réputation de têtes sobres et logiques. Vraiment, pour que s'accomplisse, selon le mot de Renan, après une autre défaite, la réforme intellectuelle et morale de ce peuple, la première chose qu'il lui faudra rapprendre sera le vieil axiome de la logique classique : A est A, B est B ; A n'est point B." (pp. 183-84)


Il serait regrettable de ne pas finir ce tour d'horizon par quelques remarques dans lesquelles il m'est difficile de ne pas voir le reflet de mes propres hésitations, bonnes résolutions, et, pour finir, admirations :

- à propos de l'engagement des intellectuels, et justement par rapport aux partis politiques :

"Nous n'avions pas des âmes de partisans. Ne le regrettons pas. Ceux d'entre nous qui, par exception, se laissèrent embrigader par les partis, finirent presque toujours par en être les prisonniers, beaucoup plus que les guides. Mais ce n'était pas dans les comités électoraux que nous appelait notre devoir. Nous avions une langue, une plume, un cerveau. Adeptes des sciences de l'homme ou savants de laboratoires, peut-être fûmes-nous aussi détournés de l'action individuelle par une sorte de fatalisme, inhérents à la pratique de nos disciplines. Elles nous ont habitué à considérer, sur toutes choses, dans la société comme dans la nature, le jeu des forces massives. Devant ces lames de fond, d'une irrésistibilité presque cosmique, que pouvaient les pauvres gestes d'un naufragé ?" (pp. 204-205)

- à propos de l'engagement en général :

"Tant il est vrai que la vertu, si elle ne s'accompagne pas d'une sévère critique de l'intelligence, risque toujours de se retourner contre ses buts les plus chers." (p. 175)

- à propos de la France, s'il vous plaît :

"Surtout, quelles qu'aient pu être les fautes des chefs, il y avait, dans cet élan des masses vers un monde plus juste, une honnêteté touchante, à laquelle on s'étonne qu'aucun coeur bien placé ait pu rester insensible. Mais, combien de patrons, parmi ceux que j'ai rencontrés, ai-je trouvé capables, par exemple, de saisir ce qu'une grève de solidarité, même peu raisonnable, a de noblesse : « passe encore, disent-ils, si les grévistes défendaient leurs propres salaires. » [Voilà justement les limites de la pensée d'un enculiste, voilà ce qu'il ne peut comprendre.] Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l'histoire de France, ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la Fête de la Fédération. Peu importe l'orientation présente de leurs préférences. Leur imperméabilité aux plus beaux jaillissements de l'enthousiasme collectif suffit à les condamner." (pp. 198-99)




600px-Daniel_cohn-bendit_20060317


FRANCE-POLITICS-ELECTION-VOTE-BESANCENOT


Autre passage de témoin. Nous sommes tous des petits bossus rouquins, nous sommes tous des petits facteurs châtains... Vivent les partis politiques ! Vive l'enculisme ! Vive le NPA !

Libellés : , , , , , , , , , , , ,