vendredi 13 février 2009

Apologie de la race française (I).

Malcolm_X_-_mosque


Apologie II.

Apologie III.

Apologie IV-1.

Apologie IV-2.

Apologie IV-3.

Apologie V.

Apologie VI-1.

Apologie VI-2.


"Au service de la Compagnie Pordurière du Petit Togo besognaient donc en même temps que moi, je l'ai dit, dans ses hangars et sur ses plantations, grand nombre de nègres et de petits Blancs dans mon genre. Les indigènes, eux, ne fonctionnent guère en somme qu'à coups de trique, ils gardent cette dignité, tandis que les Blancs, perfectionnés par l'instruction publique, ils marchent tout seuls.

La trique finit par fatiguer celui qui la manie, tandis que l'espoir de devenir puissants et riches dont les Blancs sont gavés, cela ne coûte rien, absolument rien. Qu'on ne vienne plus nous vanter l'Egypte et les Tyrans tartares ! Ce n'étaient ces antiques amateurs que petits margoulins prétentieux dans l'art suprême de faire rendre à la bête verticale son plus bel effort au boulot. Ils ne savaient pas, ces primitifs, l'appeler « Monsieur » l'esclave, et le faire voter de temps à autre, ni lui payer le journal, ni surtout l'emmener à la guerre, pour lui faire passer ses passions."


(L.-F. Céline, Voyage au bout de la nuit)



Dans la série "les choses sont toujours plus compliquées qu'on ne le croit", je vous propose aujourd'hui un petit retour en arrière, au début des années 1990 - période infâme s'il en fut, la fin du mitterrandisme... J'en frémis encore en y repensant -, lorsque l'antiracisme officiel - SOS Racisme - eut à lutter contre l'idée d'instauration de quotas d'immigration. Paul Yonnet (Voyage au centre du malaise français..., pp. 170-174) sera une nouvelle fois notre guide, je lui laisse la parole (non sans pratiquer quelques coupures sur des points secondaires, coupures que je ne signalerai pas), et la reprendrai sur la fin.


(Au passage :

- sur P. Yonnet : ceux parmi vous qui le connaissent peuvent être étonnés que je le cite, tant sur certains points - de détail : cet homme ose écrire de
Mon coeur mis à nu de Baudelaire qu'il est « un monument de crétinerie auto-satisfaite », et semble croire que l'oeuvre de Céline s'arrête au Voyage - comme plus généraux, je peux être en désaccord avec lui. Mais on prend son bien où on le trouve et sur certains sujets cet homme me semble plus rigoureux, et donc plus utile, que d'autres ;

- sur J.-C. Michéa : plus d'un mois s'est écoulé depuis la première livraison de la série à lui consacrée, vous devez avoir oublié son contenu. Ce regrettable délai est en partie dû à ce que je ne suis pas sûr de continuer cette série telle quelle, ou de l'intégrer à des propos plus généraux sur le capitalisme et la crise (si les têtes pensantes du nouveau-né NPA ont quelques minutes à perdre pour me dire ce qu'est le capitalisme, puisqu'elles doivent le savoir, je leur en serai d'ailleurs reconnaissant...).

Ceci étant précisé, écoutons l'histoire de l'oncle Paul :



"L'antiracisme fait un usage compulsif du recours conservateur au maintien d'une tradition française. (...)

La « tradition française », c'est ce qu'invoque le porte-parole du Parti socialiste, Jean-Jacques Queyranne, en 1991, pour s'opposer à une proposition de Charles Pasqua, partisan d'instaurer des quotas d'immigration. Tout en estimant qu'en France « le vrai quota aujourd'hui, c'est le quota zéro, la politique française est celle de l'arrêt de l'immigration », J.-J. Queyranne affirme : « Instituer des quotas n'est pas dans la tradition française, ni la méthode à employer pour aborder les vrais problèmes de l'immigration. »

Mémoire courte, car tenter d'instituer des quotas, recourir à cette méthode « pour aborder les vrais problèmes de l'immigration » a été directement envisagé par les gouvernements français à deux reprises, en 1938 et en 1945, gouvernements alors dominés, animés ou auxquels participaient activement les socialistes français. C'est tout d'abord sous des gouvernements issus de la victoire du Front populaire - Chautemps, puis le second gouvernement Blum - qu'est créé un sous-secrétariat d'Etat à l'immigration, attribué à Philippe Serre qui a, pour le conseiller dans ces questions, le premier grand spécialiste de ces questions, Georges Mauco [cf. infra]. Or leur souci est de privilégier une immigration « utile et assimilable », c'est-à-dire de répondre aux besoins de main-d'oeuvre et de compensation démographique sans risquer d'entamer l'homogénéité ethnique de la nation. L'intégration assimilable, pour eux, écrit Patrick Weil [« La politique française de l'immigration », Pouvoirs, n°47, 1988], est « celle qui vient des pays ethniquement, religieusement, culturellement proches de la France, donc européens, à l'inverse d'une immigration africaine ou asiatique ». L'un des quatre projets de loi mis au point par le secrétariat d'Etat vise à la création d'un Office national d'immigration chargé de la sélection ethnique et professionnelle des nouveaux migrants [qui, « faute surtout de temps » selon P. Weil, ne vit jamais le jour]. En 1945, la logique du Haut Comité de la population s'inspire directement de celle de 1938 : « Un projet d'instruction envoyé aux services propose de recruter des étrangers sélectionnés selon des normes professionnelles, sanitaires, de localisation géographique et surtout selon un ordre de désirabilité ethnique. La nouvelle immigration devra comprendre 50% de Nordiques, 30% de Latins du Nord, 20% de Slaves. » Le projet, approuvé par de Gaulle, se heurte à la très vive opposition de deux résistants, le socialiste Texier et le gaulliste Parodi, qui refont le texte, d'où l'ordonnance du 2 novembre 1945, qui traite indistinctement les travailleurs immigrés selon l'origine. En l'absence de quotas décidés par la puissance publique, c'est une politique de quotas privés décidés par le patronat sur le seul critère de l'utilité capitaliste qui sera de fait instituée. Dans les années 1950 et 1960, l'industrie automobile - pour ne parler que d'elle - ira chercher au Maghreb une main-d'oeuvre non qualifiée et mal payée : c'est l'utilité capitaliste qui décidera de la sélection ethnique.

L'invocation de la « tradition française », l'appel à son respect sont encore le leitmotiv de l'intervention d'Harlem Désir devant la commission de la Nationalité à propos du projet de réforme du Code : « En somme, c'est contre la tradition, dit-il, l'usage et le droit séculaire du pays, et sous la pression de courants rétrogrades et démagogues exploitant les difficultés nées de la crise, qu'a germé l'idée de cette réforme (...). Si vous êtes fidèles à la tradition française, si vous êtes fidèles à ce principe qui est le seul à avoir été partagé à la fois par l'Ancien Régime, par la Révolution, par l'Empire et par la République (...), cette confiance qu'ont méritée ceux, venus d'ailleurs, qu'on appelait les ritals, les polaks, les ratons, et qui ont fait aussi la grandeur de ce pays. Telle nous semble être la tradition de la culture française. » [les coupures sont le fait de P. Yonnet.]

On note au passage que la fidélité à la tradition française sert à récuser « un serment de fidélité à la nation française » qui aurait pu être demandé aux nouveaux Français. Mais l'important est ailleurs. Il est que le discours antiraciste dominant, conforté dans ses stéréotypes par la quasi-totalité des hommes politiques glosant sur « la vieille tradition d'accueil des immigrés dans notre pays », voit dans les facilités de naturalisation des étrangers adoptées à partir de 1851 un effet de la générosité française rendant justice au travail et aux efforts des étrangers fixés sur notre sol - la loi du 7 février 1851 a introduit ce qu'on appelle communément le double jus soli, combinaison des critères du lieu de naissance et de la filiation. Or le double jus soli introduit en 1851 et développé par la loi du 26 juin 1889 répond très exactement à des préoccupations contraires. Ce ne sont pas des textes de générosité visant à accueillir dans la nationalité des groupes d'individus qui en auraient fait la demande, mais des textes d'intérêt national destinés à réprimer des conduites déviantes de soustraction au devoir de fils d'étranger devenus français de fait, mais refusant de le reconnaître. La loi de 1851 veut soumettre aux obligations du service militaire les étrangers de la troisième génération, et le rapporteur de la loi devant l'Assemblée évoque « l'odieux privilège des fils d'étrangers nés en France, qui, pour se soustraire aux charges du recrutement militaire, s'abstiennent de faire la déclaration requise par le Code civil, alors que pourtant il prennent leur part dans les affouages et les pâtis communaux ». Quant à la loi du 26 juin 1889, contemporaine de la grande loi du 15 juillet 1889 sur le service militaire qui faisait rentrer dans les faits son caractère obligatoire pour tous les Français, elle a aussi une préoccupation de défense nationale. L'ombre du bureau de recrutement plane sur ce texte, dont le rapporteur au Sénat, Delsol, n'hésite pas à dire qu'il est destiné à empêcher les petits-fils d'étrangers établis en France d'« échapper à la charge la plus lourde qui pèse sur nos nationaux, à l'impôt du sang ». S'il y a là marque d'une tradition française, c'est d'adapter le droit de la nationalité aux intérêts vitaux et contemporains du pays, un pays en déclin démographique rapide réclamant de la soldatesque. La vraie générosité aurait été de ne pas soumettre les descendants d'étrangers aux boucheries qui allaient suivre, de ne pas les forcer à la naturalisation française par le jeu du jus soli."

Une des raisons pour lesquelles j'évoque aussi peu ce sujet qui pourtant passionne mes collègues des autres cafés du commerce français, l'immigration, est que, outre qu'à titre personnel il ne me passionne guère, j'ai toujours senti que les choses y étaient tellement embrouillées, que le travail à fournir ne serait-ce que pour ne pas dire trop de conneries était tellement important, qu'il était en règle générale plus sage de fermer sa gueule. On constate ici, si l'on a lu ces lignes sans trop y chercher la confirmation de ce que l'on pensait déjà, qu'il est bien difficile de tracer des délimitations trop strictes entre les partis politiques sur ces questions : des socialistes créent le premier secrétariat d'Etat à l'immigration, inspiré notamment par ce Georges Mauco dont l'itinéraire et les prises de position semblent avoir été quelque peu tortueux (je vous renvoie à ce document, que je n'ai fait que survoler et dont la provenance n'est pas franchement catholique (un livre dirigé par P.-Y. Taguieff ! horresco referrens !), mais qui d'une part est signé du même Patrick Weil qui inspire ici Paul Yonnet, et qui d'autre part et surtout montre au moins les ambiguïtés dudit Mauco, de Blum à la fraction antisémite du régime de Vichy) ; à la Libération des socialistes se battent entre eux sur ce sujet de « l'immigration choisie » qui déchire aussi le gaullisme. Dans le même ordre d'idées, on rappellera qu'un Valéry Giscard d'Estaing, qui, ainsi que le montre ailleurs P. Yonnet, est en bonne tradition orléaniste fort inquiété par les questions d'immigration et ne se prive pas de le faire savoir, fut le président du regroupement familial [1].

Ceci dit, on peut tout de même se permettre quelques généralisations prudentes :

- sur l'ordonnance du 2 novembre 1945 et le refus des politiques de choisir l'immigration : bonne ou mauvaise en soi, cette volonté de ne pas choisir, ou cette incapacité à prendre une décision, a laissé un vide que le patronat s'est empressé de combler - lui a choisi, le moins cher et le plus utile à court terme, à charge au reste de la collectivité, si elle veut des bagnoles pas cher, de se débrouiller avec les conséquences. L'Etat n'a pas à se mêler de tout, mais lorsqu'il ne prend pas de décision sur un sujet, ce sont les éléments les plus puissants de la société qui s'en chargent pour lui ;

- sur le jus soli et ce que cela peut vouloir dire d'être français. Je reviendrai plus en détail sur le sujet, notamment via Jean-Claude Michéa d'ailleurs, mais on voit bien la conception sacrificielle de la patrie qui est ici à l'oeuvre, conception sacrificielle qui trouvera son apogée lors de la Grande Guerre, pour les Français « normaux » au premier chef, pour les immigrés, colonisés et Juifs ensuite (pas de procès d'intention, s'il vous plaît, j'emploie ces formulations sommaires pour être rapide et clair), ces trois catégories n'étant d'ailleurs pas toujours dans les années 30 et 40 payées de leurs sacrifices, au demeurant plus ou moins volontaires. Conception sacrificielle qu'en bon lecteur de René Girard je ne vais certes pas balayer d'un revers de la main, mais dont précisément la Grande Guerre, ce gigantesque suicide de la nation française (et un peu aussi, mais malheureusement moins, de la nation allemande (avec ou sans guillemets ? Ach, une autre fois...)) et ce qui a suivi ont montré les limites, et qui tend sans doute un peu trop à imprégner, plus ou moins consciemment, les discours actuels [2].

- du sacrifice en bonne logique on ne peut que passer au don. Des grandes déclarations IIIe République sur les « odieux privilèges » des descendants d'immigrés ou « l'impôt du sang », à la mythique intervention de J. Chirac sur le sujet (« Il faut enfin ouvrir le grand débat qui s'impose dans notre pays, qui est un vrai débat moral, pour savoir s'il est naturel que les étrangers puissent bénéficier, au même titre que les Français, d'une solidarité nationale à laquelle ils ne participent pas puisqu'ils ne paient pas d'impôt... »), on voit bien que nombre d'apories sur la question viennent de ce que l'on ne sait pas qui donne quoi et à qui dans l'histoire. Chacun a l'impression de donner quelque chose - sa force de travail, ses conditions de vie, sa « civilisation »... - ou de le sacrifier, sans être vraiment payé de retour - ces souchiens qui nous traitent comme de la merde ; ces salauds d'étrangers qui ne nous aiment pas, après tout ce qu'on a fait pour eux...

Sans méconnaître les tartes à la crèmes sociologiques sur les « angoisses » des Français, il me semble qu'un des noeuds du problème est là. Dans le contexte d'une société capitaliste, ou marchande, moderne, en l'absence de guerre et de possibilité de « sacrifice suprême », donc de forme exacerbée du don, on ne peut se trouver, au contraire, que devant les formes les plus dégradées du dit don,


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celles du donnant-donnant (notamment celle du contrat de travail), où, à l'échelle d'un pays, qui plus est en difficulté, personne ne sera jamais content. « Personne » ? Je connais suffisamment de descendants d'immigrés parfaitement « intégrés » et qui ne se voient pas revenir en Tunisie ou ailleurs autrement que pour les vacances, pour savoir que c'est faux. C'est l'autre noeud du problème : il n'y a pas de bonne politique officielle de l'immigration tant que le pays n'a pas le moral (il peut en revanche y en avoir des mauvaises, et de plus ou moins mauvaises). Il y a à peine besoin d'un J.-M. Le Pen ou d'un N. Sarkozy pour chercher des boucs émissaires, la montée ou la persistance d'un chômage de masse fait le travail toute seule. Par contre, il y a de nombreux cas d'« intégration » « réussie », la vie quotidienne étant plus souple que les déclarations officielles. Cette distinction entre les niveaux officiel et réel pouvant permettre d'évacuer les questions mal posées sur le « racisme », « ordinaire » ou non, des Français, et trouvant un appui important dans le fameux paradoxe psychologique de ces gens qui n'aiment pas, ou disent sincèrement ne pas aimer les Arabes, mais qui peuvent être très copains avec ceux qu'ils croisent tous les jours [3].

Autrement dit et en guise de conclusion : on peut s'opposer avec raison à des politiques d'immigration que l'on juge scandaleuses. Mais ce point important étant accordé, le mieux je crois dans le contexte actuel est d'en parler le moins possible : ce n'est pas se fermer les yeux devant une réalité désagréable, c'est au contraire, peut-être, le meilleur moyen pour que la réalité devienne moins désagréable pour tout le monde.

J'avais donc raison, à tous points de vue, de ne guère évoquer le sujet.








[1]
Je conserve cette première formulation, mais, renseignements pris, c'est toute l'histoire du regroupement familial qui est ambiguë et tortueuse. Une des premières mesures prises par V. Giscard d'Estaing et son gouvernement, dirigé par J. Chirac, fut, le 3 juillet 1974, la suspension de l'immigration. Deux ans après, volte-face et décret du 29 avril 1976 autorisant le regroupement familial. Un an plus tard, nouveau changement de cap : on n'autorise le regroupement familial que si le conjoint s'engage à ne pas tenter d'obtenir un emploi. Si l'on se souvient de toutes les thèses sur l'Arabe patriarcal-machiste-enfermant chez lui sa femme auxquelles on a eu droit récemment, cette mesure restrictive, venant qui plus est quelque temps après la loi Weil, qui de fait augmentait la présence des femmes sur le marché du travail, ne manque pas de laisser rêveur, mais passons - d'autant qu'elle fut annulée par le Conseil d'Etat le 8 décembre 1978.

Après et depuis VGE les hésitations continuèrent, de la loi assez libérale de juillet 1984, votée par la droite comme par la gauche - les temps changent... - aux initiatives restrictives de C. Pasqua puis N. Sarkozy, étant bien entendu que toute politique de l'immigration est prise entre trois feux : on doit, parce que c'est dans la Constitution française comme dans les conventions internationales signées par la France, laisser entrer les réfugiés politiques, sans leur imposer des conditions d'entrée et de séjour trop dures ; on ne peut, dans le contexte d'un chômage de masse, laisser entrer trop de monde ; le patronat réclame des bras pour les boulots que les Français ne veulent plus faire, ou en tout cas pas au prix où le patronat les paie. Du coup, on navigue, on joue sur des critères non négligeables mais plus discrets (à partir de combien de temps peut-on faire venir son conjoint, par exemple), quitte à fanfaronner dans les discours officiels.

Ces ambiguïtés à leur manière rejoignent celle qui fera l'objet de la dernière partie de ce texte.



[2]
C'était par exemple, on s'en souvient, la thématique de la promotion du film Indigènes : nos grands-parents se sont sacrifiés pour vous, vous nous devez donc le respect. A quoi il fut répondu, ce n'était pas difficile : vos grands-parents peut-être, mais pas vous. Débat qui n'a pas mené, et ne risquait pas de mener très loin... Je renvoie sur le sujet au tract de M.-E. Nabe, Les pieds-blancs.



[3]
Dois-je préciser qu'il y a effectivement des gens qui n'aiment vraiment pas les Arabes ?

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