samedi 29 août 2009

Heil !

hitler=ss



Bonne rentrée à tous !

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vendredi 14 août 2009

My Albion in your ass.

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Dans la série « lectures de vacances », voici un texte publié en 1845, dont l'actualité surprend moins qu'elle ne frappe :

"Il est facile de pousser à la vengeance un peuple ignorant et qui souffre ; le sentiment de la haine contre la royauté est généralement plus tenace dans le coeur des peuples que l'amour. Diderot a écrit que l'histoire des rois était le martyrologue des nations ; et les meneurs du peuple qui connaissaient Diderot et qui ne connaissaient pas l'histoire, ont répété à ce peuple les oracles du fougueux encyclopédiste. Après Diderot sont venus les économistes qui ont publié que les gouvernements étaient les ennemis-nés du peuple. Le peuple qui souffre est toujours disposé à considérer comme ses amis tous ceux qui veulent changer le régime sous lequel il vit. Le peuple avait adopté, dès avant 89, cette doctrine fatale ; et, de ce que les gouvernements étaient les ennemis-nés des peuples, il avait conclu logiquement : que les peuples sont d'autant plus heureux que l'action du gouvernement est plus faible, que le pouvoir est plus désarmé.

Si le peuple pouvait lire dans sa propre condition, dans les faits quotidiens de sa vie de travailleur, il saurait aujourd'hui ce que lui coûte sa foi dans de semblables dogmes.

Ces dogmes constituent ce qu'on appelle aujourd'hui la théorie du Gouvernement-ulcère ; une théorie dont l'adoption a fait plus de mal à la France que tous les revers et toutes les catastrophes qui l'ont assailli en cinquante années.

Il importe de rechercher l'origine de cette hérésie.

La théorie du gouvernement-ulcère est anglaise de naissance, puisqu'elle vient des Économistes. L'Angleterre est le foyer de tous les faux principes, de toutes les révolutions et de toutes les hérésies.

L'Angleterre est l'impure Babel, est la grande boutique où se préparent et se débitent avec un égal succès les doctrines et les drogues vénéneuses : et l'esprit de feu qui brûle les Peaux rouges et l'opium qui empoisonne les Chinois, et les principes qui font s'armer citoyens contre concitoyens, peuple contre peuple, race contre race.

L'hérésie du gouvernement-ulcère allant droit à l'abolition de la royauté, l'aristocratie de sang, qui règne et gouverne en Angleterre, avait un intérêt puissant à ce qu'elle s'implantât solidement dans le royaume de France, où la haine de l'Angleterre était comme une tradition héréditaire de la vieille monarchie. Aussi cette théorie a-t-elle parfaitement réussi chez nous [NB : quelques pages plus loin, l'auteur écrit : "Jamais l'Anglerre n'a commis la sottise de s'appliquer à elle-même les théories qu'elle débite aux autres nations. C'est l'Angleterre qui a émis par le monde les idées les plus larges de liberté commerciale, et il n'y a pas de nation qui ait plus abusé qu'elle de la protection douanière et de la prohibition."]. Des économistes anglais qui la produisirent d'abord sous le patronage vénéré de leur fausse science, elle passa chez les encyclopédistes français. Les philosophes du dernier siècle, affiliés à cette secte, lui donnèrent le poli et l'éclat de leur style, et parvinrent à la faire entrer, à coups d'épigrammes, dans la monnaie courante des idées de l'époque. Quand cette théorie eut dit son dernier mot et fait son 21 janvier, on put croire qu'elle avait été tuée par l'expérience du même coup que la royauté. Malheureusement, l'impopularité du gouvernement de la Restauration permit à l'école libérale d'exhumer l'hérésie mortelle des ruines de 93, et de la réhabiliter auprès d'une nation généreuse, impatiente de se débarrasser d'un pouvoir qui lui rappelait, par son origine, le jour de ses revers. La théorie du gouvernement-ulcère s'incrusta donc de nouveau dans les esprits, à la faveur d'un louable sentiment de fierté nationale. Les économistes français, les libéraux, les philanthropes inféodés à l'idée anglaise, comme les encyclopédistes dont ils n'étaient que la mauvaise queue, aidèrent aux ravages du mal en propageant leur absurde doctrine du laisser-faire qui tendait à l'annihilation de l'autorité. Les écrivains radicaux qui déclament contre tous les pouvoirs, avancent l'oeuvre chaque jour [c'est 68 !]. Le succès éphémère de la doctrine Saint-Simonienne qui suivit de près la révolution de 1830 et qui essaya de réhabiliter le pouvoir, ne parvint même pas à enrayer un moment la marche de l'opinion.

Et tout ce monde-là a si bien travaillé de la voix et de la plume, que l'opinion publique est complètement égarée aujourd'hui sur le compte du pouvoir. Peut-être même faudrait-il fouiller dans les archives du pur radicalisme, pour retrouver quelques idées raisonnables sur la mission providentielle du gouvernement. Le peuple français et ses représentans en sont arrivés à ce degré d'aveuglement, qu'ils adoptent la proposition funeste au pays, mais répressive de l'influence de l'autorité centrale, de préférence à la proposition utile et nationale, mais susceptible de servir les intérêts du gouvernement. De par MM. Adam Smidt (sic), Jean-Baptiste Say et leurs continuateurs, la fonction du pouvoir dans l'État a été assimilée à celle du chat dans la maison privée. On a écrit que le gouvernement était un mal nécessaire, un ennemi qu'on était forcé d'entretenir, pour se débarrasser d'un autre ennemi plus dangereux, l'anarchie. La comparaison est boiteuse, car l'animal domestique a été traité beaucoup mieux que le pouvoir. On ne lui a pas ôté sa liberté ni ses griffes, c'est-à-dire ses moyens d'action : tandis que le pouvoir aujourd'hui ne peut ni se défendre, ni défendre le peuple.

Ces lords anglais sont, il faut l'avouer, de bien habiles et de bien heureux artisans de discordes, que jamais la semence de mal qu'ils ont jetée sur une contrée quelconque ne manque de fructifier à son heure, et que toujours, au contraire, l'esprit de vertige des nations qu'ils poussent à leur ruine, vienne en aide à leur perfidie ! Avec une idée de philanthropie qu'ils se sont bien gardés d'appliquer chez eux, en Irlande où l'exploitation du travailleur a pris le caractère de barbarie le plus atroce, ils ont mis le feu à Saint-Domingue, provoqué l'extermination de la race blanche et tué notre puissance maritime. Eh bien, ils ont eu pour complices dans ce crime, les neuf dixièmes des habitants de la France, et dans le nombre, la plupart des publicistes et des orateurs de renom.

Avec un autre mot, celui d'indépendance, l'Angleterre a arraché la moitié du nouveau monde à la monarchie espagnole, gouvernée par des rois de race française, nos inséparables alliés. [Quant à l'Espagne,] l'Angleterre n'a-t-elle pas implanté depuis dix ans ses suçoirs mercantiles dans le sein de la malheureuse péninsule ? ses marchandises voiturées par la contrebande, ne circulent-elles pas librement des Pyrénées à Gibraltar sous la protection de cette même anarchie, qu'elle baptise toujours du nom de liberté ? Après avoir émancipé l'Amérique du sud et détruit la puissance maritime de l'Espagne, il ne restait plus à l'Angleterre, pour achever ce royaume désolé, que de lui apporter son amitié, plus mortelle et plus vénéneuse que sa haine ! Oui, cent fois plus mortelle... Voyez le Portugal depuis le traité de Methuen !

Mais la France, en acceptant les théories absurdes des économistes anglais, est plus coupable que la malheureuse Espagne ; car elle n'a pas comme celle-ci l'excuse de la misère et de son ignorance. Il y a huit siècles pleins que la France bataille avec la Grande-Bretagne ; et il n'y a peut-être pas dans son histoire une seule catastrophe qu'elle n'ait le droit d'attribuer aux machinations de sa déloyale ennemie. La France aspire à l'unité morale, à l'unité législative comme à l'unité de territoire ; elle est catholique en religion comme en politique : c'est sa tendance sous tous ses gouvernements forts, sous Richelieu, sous Louis XIV, comme sous Napoléon. L'Angleterre, elle, vise au morcellement, parce qu'elle vit des déchirements du globe ; elle est protestante et schismatique en tout . « Individualisme et protestantisme sont tout un. » Elle ne comprend pas qu'on se dévoue au service de l'humanité, comme la France, quand on peut l'exploiter ; elle ne se résigne à faire un peu de bien que dans l'espérance qu'il en résultera un mal pire ; témoin l'émancipation de la race noire. La France, au contraire, dans ses plus grandes erreurs, semble n'être coupable que d'un excès de dévoûment à la cause des peuples. Vous trouvez des pages admirables et des actes de charité sublime, à côté d'atrocités odieuses dans l'histoire de la terreur. Beaucoup de ces législateurs sanguinaires qui renvoyèrent à leur juge naturel tant d'accusés innocens, croyaient fermement à la sainteté de leur oeuvre.

Je n'exècre pas l'aristocratie anglaise, comme Français, mais comme chrétien, comme homme.

Oui, l'Angleterre est placée dans cette situation effroyable, qu'elle ne peut oublier un moment de torturer les autres États du globe, sans s'exposer à périr. L'Angleterre est condamnée à mourir de la paix universelle dans un temps donné, parce que la paix chez les autres fait la guerre chez elle. La guerre nourrit le monopole, le monopole nourrit la guerre. Que la guerre ou le monopole cesse, le colosse de la puissance anglaise, véritable colosse d'or aux pieds de boue, s'écroule au même instant. Là est tout le secret de la politique britannique, si secret il y a. L'Angleterre obéit aux instincts de sa nature et aux exigences de sa position ; c'est un peuple de proie qui est forcé de tuer pour vivre, et à qui il serait souverainement absurde d'aller demander une politique loyale et généreuse, parce que ce serait lui demander un suicide. La politique de la Grande-Bretagne doit être impitoyable comme la faim son mobile, et c'est justice à rendre aux hommes de sang gouvernemental qui dirigent les destinées de cet État, qu'ils comprennent admirablement les nécessités de leur patrie !

Ils sont là derrière les roches blanches de leur île, un millier de familles tout au plus, une nichée de vautours que le génie du mal tient attachés sur les flancs de l'humanité pour boire son sang et déchirer ses chairs. C'est pour nourrir le faste insolent de cette poignée de despotes, c'est pour servir à ses vautours insatiables leur curée quotidienne, que tant de crimes se commettent sur la terre, que tant de nations s'égorgent, que tant de vaisseaux se perdent sur les mers, que les 40 millions de bras des machines anglaises travaillent jour et nuit, que l'opium se récolte, que l'Irlandais [en est réduit à se jeter] avec avidité sur de grossiers alimens que des pourceaux dédaignent. Il y a des siècles que cela dure, et les lamentations des peuples n'ont pas encore monté jusqu'à Dieu, et ce Dieu des opprimés n'a pas encore suscité parmi ses fidèles un orateur inspiré, à la parole ardente, pour prêcher la croisade contre ces bourreaux de la terre ! Seigneur ! rendez l'entendement et la vue aux conseils des puissances, et que votre justice ne se retire pas plus longtemps de vos malheureux peuples !

Je ne sache pas qu'une autre nation ait pesé sur le monde d'un poids aussi lourd que la nation anglaise, ait coûté à l'humanité autant de larmes, ait motivé autant d'accusations contre la justice de Dieu.

Mais il est pour l'établissement anglais un péril imminent, inévitable surtout. L'Angleterre, en tuant le travail chez tous les peuples, pour faire de ceux-ci des consommateurs, c'est-à-dire des tributaires de son industrie, a tué la richesse de ces peuples. Elle a tari conséquemment les sources de la consommation elle-même ; d'où cette conséquence, qu'il faut qu'elle périsse de faim tôt ou tard, au milieu de ses monceaux de richesses manufacturées. Et le jour de l'événement n'est pas loin ; car tous les progrès de la science mécanique, toutes les alliances douanières nous en rapprochent. Et ce jour-là sera l'ère de l'affranchissement des travailleurs et des esclaves dans toutes les pays du monde ; et les prolétaires des deux côtés de la Manche se tendront une main désormais amie et fraternelle, et le souvenir des vieilles discordes des deux peuples s'éteindra dans la joie de l'émancipation commune : voilà pourquoi j'appelle ce jour-là de tous mes voeux."

Ces lignes sont extraites du célèbre livre d'Alphonse Toussenel, Les Juifs, rois de l'époque. Histoire de la féodalité financière (Librairie de l'école sociétaire, 1845, pp. 26-41 (texte librement condensé par mes soins) ; j'utilise le reprint des peu gauchistes éditions Saint-Rémi). Livre célèbre mais difficile à trouver, et qui passe pour la matrice de « l'antisémitisme d'extrême-gauche » : c'est pour vérifier ce lieu commun - et la validité du thème qui lui est lié : « en fait, l'antisémitisme est né à gauche », avec toutes les conséquences idéologiques et politiques que cela peut, ou doit, ou devrait avoir - que j'en ai entrepris la lecture.

Surprise, il est pour l'instant (j'en suis presque à la moitié) fort peu question des Juifs dans ce livre - il se peut d'ailleurs que sa réputation provienne, non seulement de son titre, mais surtout de la préface à la réédition de 1847, tout entière consacrée à « la question juive ».


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Avec signature de l'auteur en haut, s'il vous plaît...


Quoi qu'il en soit, le texte que j'ai retranscrit est intéressant à divers titres. Le moins que l'on puisse dire est que le rôle déstructurant, comme dirait M. Defensa, du capitalisme anglo-saxon, y est décrit avec acuité - de même que ses démagogies (« cette anarchie, qu'elle baptise toujours du nom de liberté »...) et ses contradictions fais-ce-que-je-dis-pas-ce-que-je-fais (« Jamais l'Anglerre n'a commis la sottise de s'appliquer à elle-même les théories qu'elle débite aux autres nations. »). L'impérialisme (avec sa variante française), l'avidité, le rôle toujours néfaste de ceux que l'on appelait alors les publicistes dans la propagation d'idées dangereuses..., autant d'éléments dont on n'a pas de mal à reconnaître les équivalents actuels.

Précisons qu'en face de ces dangers Toussenel propose une théorie lévi-straussienne de l'État comme représentant de la collectivité, ce qui lui permet de relier l'action de Richelieu, Louis XIV (et à un degré moindre Napoléon), et celle d'un État moderne débarrassé des « féodalités », État-providence si l'on veut, qui appliquerait un programme de nationalisation des banques d'une part, de protection des humbles et de redistribution des ressources d'autre part, qui sur les aperçus qu'il en donne (je n'ai lu pour l'heure que les neuf premiers chapitres) évoque plus le CNR que le stalinisme ou l'hitlérisme [1].

Symétriquement, Toussenel équivaut les « féodalités financières » de son temps aux féodalités médiévales, y voyant dans les deux cas une structure parasitaire, privant le peuple de son pain et l'autorité centrale de son pouvoir. Il serait hors sujet de discuter ce diagnostic sur la société médiévale - de même qu'il serait me semble-t-il abusif de faire de Toussenel l'apologue d'une forme de dictature. Il faut simplement souligner que sa sensibilité aux abus des échelons intermédiaires, et pas nécessairement utiles, de la société, le rend insensible à l'importance des diverses hiérarchies qui peuvent parcourir, voire définir le tissu social.

Est-ce pour cela - et en laissant donc de côté pour aujourd'hui, sauf sur certains détails, la question juive - qu'il assimile trop critique des personnes et résolution des problèmes ? Passée la surprise de lire des lignes aussi actuelles (par delà la validité de tel ou tel jugement), on est frappé par la façon dont l'acuité et la précision des dénonciations de Toussenel débouchent trop directement sur une illusion messianique (d'ailleurs teintée, comme l'illustre la référence à Babel, de prophétisme juif...), qui consiste à croire qu'il suffit de supprimer ce « millier de familles tout au plus », pour que vienne le « jour » de « l'émancipation commune ». La proximité avec Marx (prophète juif, lui aussi), avec le « grand soir », est frappante ; aggravons le cas de notre auteur et remarquons que si Marx a toujours prôné des luttes collectives, Toussenel, lui, se laisse aller, lorsqu'il en appelle à la venue d'un « orateur inspiré, à la parole ardente, pour prêcher la croisade contre ces bourreaux de la terre », à une vision du grand homme qui, l'histoire allait le prouver un petit siècle plus tard, n'était pas sans quelque danger.

Précisons tout de suite qu'il serait injuste de faire de Toussenel un précurseur de Hitler, et de discréditer son oeuvre et ses luttes au nom d'une seule envolée lyrique (et ce serait vrai même s'il était prouvé que Hitler l'avait lue, ce qui est possible). Ce qu'il est important de noter, c'est que Toussenel croit, au moins dans la façon dont il s'exprime dans ce chapitre, avoir trouvé la solution, celle qui va tout résoudre : empêcher le « millier de familles » de nuire - tout en écrivant ensuite (là encore, on retrouve une ambiguïté connue des lecteurs de Marx) que de toute façon la crise, « inévitable », va les balayer.

Le problème, j'allais écrire « bien sûr », mais il faut l'exprimer clairement, le problème, c'est que si d'aventure on supprimait tous les Sarkozy, Minc, Lévy, Strauss-Kahn, Madelin, Lamy, etc., je veux dire, si on se contentait de cela, eh bien la France ne changerait pas d'un iota. C'est un drame, certes, c'est notre drame : pour nuisibles que soient ces gens, et Dieu sait qu'ils le sont, leur disparition (par un lynchage collectif ou via le suffrage universel, c'est ici la même chose) en tant que telle ne serait que fort peu bénéfique.

Je vous citais l'autre jour cette phrase de Dostoïevski : "Le nihilisme est apparu chez nous parce que nous sommes tous nihilistes", la complétant ainsi : "l'enculisme est apparu chez nous parce que nous sommes tous enculistes." Réciproquement : les enculistes disparaîtront lorsque nous ne serons plus enculistes, ou, plus précisément : les enculistes les plus notoires ne seront plus nuisibles lorsque nous ne serons plus enculistes. Ou encore : tant que nous resterons enculistes, les enculistes les plus notoires resteront nuisibles.

C'est ce qui manque, peut-être pas au livre de Toussenel en son ensemble, mais à la structure de pensée qu'il applique dans le chapitre que j'ai cité (avec cette précision qu'à son époque, où naît, comme il le voit remarquablement bien, la « consommation », le rôle de la force est plus net que dans la nôtre, les peuples occidentaux plus violentés par le pouvoir : il est donc plus tentant de ne s'en prendre qu'à ceux qui détiennent la force. Mais cela n'en devient pas pour autant totalement légitime) : pour nécessaire, importante, morale, et parfois savoureuse, que puisse être la critique et la dénonciation des turpitudes intellectuelles et des mensonges caractérisés des enculistes de plume et de pouvoir, il faut toujours garder en tête que cette dénonciation ne se suffit pas à elle-même, et qu'elle ne peut en dernier ressort avoir une réelle utilité que si elle est accompagnée (à travers un travail collectif s'entend, chacun son talent et ses capacités) par des propositions et des actions positives.

Une précision et un effort de terminologie :

- pour le dire vite : la vie n'est pas qu'un enfer, mais elle est beaucoup un enfer, de toutes les façons, et c'est pourquoi, en regard, la disparition d'un Sarkozy ne changerait pas grand-chose... Une telle anthropologie pessimiste, exprimée avec plus ou moins de nuances et de violence, a sa légitimité, mais ne doit pas amener à conclure que « rien ne peut jamais changer pour le bien ». L'histoire montre que c'est faux, et le présent montre que les choses changent plutôt pour le mal. Il faut donc distinguer le refus du messianisme, surtout lorsque celui-ci se fait recherche de bouc émissaire, avec le refus de la moindre action. Sceptique et pessimiste ne sont pas synonymes d'inactif ;

- puisque je viens d'évoquer le bouc émissaire - et l'on aura compris que ce texte est une tentative de filtrer les possibilités d'actions politiques et spirituelles par les pensées de R. Girard et Muray, pour tenter de prévenir le retour d'illusions néfastes -, je propose de synthétiser ce qui précède par l'appellation, en hommage au plus illustre de nos enculistes (et la concurrence est rude !), « principes du bouc Bernard-Henri Lévy », que l'on énoncera ainsi :

On peut critiquer, moquer, insulter l'enculiste. On doit le faire. Mais à deux conditions :

- se souvenir toujours que tout ce qu'on écrit sur lui, pour juste et nécessaire que cela puisse être, risque de n'être que simple témoignage pour des jours meilleurs, de rester lettre morte, voire même de rendre service à l'intéressé, pauvre victime, si cela ne s'accompagne pas, « ici ou ailleurs », de propositions de valeurs morales contraires à celles illustrées par l'enculiste ;

- ne pas croire que l'élimination de l'enculiste, quelque forme qu'elle prenne, et pour agréable qu'elle soit parfois à imaginer, résoudrait quoi que ce soit si elle ne s'accompagnait pas de la disparition de l'enculisme en général. (Ce pourquoi, et c'est sur cette note proche d'un G. Orwell que je finirai, moins nous serons enculistes, et plus il y a de chances que les enculistes disparaîtront d'eux-mêmes, sans violence. Ce n'est pas merveilleux ?)


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Que du bonheur !












[1]
Il est vrai, si j'en crois Alain de Benoist (texte : "Pierre-André Taguieff : qui hait qui ?"), que certains, dont P.-A. Taguieff, avaient été jusqu'à assimiler critique de l'économie de marché et antisémitisme. A ce compte, le CNR était antisémite... peut-être hitlérien sans le savoir, tant qu'on y est !

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mardi 11 août 2009

"Tel qu'en lui-même enfin la Licra l'a changé..." : tombeau de Thierry Jonquet.

Ses lecteurs et admirateurs - sans même évoquer ses proches - doivent trouver que mourir à 55 ans est aussi triste que prématuré. Ayant lu avec plaisir Mygale et Mémoire en cage il y a une bonne dizaine d'années et en découvrant de belles dans les « nécros » consacrées à Thierry Jonquet, je me dis que la faux choisit parfois cruellement son moment, non tant parce qu'elle arrive trop tôt que parce que, selon la formule de Malraux, elle "transforme la vie en destin".

Que serait devenu Jonquet ? De même que pour Muray, lui aussi décédé, comme on dit, « prématurément », je l'ignore et ne voudrais pas être injuste à son égard et le condamner sans appel. Je suis néanmoins resté abasourdi en apprenant que pour son roman Ils sont votre épouvante, vous êtes leur crainte (2006), qui a pour point de départ l'agression d'un juif par des « jeunes de banlieue » - un sujet tout à fait légitime, préciserai-je, ce n'est pas ici que l'on fait la police des romanciers -, Thierry Jonquet a non seulement reçu, ce qui est déjà terrifiant, mais accepté, ce qui est aussi minable que ridicule, la médaille d'honneur de la LICRA (honneur, honneur, que de péchés contre l'esprit on commet en ton nom !). Foutre, venant de quelqu'un d'aussi peu dupe de la réalité de la vie politique, et qui devait bien savoir la fonction éminemment détestable d'une institution comme la Licra, voilà qui ressemble fort à choisir son camp, en l'occurrence à choisir les forts contre les faibles. (On parle souvent, j'y reviendrai sous peu, de l'antisémitisme de gauche. Mais sur ces anciens trotskystes ou anars, qui, sous prétexte de refuser « l'angélisme », donnent une caution à la xénophobie la plus méprisable, n'y aurait-il pas aussi beaucoup à dire ?)

Oui, Jonquet, comme d'autres romanciers, de Balzac à Céline, peut à bon droit rappeler que les faibles ne sont pas aimables, qu'ils sont parfois, « c'est immoral mais c'est comme ça », franchement détestables, voire carrément salauds (« salauds de pauvres ! »). On peut même considérer, on doit même considérer que toute défense des faibles est nulle et non avenue sans un tel rappel. Mais ce qui peut être une preuve de lucidité et de maturité chez un romancier lorsqu'il écrit un roman devient une détestable complicité avec le pouvoir lorsque ce même romancier accepte des honneurs émanant d'une institution dont il ne peut ignorer, d'une part, même et surtout s'il est un ancien d'une aberration comme « Ras l'front », qu'elle a bien plutôt encouragé le racisme que contribué à le faire disparaître, d'autre part qu'elle est un bras armé du sionisme et de tout ce qu'il représente - avant tout, la jouissance de la domination.

Il ne peut l'ignorer, à moins d'être complaisant ou complètement con. J'écarterai au nom de mes souvenirs des romans de Jonquet la deuxième solution. Toujours au nom de ces souvenirs, j'espérerai pour conclure que cette fort regrettable complaisance ne nuira pas à l'approche de livres qui me semblent encore aujourd'hui, à tort ou à raison, réussis. - Ceci dit, si P. Almodovar, dont j'apprends qu'il doit adapter Mygale, Almodovar à propos de qui me revient toujours la formule cinglante de Muray, justement : "Depuis qu'il y a des Almodovar et qu'on les encense...", Almodovar, qui, avec ses indéniables qualités de scénariste et ses éclairs de lucidité (qui d'autre que lui ose peindre des pédés aussi ignobles ?), est d'un sexisme anti-« mâle » en comparaison duquel le macho le plus débile est d'une gentillesse, d'une humilité et d'un féminisme exemplaires, ceci dit, reprenons le fil de cette phrase avant que vous ne le perdiez ou que je ne sois complètement ivre, si Almodovar affadit Mygale dans le sens d'un consensuel métissage sexuel, eh bien il y aura encore plus de boulot pour que les qualités de romancier de Jonquet ne passent pas à la trappe.

Au commencement étaient les textes !


vierge-marie

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samedi 8 août 2009

Littérature.

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"Il comprenait mieux maintenant maintenant quelle juste anticipation il y a toujours eu dans son plaisir à gâcher l'argent. Tout était à gâcher dans sa vie." (P. Drieu La Rochelle, Gilles, deuxième partie, ch. IX)

"Il lui parut brusquement d'une grande prétention et d'une grande inhumanité de vouloir rester en dehors du jeu. La pitié l'engageait à se salir avec les uns ou avec les autres de ces humains. Se salir avec les humains, c'est ce qu'on peut faire de plus gentil. « Je ne vais pas imiter ce fameux Ponce, cet affreux préfet », conclut-il." (ch. XXIV)

"Je suis le saint, en prière sur la terrasse, — comme les bêtes pacifiques paissent jusqu'à la mer de Palestine.

Je suis le savant au fauteuil sombre. Les branches et la pluie se jettent à la croisée de la bibliothèque.

Je suis le piéton de la grand'route par les bois nains ; la rumeur des écluses couvre mes pas. Je vois longtemps la mélancolique lessive d'or du couchant.

Je serais bien l'enfant abandonné sur la jetée partie à la haute mer, le petit valet, suivant l'allée dont le front touche le ciel.

Les sentiers sont âpres. Les monticules se couvrent de genêts. L'air est immobile. Que les oiseaux et les sources sont loin ! Ce ne peut être que la fin du monde, en avançant." (A. Rimbaud, Illuminations, "Enfance".)


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mardi 4 août 2009

"Le blanc est une couleur", nom de Dieu !

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Alleluiah ! J'avais égaré mon exemplaire de l'Orthodoxie de Chesterton, et, avant de partir en vacances (loin d'internet, loin de vous, pendant quelques jours ce fut pour le moins agréable), cherchant un autre livre que jamais je ne trouvai, j'ai remis la main dessus. Du coup je l'ai relu de A à Z, du coup en voici un long extrait (je rappelle que j'ai déjà évoqué, avec Chesterton, les notions de « surhomme » et de « tolstoïen », que vous retrouverez ici):

"Prenez, par exemple, la modestie, cet équilibre entre ce qui n'est qu'orgueil et ce qui n'est que prosternation. Le païen ordinaire, comme l'agnostique ordinaire, se bornerait à dire qu'il est content de lui, mais non insolemment satisfait de lui-même, qu'il y en a beaucoup de meilleurs que lui et beaucoup de pires, que ses mérites sont limités mais qu'il veillera à en recevoir la juste récompense. En somme, il marchera tête haute, mais non pas nécessairement le nez au vent. C'est là une position virile et rationnelle, mais (...) étant un mélange de deux choses, elle est une dilution de deux choses : aucune d'elles n'est présente dans toute sa force, aucune d'elles ne contribue à lui donner tout son éclat. Ce bel orgueil n'élève pas le coeur comme le son des trompettes ; on ne peut, grâce à lui, aller vêtu de pourpre et d'or. D'autre part, cette douce modestie rationaliste ne purifie pas l'âme par le feu et ne la rend pas claire comme le cristal ; elle ne fait pas, comme le ferait l'humilité stricte et rigoureuse, d'un homme un petit enfant, assis au pied de l'herbe. Elle ne lui fait pas lever la tête et voir les merveilles ; car Alice doit devenir petite pour devenir Alice au Pays des Merveilles. Ainsi la modestie rationaliste perd à la fois la poésie d'être fière et la poésie d'être humble. Le christianisme a tenté (...) de les sauver l'une et l'autre.

Il a séparé les deux idées, ensuite il leur a donné à chacune plus d'ampleur. L'Homme dut être plus fier qu'il ne l'était auparavant ; et il dut être plus humble qu'il ne l'avait jamais été. Dans la mesure où je suis Homme, je suis le chef des autres créatures. Dans la mesure où je suis un homme, je suis le chef des pécheurs. Toute forme d'humilité qui signifiait pessimisme, qui signifiait que l'homme avait de toute sa destinée une vision vague et étroite - tout cela devait disparaître. Nous ne devions plus entendre l'Ecclésiaste gémir que l'humanité n'avait aucune prééminence sur la brute, ni Homère chanter que l'homme était la plus triste de toutes les bêtes des champs. L'homme était une statue de Dieu marchant dans le jardin. L'homme avait la prééminence sur tous les animaux ; l'homme était triste uniquement parce qu'il n'était pas une bête mais un dieu tombé. Les Grecs avaient parlé de l'homme rampant sur la terre comme s'il s'y cramponnait. Désormais, l'Homme devait fouler la terre comme pour la soumettre (to tread on the earth as if to subdue it). Le christianisme avait ainsi de la dignité de l'homme une idée que pouvaient seules exprimer les couronnes aux rayons lumineux comme des soleils et les éventails de plumes de paon. Mais, dans le même temps, le christianisme avait de l'abjecte petitesse de l'homme une idée que pouvaient seuls exprimer des jeûnes et des actes de soumission fantastiques, les cendres grises de saint Dominique ou les neiges blanches de saint Bernard. Quand on venait à réfléchir sur soi-même, une perspective et un vide s'ouvraient assez grands pour accueillir n'importe quelle somme d'abnégation morose et d'amère vérité. Là, le gentleman réaliste pouvait se laisser aller au désespoir - aussi longtemps qu'il ne désespérait que de lui. Il y avait un terrain de jeux ouvert pour l'heureux pessimiste. Il pouvait dire tout ce qui lui plaisir contre lui-même, à condition de ne pas blasphémer contre le but original de son être ; se traiter de sot à sa guise et même de damné sot - à la manière des calvinistes [1] - ; mais il ne devait pas dire que les sots ne valent pas la peine d'être sauvés. Il n'avait pas le droit de dire qu'un homme, parce qu'il est homme, peut être sans valeur. Ici encore, le christianisme a surmonté la difficulté de concilier deux contraires en les gardant tous deux et en les gardant tous deux en toute leur violence (the difficulty of combining furious opposites, by keeping them both, and keeping them both furious). L'Église a été positive sur les deux points. On ne peut guère s'estimer trop peu. On ne peut guère trop estimer son âme. (...)

Célébrant le bien, saint François pouvait se montrer optimiste plus vibrant que Walt Whitman. Dénonçant le mal, saint Jérôme pouvait peindre un monde plus noir que celui de Schopenhauer. Les deux passions étaient libres parce que toutes deux étaient maintenues à leur place. (...)

Ainsi, les doubles accusations des sécularistes (...) jettent sur la foi une lumière réelle. Il est vrai que l'Église historique a exalté à la fois le célibat et la famille ; qu'elle a été à la fois farouchement pour la procréation d'enfants et farouchement pour la non-procréation d'enfants. Elle a maintenu ces deux positions côte à côté comme deux couleurs vives, rouge et blanc, comme le rouge et le blanc de l'écu de saint Georges. Elle a toujours manifesté une saine horreur du rose.


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Elle hait ce mélange de deux couleurs, faible expédient auquel recourent les philosophes. Elle hait cette évolution du noir au blanc qui donne le gris sale.


Liberian-Girl

(Évidemment...)


En fait, toute la thèse de l'Église sur la virginité tient à ceci que le blanc est une couleur ; et non pas seulement l'absence d'une couleur. Tout ce que j'allègue ici est que le christianisme s'est presque toujours efforcé de conserver les deux couleurs, ensemble mais pures (to keep two colours coexistent but pure). (...)

Ainsi en va-t-il des accusations contradictoires portées par les anti-chrétiens au sujet de la soumission et des massacres. Il est exact que l'Église a dit à certains hommes de combattre et à d'autres de ne pas combattre ; et il est exact que ceux qui combattaient frappaient comme la foudre et ceux qui ne combattaient pas restaient figés comme des statues. Tout cela signifie simplement que l'Église préférait utiliser ses surhommes et utiliser ses tolstoïens. Il doit y avoir quelque chose de bien dans la vie des combattants puisque tant d'hommes bien ont aimé être soldats. Il doit y avoir quelque bien dans l'idée de non-résistance puisque tant d'hommes bien semblent aimer être quakers. Tout ce que fit l'Église fut d'empêcher - autant que possible - l'une de ces deux choses bonnes d'évincer l'autre [2]. Elles ont existé côte à côte. Les Tolstoïens, ayant tous les scrupules des moines, se sont tout simplement faits moines. Les Quakers sont devenus un club au lieu de devenir une secte. Les moines ont dit tout ce que dit Tolstoï ; ils se sont répandus en lamentations sur la cruauté des batailles et la vanité de la vengeance. Mais les Tolstoïens n'ont pas tout à fait ce qu'il faut pour gouverner le monde entier (not quite right enough to run the whole world) ; et aux époques de foi, il ne leur fut pas permis de gouverner (in the ages of faith they were not allowed to run it, il me semble que le sens n'est pas le même, note de AMG). Le monde n'a perdu ni la dernière charge de Sir James Douglas ni la bannière de Jeanne la Pucelle. Et il arrivait que cette pure douceur et cette pure violence se rencontrent et justifient leur jonction ; le paradoxe de tous les prophètes s'accomplissait et dans l'âme de saint Louis le lion reposait près de l'agneau. Mais n'oubliez pas que ce texte a été interprété trop à la légère. Pour beaucoup, en particulier pour les adeptes de Tolstoï, le lion qui repose à côté de l'agneau devient semblable à un agneau. Mais ce serait de la part de l'agneau une annexion brutale, un acte d'impérialisme. L'agneau absorberait tout bonnement le lion au lieu de se faire dévorer par lui. Le vrai problème qui se pose est celui-ci : un lion peut-il reposer près de l'agneau et retenir sa royale férocité. Tel est le problème que l'Église a abordé ; tel est le miracle qu'elle a accompli." (Gallimard, coll. « Idées », pp. 141-149)

Un tel texte (vous trouverez l'original anglais ici) pose de multiples questions, nous en aborderons certaines à l'occasion.

Petits changements de rentrée de vacances : le site de M. Aliéné étant inactif depuis maintenant un an, je le supprime des liens, pour le remplacer par deux « autorités » assez dissemblables (non sans rapports d'ailleurs, sans pousser trop loin l'analogie, avec le texte de Chesterton - disons qu'on a affaire ici à Luc et à Jean...), Marcel Gauchet et Laurent James (attention, il y a deux adresses différentes). J'ai par ailleurs hésité à ajouter le site de Égalité et réconciliation, que je consulte quotidiennement, mais je préfère éviter - bien que je pense que mes lecteurs habituels ne m'imaginent pas inféodé à un parti politique, fût-il aussi hybride que cette association - de faire figurer ici un site - et un seul - à peu près exclusivement politique, au sens courant du terme. Le fait que j'y renvoie périodiquement me semble pour l'heure une reconnaissance de dette suffisante.

La phrase du jour, pour finir, trouvée dans un texte d'Alain de Benoist consacré à Jean Cau, où celui-ci explique : de Gaulle "m'a plu parce qu'il disait : quand vous avez des problèmes, montez vers les sommets." Alleluiah !


[1]
Chesterton écrit : though that is Calvinistic, autrement dit, et avec un esprit péjoratif : bien que ce soit un point là de vue calviniste.

[2]
Quelque temps après la publication de Orthodoxie (1909), la Grande Guerre allait, par les exemples conjoints de Wittgenstein et Russell, donner une illustration frappante de ces deux attitudes, guerrière et quaker. Le premier s'engagea dans l'armée, et lors d'une mission non seulement risqua sa vie mais sembla défier, provoquer la mort ; le second s'engagea dans le pacifisme et se retrouva en prison. En mettant de côté le goût de Russell pour les grandes phrases (et d'ailleurs, aussi, celui de Wittgenstein pour une certaine pose et un patriotisme teinté de masochisme et de décandentisme), on est je crois obligé de constater l'ambiguïté suivante : historiquement, Russell était loin d'avoir tort de s'opposer à ce grand holocauste de l'Europe que fut la Première Guerre mondiale. Mais, même s'il a indéniablement payé de sa personne, il lui manquera toujours ce qu'a fait Wittgenstein : à un instant t, prendre le risque de mourir.

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