dimanche 27 septembre 2009

Apologie de la race française, VI-2 : le réduit hexagonal.

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Apologie I.

Apologie II.

Apologie III.

Apologie IV-1.

Apologie IV-2.

Apologie IV-3.

Apologie V.

Apologie VI-1.


Cela fait des mois que j'ai l'intention de la retranscrire, voilà donc, pour continuer à assembler les morceaux du puzzle de notre belle nation, la conclusion - déjà citée en partie ici - du Voyage au centre du malaise français de Paul Yonnet (1993).

"C'est en France que le phénomène du néo-antiracisme a été le plus marqué, dans ses manifestations de masse, par ses effets politiques et administratifs. La France est la seule grande puissance où le mythe et l'utopie que nous avons décrits ont envahi l'appareil d'État et obtenu une telle influence dans les réseaux de pouvoir. Mais, tout d'abord, c'est qu'ils sont reliés, objectivement ou subjectivement (je pense notamment à la tentative de rapporter l'espèce de dissolution de la nationalité française proposée par l'antiracisme à un idéal républicain), aux grands soubresauts qui marquent l'histoire de France depuis 1789, et qui, de dons de la France au monde en dons de la France à l'humanité, ponctuent en la maquillant hyperboliquement d'un devoir d'universalisme la lente mais inexorable perte de puissance de ce pays. Si le néo-antiracisme est tellement puissant en France, pour aller rapidement à la synthèse, c'est en raison d'une accumulation unique de traits historiques. C'est en France qu'à la fin des années 1960 le soulèvement de la jeunesse étudiante autour d'idéaux et d'utopies révolutionnaires a déjà été - de tous les pays industrialisés - le plus explosif. D'autre part, comparée à la Grande-Bretagne, aux États-Unis, à l'Italie ou à l'Allemagne - qui avaient tous été dans un camp ou l'autre, mais le savaient -, la France était la seule à entretenir un roman de son passé durant la Seconde Guerre mondiale qui en gommait ou en travestissait pour le moins l'équivoque réalité. Un pays vainqueur mais vaincu, et libéré pour l'essentiel par l'action de puissances étrangères ; une France non belligérante après l'armistice et n'ayant pas commis le crime ultime de rentrer en guerre contre ses anciens alliés, mais collaboratrice ; les trois quarts des juifs résidant en France sauvés, mais l'organisation d'un antisémitisme d'État qui a conduit à livrer pour le pire le quatrième quart à l'ennemi, et à « aryaniser » l'économie ; une France résistante mais tardivement, sous la pression allemande (S.T.O.), à la fois hyperactive et hyperpassive, divisée entre vichystes, collaborationnistes, régionalistes, européanistes, attentistes, communistes, gaullistes, résistants armés, résistants opposés à l'action armée, anticommunistes collaborationnistes, anticommunistes résistants... : un régime de l'État français autoritaire, composant avec le nazisme, mais se distinguant d'un régime à proprement parler fasciste, et d'ailleurs objet de la critique et du mépris constants des fascistes français ; des Français encore traumatisés par la saignée de 1914-1918, qui rêvaient de paix et de confraternité rurale dans un univers proche de la guerre totale : tableau impitoyablement livré par l'enchaînement des circonstances, l'histoire du demi-siècle, la géopolitique, tableau moins reluisant que celui que propose le roman national épique appliqué à la période, qui constituait bel et bien, plus que la pesanteur de comportements économiques et la pratique politique de la Ve République, le talon d'Achille du pays au crépuscule de cette décennie 1960. L'enclenchement du processus [d'expansion du néo-antiracisme] et de sa force résultent du rapprochement de l'échec du mouvement de mai 1968 et de cette mémoire biaisée, exagérément avantageuse. Double dépérissement, donc, le premier entraînant le second : comme dans le règne végétal, le fruit touché contamine au contact d'un autre. Les révolutionnaires de mai 1968 ne cessaient de rechercher en quoi la France était « le maillon faible du capitalisme mondial ». C'est la faiblesse du roman national qui en faisait un maillon faible de la chaîne occidentale. De mai 1968 à l'antiracisme des années 1980, la France - « gardienne des beaux désordres », comme l'écrivait Jacques Chardonne - continue d'évoluer en crête en raison d'une configuration de traits spécifiques, qu'elle est la seule à additionner, et qui permet de comprendre l'inscription singulière de l'antiracisme dans ce pays.

On ne peut préjuger des itinéraires individuels, car on ne peut prévoir ni les circonstances ni les personnes. Les internationalistes antimilitaristes du début du siècle se sont du jour au lendemain rendus aux arguments de l'Union sacrée, en 1914. Peut-être verra-t-on les anciens leaders de S.O.S Racisme tomber au champ d'honneur patriotique (en l'espèce, aussi, un champ d'humour) pour bouter quelque envahisseur étranger hors du sol natal.


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On en a vu d'autres. Si l'on ne peut pas plus dessiner l'avenir collectif, nous pouvons en revanche avancer qu'il ne s'élaborera pas hors du cadre suivant.

Premièrement, il n'y a plus aujourd'hui de roman national français. Le droit-de-l'hommisme à vocation universaliste y est d'autant moins substituable que la France est réputée avoir presque constamment manqué au respect des grands principes. Les perspectives d'intégration des nouveaux Français en sont concurremment affaiblies. D'autant plus que le grand couple adverse du marxisme et de la catholicité, qui offrait des pentes identificatoires subsumant les buts endogènes des groupes particuliers et déliaient des soudures d'origine, ce grand couple qui ménageait des voies pluralistes d'accès à la nationalité française - une nationalité réelle et non pas seulement de forme juridique - est à présent dans l'incapacité, de fait ou de volonté, de jouer ce rôle par le moyen de ses appareils et de ses structures. Au surplus, une France qui a autodétruit son roman national entre dans une Europe qui n'est pas près d'en avoir un, autonome. Mémoire en berne, panne d'idéaux, désert d'espérances collectives : terrain propice au développement de laxités micro ou médio-identitaires cherchant à devenir grandes. [Les idées sont là, mais quel charabia par moments...]

Deuxièmement, le roman national - devenu difficile, stigmatisé par le nouvel ordre moral - se reconstitue sur un terrain apparemment non politique, celui de l'identité culturelle. La culture exprime l'identité française là où la politique menée lorsque la France était une grande puissance ne peut plus opérer, n'a plus de faculté d'expression. Moins il y aura de Nation, plus il y aura de recours à l'Identité française, une identité-mode de vie, ethnographique, sacralisée en même temps que muséographiée. Il faut s'attendre à des décompensations identitaires du type de celle qui a été enregistrée à propos de l'orthographe [la célèbre querelle sur la réforme de l'orthographe lors de la Guerre du Golfe]. Les Français défendront le reblochon au lait cru et l'andouillette odorante, face à la machine administrative et parlementaire de l'Europe, dont les hygiénistes de toute obédience ne manqueront pas de se servir pour dissoudre un peu plus les solidarités culturelles de base et, par là-même, la sociabilité des groupes élémentaires, comme ils ont défendu l'Empire. Pour finalement tout lâcher d'un coup, mais en entonnant une vibrante Marseillaise célébrant la grandeur de cet abandon : il suffit de trouver le personnage.


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J'y reviendrai : peut-être fallait-il, ou faut-il, trouver plutôt plusieurs « personnages ». Quoi qu'il en soit, ce paragraphe est tout à fait remarquable.

Il est probable que l'entrée en vigueur de l'accord de Maastricht, si elle a lieu - la campagne du référendum français débutait alors que cet ouvrage était pour l'essentiel terminé -, ou, de toute façon, la poursuite de l'unification européenne, accentuera cette dichotomie entre Nation politique et Identité-mode de vie. Plus les États-nations délégueront de prérogatives politiques à l'échelon européen, plus ils abandonneront de leur souveraineté propre, et plus le concept d'identité prendra d'importance. On notera d'ailleurs, ce qui ne saurait surprendre, l'acharnement mis par les défenseurs du traité de Maastricht, qui - symptomatiquement - élude la notion de nation pour mieux promouvoir et organiser un pouvoir des régions, à souligner que les transferts de souveraineté n'entameraient en rien l'identité française. D'ores et déjà, l'identité a remplacé la nation dans le discours politique des partisans d'une Europe supranationale. Il n'est que de se référer à l'un de ses plus ardents défenseurs, Valéry Giscard d'Estaing, aussi porté à vouloir accélérer la constitution des États-Unis d'Europe qu'il est inquiet du destin de l'identité française... J'invite à méditer sur une contradiction croissante : celle qui voit, tant à droite qu'à gauche, les responsables prendre ou approuver des mesures de « dénationalisation » et de levées des frontières de l'Hexagone, tout en attirant l'attention des opinions sur les risques d'invasion étrangère - quand ils n'appellent pas, purement et simplement, à la mobilisation de celles-ci derrière des slogans de moins en moins applicables dans le cadre hexagonal. Nous sommes entrés, en un mot, dans une période où ce n'est plus l'existence de la Nation politique qui excite l'agressivité de groupe - sous des formes qui allaient du patriotisme de défense à l'ambition impériale -, mais où, au contraire, c'est la disqualification, la déplétion et l'impossibilité de la nation politique qui font le lit des identitarismes (nationaux, ethniques [sexuels] ou de communauté). Encore que la xénophobie soit un phénomène en soi tout à fait indépendant de l'idée de nation, l'histoire moderne est marquée par l'apparition de formes politiques et idéologiques particulières, développées en relation avec l'exacerbation des sentiments nationaux ; nous avions, pourrait-on dire en somme, la xénophobie et le racisme car nous avions la Nation : craignons d'avoir la xénophobie - des xénophobies de tout calibre et de toutes origines - et le racisme, car nous n'aurons plus la Nation (donc : si nous ne l'avons plus et à mesure que nous ne l'aurons plus). Si tant est que l'identité, c'est ce qui reste quand on a « oublié » la nation, craignons d'assister à la cristallisation des attitudes qui répondront à la désorganisation et au démantèlement de l'ancien système.


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Troisièmement, l'antiracisme veut dissoudre la France dans le monde et, sans attendre, faire du réduit hexagonal le laboratoire chimérique d'une nouvelle Cybère panethnique. Cette utopie longtemps cautionnée par les pouvoirs publics, voire un par « État de droit » favorable, heurte de plein fouet les deux traditions de l'assimilation française : l'individualiste républicaine et la communautariste autoritaire."

Voyage au centre du malaise français, pp. 304-309. Je n'ai pas reproduit la suite, en l'occurrence le dernier paragraphe du livre. Sur la tradition « communautariste », pas de contre-sens : il s'agit me semble-t-il d'une allusion aux « familles » marxiste et catholique évoquée dans cette longue citation, il ne s'agit pas, en tout cas, des communautarismes actuels.

Ceci posé, quelques commentaires.

"Le roman national se reconstitue sur un terrain apparemment non politique, celui de l'identité culturelle. La culture exprime l'identité française là où la politique menée lorsque la France était une grande puissance ne peut plus opérer, n'a plus de faculté d'expression. Moins il y aura de Nation, plus il y aura de recours à l'Identité française, une identité-mode de vie, ethnographique, sacralisée en même temps que muséographiée." J'avais abordé cette phrase importante sur la Nation et l'Identité sous l'angle des relations entre les Français, leur passé, leur présent, leur avenir : la retrouver dans son contexte invite à faire le lien avec la situation politique française. Démêlons les fils.

Patriotisme, nationalisme, chauvinisme... on peut utiliser des termes connotés plus ou moins négativement, on ne sortira pas je crois de ces vérités :

- il faut un minimum de cohésion entre les membres d'une communauté, et dans ce minimum est inclus une part d'auto-promotion, d'autosatisfaction, de gloriole ;

- libre à chacun, au sein de cette communauté (et à l'extérieur de cette communauté, mais ce n'est pas notre sujet), de détester, mépriser, critiquer cette part d'autosatisfaction. On remarquera au passage que ces critiques peuvent aussi bien signifier une volonté d'amener la communauté à s'améliorer - en la poussant à être plus conforme aux idéaux qu'elle proclame - qu'un souhait plus ou moins conscient de la dissoudre - en établissant qu'elle n'a jamais été et ne sera jamais capable d'être à la hauteur de ses idéaux ;

- quoi qu'il en soit de ce deuxième point, qui mérite certes plus d'une digression, la part d'autosatisfaction devient, ou devrait devenir, non seulement critiquable, mais presque complètement ridicule et absurde quand elle n'a pas, ou plus, ou presque plus de rapports avec la réalité politique dans laquelle baigne la communauté en question.

Le problème, pour ce qui nous concerne, est donc moins de savoir si la France est un beau pays, si elle doit rougir ou se glorifier de son histoire, si les Français sont sympathiques, racistes, travailleurs, alcooliques, râleurs grincheux ou contestataires lucides et anticonformistes, trop ou pas assez sportifs, bons baiseurs ou gros branleurs ; il n'est même pas de savoir s'ils sont définitivement américanisés, manoeuvrés par les réseaux sionistes ou bientôt complètement arabisés-africanisés-islamisés (ces possibilités ne s'excluant d'ailleurs mutuellement pas). Le problème, c'est que toutes ces questions, futiles ou intéressantes, ne sont que trop rarement intégrées à la perspective d'ensemble qui pourtant les impose à notre attention : cette perspective n'est pas celle du déclin français, qui est, justement, une question identitaire, cette perspective est celle du pouvoir politique effectif de la France dans le monde d'aujourd'hui. Que ces deux questions ne soient pas sans rapport est évident, mais cela ne signifie pas qu'elles se confondent, et cela n'empêche pas l'une d'avoir préséance aussi bien principielle que chronologique sur l'autre. Reformulons donc ainsi la phrase de Paul Yonnet : ce n'est pas parce que la France a des problèmes identitaires qu'elle fonctionne moins bien et pèse d'un poids moins significatif dans l'évolution globale du monde, c'est parce que son poids dans l'évolution globale du monde diminue que les questions qu'elle se pose sur son identité prennent une telle acuité.

(Une digression : la France est loin d'être le seul pays dont « le poids dans l'évolution globale du monde diminue », c'est le cas de la plupart des nations majeures, Russie incluse. Je ne peux aborder cette question aujourd'hui, mais il faut garder en tête que nous sommes loin ici de nous situer dans une « exception française ».)

Encore une fois, il ne s'agit pas de nier certaines évolutions ou certaines réalités désagréables. Mais si l'on n'a pas conscience de cette préséance - que l'on retrouve d'ailleurs après 1870 et dans l'entre-deux-guerres, de même que, mais à l'inverse, dans les années 60, où les immigrés n'avaient pas disparu du pays mais gênaient moins que dans les périodes précédentes - du politique sur le culturel et « l'identitaire », non seulement on se trompe, mais on risque fort d'accélérer ou de contribuer à accélérer ces évolutions que l'on juge négatives.


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L'acharnement de l'homme politique moderne contre la France. Allégorie de Lang (Fritz, pas Jack), 1956.

- à suivre, démonstration et exemples à l'appui...

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