jeudi 29 octobre 2009

"La décadence est notre avenir."

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J'apprends un peu par hasard le décès de Pierre Chaunu. Je me souviens du grincheux, régulièrement invité par B. Pivot, qui ne manifestait pas une folle passion (ou qui manifestait une passion follement haineuse) pour la Révolution Française. Je lis qu'il vaut mieux oublier ses positions sur la pilule et l'avortement, et se souvenir de ses qualités d'historien braudélien - en plus le pauvre était triste de n'avoir pas connu sa maman, ça doit expliquer (comment ?) des choses.

Sans entrer, au moins pour l'heure, dans des débats sur la contraception et la légalisation de l'avortement, j'aimerais que l'on m'explique comment on peut être aussi bon historien et démographe, ce que tout le monde semble-t-il reconnaît à Pierre Chaunu, et aussi inepte dès que l'on s'exprime sur des sujets tellement importants, pour la démographie, que la pilule et la loi Weil, pour l'histoire, que la Révolution française.

Quoi qu'il en soit, ayant lu le très stimulant Histoire et décadence (Perrin, 1981) il y a quelques mois - je le gardais sous le coude en attendant d'avoir lu d'autres livres du même Chaunu, et, plus généralement, d'avoir un peu approfondi une connaissance de la démographie dont le livre de P. Yonnet, Le recul de la mort, m'a révélé la grande importance -, je vous livre cet intéressant passage, intéressant en lui-même et par ce qu'il révèle de ce que l'on pouvait déjà prévoir il y a presque trente ans (le début de la citation fait allusion au politiques de planning familial, qui, à l'Est comme à l'Ouest, aboutissent à la chute de la natalité en-dessous du seuil fatidique pour le renouvellement des générations de 2,1 enfants par femme) :

"La décision catastrophique d'engager pouvoir, argent, investissement, pour obtenir en trente ans une forme de transition démographique que l'expérience, la connaissance et la raison conseillaient de déployer au moins sur un siècle [P. Chaunu ne nie pas qu'avec l'allongement de la durée de la vie une baisse de la natalité était souhaitable] découle de la transgression d'une règle qui me semble commander notre survie, dans ce doublement dangereux de tant de caps difficiles. Cette règle est celle du respect maximal de l'acquis dans le cadre politique : ne rien détruire de ce qui a été édifié à partir des matériaux de l'Histoire. Cela implique de maintenir, partout, ce qu'il subsiste de famille nucléaire [c'est un point sur lequel P. Chaunu était peut-être trop inquiet], et il ne serait pas absurde, partout où c'est encore possible, de restaurer ce qui reste d'échelon familial polynucléaire - il est connu que les pays socialistes survivent grâce aux babas, les grands-mères, entendez grâce à une forme, qui nous paraît peut-être à tort archaïque, de famille souche (stern family disent les Anglo-Saxons). Il convient donc d'assurer le maintien des communautés, partant, des États-nations qui les coiffent. Il faut avoir la sagesse de refuser toute construction supranationale, pourtant nécessaire, qui ne repose pas sur la simple confédération lentement et prudemment négociée, par compromis, entre nations totalement et intégralement respectées. La transgression de cette règle nous a coûté trop cher pour que le danger ne soit pas, il est vrai sans succès, dénoncé.

Le collapsus démographique aura fait apparaître - on pourra le mesurer dans la décennie 1990-2000 - un phénomène que j'ai proposé d'appeler la décadence objective. Vous en connaissez la règle : remplacer le chiffre de la population par la somme cumulée des espérances de vie de tous les membres du corps social. La population en espérance de vie de l'ensemble du monde industriel décroît depuis 1972-1973.

Il faudrait ajouter à ce chiffre brut un coefficient pour la quantité d'information disponible et effectivement transmise, un coefficient de viscosité qui permettrait d'apprécier la transmission de l'acquis du sommet vers la base de la pyramide des âges.

Depuis 1965, en Amérique, 1970, en Europe occidentale, la détérioration des systèmes éducatifs est telle que l'on peut affirmer que la décrue que l'on observe sur le volume des espérances de vie est plus rapide encore sur la pyramide de la reprogrammation du savoir. L'acquis ne passe plus. Le vieillissement s'accompagne d'une viscosité qui empêche l'écoulement de l'acquis. (...)

Tout bien cumulé, c'est sans doute par un large amenuisement de l'héritage culturel que s'est soldée à l'échelle planétaire (...) la décennie 1971-1980." (pp. 328-29 ; je me suis permis de corriger par endroits, à fins de clarté, la ponctuation.)


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Une société de vieux qui ne transmet pas son savoir, et qui insulte ses rares jeunes - car les jeunes sont rares, c'est une des raisons pour lesquelles nous, et pas seulement Frédéric Mitterrand, faisons porter tant de choses sur leurs frêles épaules - Paul Yonnet écrit de belles choses sur ce sujet -, et qui se lamente que les jeunes ne recueillent pas ce ou ces savoirs, n'est-ce pas une bonne description de la France ou des États-Unis ? Le « jeunisme » est une malédiction aussi pour les jeunes, tout parent le sait, à défaut de l'admettre. Il est vrai que les vieux ont aussi beaucoup à porter sur leurs épaules flageolantes.


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N'est-ce pas un problème d'équilibre général ? Ne vaudrait-il pas la peine, non pas comme notre ministre de jsaispasquoi, parce qu'on en a « envie » - quels grands enfants, ces sarkozystes, tellement fiers de leurs envies ! - "papa, j'ai envie de lancer un débat sur l'identité nationale !" -, mais parce que cela clarifierait certaines choses, de mettre en rapport la natalité française, la place des femmes dans la société, et l'immigration ? Au lieu que de séparer tous les problèmes au nom de valeurs peut-être respectables, mais sans que cela contribue nécessairement au bien commun. Je reviendrai sur ces questions d'identité nationale qui sont au centre de mes préoccupations actuelles, mais que cela soit dit : si on en parle, on ne peut le faire sans évoquer la place des femmes sur le « marché du travail », c'est-à-dire sur le marché de l'esclavage salarié. Ceci écrit sans préjuger d'aucune « solution ».


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dimanche 25 octobre 2009

Sagesse populaire.

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Je découvre ceci dans la biographie Charles Maurras. La destinée et l'oeuvre par Pierre Boutang (Plon, 1984, p. 79) - il s'agit d'une citation de Maurras lui-même, présentant la réédition de 1912 de Anthinéa (première édition 1901) :

"L'inscription de ces dates (...) ne saurait avoir pour objet de revendiquer dans l'ordre de l'intelligence un droit de propriété qui n'existe pas. Les biens spirituels sont indivisibles et communs à l'esprit humain. Seraient-ils divisibles, il ne faut pas en faire plus de cas que des autres : Notre Père, disaient autrefois nos pêcheurs de Provence, donnez-nous du poisson assez pour en manger, en donner, en vendre et nous en laisser dérober."

Ailleurs (p. 71), Maurras, racontant comment il a réussi, après être devenu sourd aux environs de sa quinzième année et avoir connu une tragique période d'isolement, à rétablir de vrais contacts avec les autres, évoque "la conscience et la liberté du va-et-vient de ces réciprocités qui sont le tout de notre vie".

Est-ce cette période pendant laquelle il a très durement éprouvé ce que cela peut signifier d'être seul, qui lui a fait prendre conscience de l'inanité de l'individualisme, de l'impossibilité d'un Je sans autres ? A lire Boutang, il n'y a pas de réponse univoque à cette question, mais les liens entre une expérience personnelle forte et une théorie politique holiste nous donnent, dans ces quelques lignes, un dense ramassé éthique et philosophique :

- l'éthique de l'auteur, dans laquelle il me semble qu'un blogueur ne peut que se reconnaître : ce que j'écris est à tout le monde ;

- une philosophie de l'esprit, peut-être : on saisit les pensées dans le monde - ce que j'appelle l'axe Frege/Voyer. Y inclure Maurras lui-même est sinon excessif du moins prématuré, mais la façon dont il formule ici les choses n'a rien d'incompatible avec une telle théorie ;

- une réjouissante mise en relation d'une pratique intellectuelle - l'auteur face à son oeuvre - et de la sagesse populaire ;

- une sagesse populaire d'ailleurs aussi maussienne que l'éloge par Maurras des réciprocités - dans les deux cas on repense à cette merveilleuse phrase de Bernanos, que j'avais déjà placée sous des auspices maussiens : "Entre nous, il n'est qu'échange, Dieu seul donne, lui seul." ;

- une sagesse populaire une nouvelle fois fort inspirée, autant par cette conscience de la répartition des taches : Dieu donne, nous échangeons, que par cette lucidité sur la loi : il faut la loi, il faut les limites à la loi, il faut le dépassement, ou plutôt peut-être le contournement de la loi. On retrouve la sentence de Bataille, souvent citée ici : "Il faut le système, et il faut l'excès."

Vive nous !


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jeudi 22 octobre 2009

Vincent, François, Paul et les Juifs.

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Il y a plusieurs façons d'être philosémite, plusieurs façons d'être antisémite - plusieurs façons d'être, comme moi, les deux. Mais laissons la parole à un spécialiste :

"Je m'échappais de ces misères en m'enfermant chez moi nuit et jour avec mes documents juifs. J'en faisais un nouveau numéro spécial, Les Juifs et la France. Je plongeais voluptueusement dans l'histoire immémoriale de leurs tribulations. Je voyais mieux encore combien leur puissance chez nous était insolite et neuve. Ces soixante ou quatre-vingt années laisseraient dans le long cours des siècles de la vie française la trace d'une surprenante erreur. Pour l'expliquer un peu plus tard, pour la rendre croyable, il faudrait remonter longuement et difficilement aux causes enchevêtrées qui déterminèrent une pareille obnubilation de nos esprits, l'assouplissement d'un instinct aussi vif de notre sang.

Je quittais mes papiers et mes livres. Je repartais à travers Paris. J'y retrouvais étalés partout les signes les plus imprudents de la souveraineté juive. Les Juifs savouraient tous les délices, chair, vengeance, orgueil, pouvoir. Ils couchaient avec nos plus belles filles.


Emmanuelle+Seigner+and+Roman+Polanski


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Ils accrochaient chez eux les plus beaux tableaux de nos plus grands peintres. Ils se prélassaient dans nos plus beaux châteaux. Ils étaient mignottés, encensés, caressés. Le moindre petit seigneur de leur tribu avait dix plumitifs dans sa cour pour faire chanter ses louanges. Ils tenaient dans leurs mains nos banques, les titres de nos bourgeois, les terres et les bêtes de nos paysans. Ils agitaient à leur gré, par la presse et leurs films, les cervelles de notre peuple. Leurs journaux étaient toujours les plus lus, il n'y avait pas un cinéma qui ne leur appartînt pas. Ils possédaient leurs ministres au faîte de l'État. Du haut en bas du régime, dans toutes les entreprises, à tous les carrefours de la vie française, dans l'économique, dans le politique, dans le spirituel, ils avaient un émissaire de leur race posté, prêt à retenir la dîme, à imiter les vetos et les ordres d'Israël.


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L'Église elle-même leur offrait son alliance et leur prêtait ses armes. Ils avaient toute liberté de couvrir leurs ennemis de boue et d'ordures, d'accumuler sur eux les plus mortels soupçons.


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Bientôt, ils auraient le pouvoir de le[s] bâillonner. Pour un mot qui écorcherait les oreilles, ils feraient pourchasser, juger, emprisonner, ruiner le téméraire chrétien qui l'aurait prononcé.

Mais devant les feux et l'or clinquant du Paris juif, je pensais avec une tranquille certitude à l'exode éternel et inévitable. En remontant les Champs-Élysées où ils se vautraient dans les beaux bras de leurs esclaves chrétiennes, je repassais dans ma tête toute la suite des édits implacables qui jalonnaient pour les Juifs l'histoire de France. Je voyais de Philippe le Bel à Louis XVI se dérouler ce long cours de siècles féconds où mon pays ne cessait de grandir, où il était le plus puissant du monde et où il vivait sans Juifs, où le Juif loqueteux, égaré d'aventure sur les terres du royaume, versait à l'entrée des ponts de péage la même obole que pour un cochon.

Les Juifs venaient d'atteindre la plus grande puissance qu'ils eussent jamais rêvée, au bout de cent cinquante années ensanglantées par les guerres et les révolutions les plus obscures et les plus meurtrières, déshonorées par les chimères les plus folles et les plus funestes, les formes de tyrannies les plus féroces, que le monde eût connues depuis toujours. Le Juif, antique pillard de morts, ne pouvait conquérir sa plus grande fortune que dans les temps où s'amoncelaient de tels charniers humains. Il ne pouvait prétendre au rang de prince et de chef que dans une époque où les têtes perdues d'illusion oubliaient toute réalité.


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Il avait fallu le dogme insane de l'égalité des hommes pour qu'il pût à nouveau se faufiler parmi nous en déchirant ses passeports d'infamie, pour que ce parasite, ce vagabond fraudeur pût s'arroger tous les droits de notre peuple laborieux, attaché depuis des millénaires à notre sol. Le Juif était l'universel profiteur de notre démocratie. Mais elle apparaissait semblable à lui-même, comme lui verbeuse, retorse, crasseuse, sournoise, se berçant de mirages, affectionnant l'artifice, inégalable dans le faux et l'escroquerie, incapable dans la construction, nourrie des mêmes livres et des mêmes mythes que lui, révérant de Marx à Blum tous les maîtres de la nouvelle Cabbale, poursuivant comme lui le vieil espoir de l'anarchie qui referait le genre humain.


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Le seul régime qui eût pu porter le Juif si haut était bâti sur le sable et le mensonge, comme toutes les oeuvres d'Israël. En s'identifiant à lui chaque jour davantage, le Juif hâtait sa pourriture. Ensemble ils s'effondreraient. La vermine n'est jamais plus prospère que sur l'arbre qu'elle a sucé jusqu'aux racines et qui va mourir. Mais quand l'arbre meurt la vermine crève avec lui.


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La démocratie agonisait. Le temps ne tarderait plus où les Rothschild reprendraient la besace.

Je ne voulais plus connaître de question juive. Elle n'existait pas. Ou bien, telle qu'on nous la posait, c'était la plus belle ruse des Juifs, le débat installé avec sa chicane morale à la place de la loi qui eût si vite tranché. Il n'y avait qu'un problème chrétien. Cinq cent mille Juifs poltrons, perdus parmi quarante millions de Français ne pouvaient être forts que de la bêtise ou de la vénalité des chrétiens. Le statut juif ne relevait pas de l'éthique, mais de la simple police.


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Il n'était ni normal ni salubre pour un chrétien de se confiner dans l'étude d'une race inférieure et exotique, de vivre indéfiniment dans son intimité. La plupart des antisémites finissaient par tomber dans l'hyperbole juive. Il n'y avait plus d'entreprise, si démesurée fût-elle, dont ils ne jugeassent la juiverie capable. L'antisémitisme fourmillait de maniaques, d'hallucinés qui voyaient mille Juifs pour un seul. Ils annonçaient avec des yeux hagards l'invincibilité de ce minuscule peuple de pleutres et de déjetés, tremblant de tous leurs membres au seul aspect d'un fusil,


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vingt millions à peine d'Hébreux disséminés sur quatre continents, dont plus de la moitié croupissant dans leurs ghettos.

Quelle farce plaisante que cet empire des Juifs au regard de grandes époques de la France ! J'imaginais le rire de Rabelais et de Louis XIV sur de tels propos. Ce qui était burlesque alors n'avait pu devenir concevable que par notre ramollissement. Nous retombions en enfance. Nous avions devant le hibou juif des épouvantes et des superstitions de vieilles femmes.

Sous le Juif le plus policé, le plus francisé d'aspect, je reconnaissais l'Hébreu vaticinant.


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A se voir vêtu de si beaux draps anglais, écrasant les indigènes de son faste, crachant conjugalement son sperme juif dans les plus nobles ventres du blason français, académicien comme Racine et La Fontaine, ministre à Paris et à Londres, baron ici et lord là-bas, protégé par les polices et les lois des trois plus grands empires du monde, choyé par les loges, les Parlements et les Églises, arbitre souverain de la Bourse, de Stock Exchange et de Wall Street, le fils des tribus entrait en délire. Tout le fiel amassé dans les vieux ghettos lui remontait à la tête. Il ne voulait plus tolérer les limites à sa revanche et à son pouvoir. Il lui fallait tout asservir. Mais il suffisait d'un bâton brandi par un chrétien pour que le César de Jérusalem déguerpît à toutes jambes.

Les Juifs n'avaient rien acquis que par le vol et la corruption. Plus ils étendaient leur pouvoir et plus la pourriture gagnait avec eux. Il leur fallait démolir toutes nos vieilles fondations et mettre leur boue et leurs déchets à la place pour élever leur édifice. L'effondrement d'un pareil monument était certain. Leur impuissance à quelque gouvernement que ce fût le disait assez.


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Les Juifs parviendraient-ils à acheter le monde entier - c'était là leur unique moyen de conquête - ils seraient le lendemain plongés dans un chaos où glapiraient ces sous-hommes, bientôt emportés et déchiquetés par d'indicibles tempêtes. Je ne pouvais croire à cette apocalypse. Israël, sur notre continent même, avait déjà été trop bien mis en échec.

Pour nous, Français, hélas ! la question restait entière. Saurions-nous chasser à temps ces architectes et ces maçons de catastrophe, ou dégringolerions-nous en même temps que leur Babel ?

Quel thème métaphysique pour un chrétien ayant la foi que cette éternelle défaite châtiant à travers tous les âges cette race qui avait tué Dieu ! Mais en l'an 39, de telles idées ne venaient plus qu'à des mécréants. Les catholiques pieux étaient en plein pilpoul. Nos théologiens s'affublaient du taleth par-dessus la chasuble. Si les Juifs cherchaient à tout démolir, c'était pour obéir à leur vocation providentielle. Israël était un corpus mysticum, une Église infidèle, répudié comme Église, mais toujours attendu de l'Époux. Israël avait pour tâche « l'activation terrestre de la masse du monde ». Il l'empêchait de dormir tant qu'il n'y avait pas Dieu, il stimulait le mouvement de l'histoire. « Ecce vere Israelita, in quo dolus non est ». Le Seigneur Jésus lui-même a rendu témoignage au véritable Israël. Les Juifs avaient l'amour de la vérité à en mourir, la volonté de la vérité pure, absolue, inaccessible, car elle est Celui même dont le nom est ineffable. La diaspora était la correspondance terrestre et meurtrie de la catholicité de l'Église.

Les judéolâtres allaient chercher leurs références chez cet être de boue et de bave, Léon Bloy, fameuse plume, certes, l'un des plus prodigieux pamphlétaires au poivre rouge de nos lettres, mais véritable Juif d'adoption par la geinte, l'impudeur, l'effronterie, la distillation de la haine et de la crasse : « L'histoire des Juifs barre l'histoire du genre humain comme une digue barre un fleuve pour en élever le niveau. »


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« L'antisémitisme, disaient-ils, n'était qu'une sorte d'acte manqué collectif, ou de succédané d'une obscure et inconsciente passion d'anticléricalisme. Car on avait beau faire, le peuple d'Israël restait le peuple prêtre. Le mauvais Juif était une sorte de mauvais prêtre. Dieu ne voulait pas qu'on y touchât à lui non plus ». Le véritable israélite portait, en vertu d'une promesse indestructible, la livrée du Messie. Si le monde haïssait les Juifs, c'est qu'il sentait bien qu'ils seraient toujours surnaturellement étrangers.

Ces gens dégoisaient inlassablement leur patois de séminaire et de cuistrerie. Ils faisaient entrer les Juifs baptisés dans le plein convivium de la cité chrétienne. Ils « temporalisaient le problème judaïque constitutionnellement », et par « des enchevêtrements juridictionnels ».

Langue de chiens bâtards, hideuse défécation d'une bouillie philosopharde ! Ces barbares et et fétides cagots n'étaient plus justifiables que d'arguments frappants.

La seule besogne utile était de rendre notre peuple à cette délectable certitude : il suffirait toujours d'un caporal et de quatre hommes pour mener aux galères quand il nous plairait nos cinq cent mille Juifs gémissants et tremblants.


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Etc...


Nous verrions de nos yeux une nouvelle démolition du Temple, et il ne se relèverait pas de sitôt de ses décombres. Le grave était que les Juifs avaient décidé de commettre à sa garde tous les hommes et tous les caporaux de France, de les faire étriper pour sauver ses trésors, et qu'il se trouvait dans notre pays même des chrétiens de vieille race pour applaudir à ce dessein." (Les décombres, 1942, I, 5.)







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Il paraît maintenant qu'il n'était pas juif... Dommage, j'aimais bien cette idée qu'un des pères de nos lettres, au sourire si ironique et sage, le fût. Que de bruit, que d'agitation !


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Lui non plus, semble-t-il... Mais où sont passés les bons Juifs ? Existent-ils ?


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Eh oui, cette ignoble face à la Alexandre Adler, véritable cliché antisémite à elle toute seule, est celle d'un des cinéastes les plus délicats, inventifs et même français de l'histoire... Mais vous ne le reconnaissez peut-être pas tous.


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Allez, lui pourra nous servir de point de départ pour notre recherche des juifs perdus...



Pourquoi une telle citation, qui plus est aussi longue ? D'abord pour que l'on puisse juger sur pièces : lorsqu'on s'offusque de manifestations contemporaines d'antisémitisme (avec ou sans guillemets), il est bon de voir exactement ce qu'a pu être à une époque l'antisémitisme (sans guillemets !). Ce pourquoi d'ailleurs j'ai renoncé à pratiquer certaines coupures dans des passages moins importants ou réussis que d'autres : il n'y a rien de plus énervant que de lire des extraits de Bagatelles pour un massacre pleins de « (...) », ou toutes les sentences antijuives réunies par Muray dans Le XIXe siècle à travers les âges sans pouvoir juger du contexte exact. Au moins le texte que j'ai retranscrit forme-t-il un tout.

Un tout que vous jugerez vous-mêmes : le moins que l'on puisse dire dans ce texte dense est que l'on y trouve à boire et à manger. Et je sais bien qu'avec cette retranscription je peux aussi bien faire jouir des antisémites que de donner du grain à moudre à ceux qui voient dans la France le plus antisémite des pays. C'est ainsi, et je ne me lancerai pas dans une analyse ligne à ligne de ce qui précède - possibilité dont l'évocation même peut choquer certains puisqu'elle sous-entend qu'il peut y avoir du vrai dans le discours de Rebatet. Du reste, mon commentaire, qui porte sur quelques points précis mais capitaux, suffira j'espère à m'éviter les interprétations les plus désobligeantes.

Les phrases à mes yeux les plus intéressantes sont celles-ci :

"Je ne voulais plus connaître de question juive. Elle n'existait pas. Ou bien, telle qu'on nous la posait, c'était la plus belle ruse des Juifs, le débat installé avec sa chicane morale à la place de la loi qui eût si vite tranché. Il n'y avait qu'un problème chrétien. Cinq cent mille Juifs poltrons, perdus parmi quarante millions de Français ne pouvaient être forts que de la bêtise ou de la vénalité des chrétiens. Le statut juif ne relevait pas de l'éthique, mais de la simple police.

Il n'était ni normal ni salubre pour un chrétien de se confiner dans l'étude d'une race inférieure et exotique, de vivre indéfiniment dans son intimité. La plupart des antisémites finissaient par tomber dans l'hyperbole juive. Il n'y avait plus d'entreprise, si démesurée fût-elle, dont ils ne jugeassent la juiverie capable. L'antisémitisme fourmillait de maniaques, d'hallucinés qui voyaient mille Juifs pour un seul. Ils annonçaient avec des yeux hagards l'invincibilité de ce minuscule peuple..."

Dit rapidement : finalement, les Juifs, dont je viens d'étudier si fiévreusement - « voluptueusement » - l'histoire, ce n'est rien, ou si peu de chose. C'est même une ruse de leur part de faire croire qu'ils sont grand chose. Mais comme tout le monde les croit, ils sont tout de même puissants. Incroyablement puissants, même. D'ailleurs, ils tiennent tout, la presse, le cinéma...

Il y a ici la conjonction d'une évidence mathématique, que l'époque de rédaction des Décombres et les années qui suivirent allaient amplement confirmer : les Juifs étant une faible minorité des populations allemande et française (restons-en là), si la majorité décide de les supprimer, elle n'y aura pas grand mal ; d'une évidence mathématique et d'un paradoxe logique : dans le système de Rebatet, l'impuissance des Juifs est le signe même de leur puissance (et, espère-t-il, leur puissance actuelle la préfiguration de leur impuissance à venir). La « question juive » se formule alors ainsi : d'où peut venir la puissance de ces impuissants ?

Si la seule façon pratique de résoudre ce problème, de sortir ce cercle dont Rebatet ne cache guère qu'il le rend un peu fou est - fut - une opération de « simple police », la seule issue d'un point de vue logique est de reporter la responsabilité de la situation sur les Français eux-mêmes. J'ai lu pour l'heure environ un tiers des Décombres : beaucoup des meilleurs passages, parfois même hilarants, sont consacrés à la décadence de la IIIe République, l'état de vieillissement du pays, les discours creux et pompeux, etc. J'imagine que le récit de la débâcle sera l'occasion d'autres belles envolées. Autant dire que cet aspect de mise en accusation des Français est loin d'être oublié par l'auteur.

Cela ne lui suffit pourtant pas. D'abord parce qu'il déteste tout de même plus les Juifs que les Français. Ensuite parce qu'il a aussi de sérieux problèmes avec le christianisme et les chrétiens - au point de vouloir substituer d'une certaine manière à la « question juive » le « problème chrétien » -, et que cela, nous allons le voir, complique sérieusement la question.


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C'est ici que le fait qu'il s'attaque au chrétien Léon Bloy devient important. J'avais dans un premier temps pensé seulement à retranscrire le paragraphe qui lui est consacré, comme je l'ai fait de celui sur Bernanos et Mauriac : Les décombres fourmillent d'intéressants jugements sur les hommes, qu'il n'est pas inutile de faire connaître. Je me suis vite aperçu qu'il fallait vous donner tout cet ensemble à lire.

On juge encore parfois Bloy antisémite, quitte à distinguer selon les périodes (il l'aurait été à l'époque du Désespéré pour ensuite marquer ses distances). Qu'un antisémite « pur et dur » comme Rebatet l'accuse, au contraire, d'avoir esquissé une tradition de rapprochement entre l'Église catholique et les Juifs ne vaut certes pas preuve en soi que Bloy n'ait pas été antisémite, mais amène au moins à s'interroger. Mon but ici cependant, en comparant les approches de la « question juive » par Bloy et Rebatet, n'est pas tant de disculper Bloy en trouvant plus antisémite que lui (Bloy n'est pas antisémite) que de mieux comprendre ce que l'on peut entendre par « antisémite ».

Et mon fil d'Ariane sera une nouvelle fois le « théorème de Fassbinder » : "tout philosémite est un antisémite". Ce que signifie ce théorème est simple : si vous commencez à attribuer des qualités particulières aux Juifs, avec les meilleures intentions du monde - ils sont intelligents, entreprenants, cultivés, etc. -, vous êtes déjà dans une mécanique différenciatrice qui d'une part est analogue à celle des antisémites, d'autre part fournit à ceux-ci des armes : à l'intelligence ils substitueront la ruse, à l'esprit d'entreprise la cupidité, à la culture le goût de l'artifice, etc.


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Notons d'emblée que ce raisonnement n'est pas psychologique, mais logique. Ce théorème ne dit pas que le philosémite a en fait des sentiments mêlés ou de mauvaises intentions déguisées : cela peut être le cas, mais ce n'est pas une nécessité - et il est évident qu'il existe des gens qui aiment à fréquenter les Juifs, sans arrière-pensées. Que, en sens inverse, l'antisémite aime ses Juifs, soit fasciné par eux, est un lieu commun, est à ce titre plus ou moins vrai, mais relève du domaine de la psychologie. D'un point de vue logique, le théorème de Fassbinder n'admet pas tout à fait de réciproque, pour la simple raison que l'antisémite est plus fort que le philosémite, dans la théorie : il trouvera aux Juifs des défauts plus difficiles à transformer en qualités (ne serait-ce que dans la mesure où le misanthrope semble toujours avoir raison contre le philanthrope) ; et dans la pratique : il aura plus d'enthousiasme à descendre dans la rue casser du Juif que le philosémite à aider ceux qu'il dit aimer (tous raisonnements transposables à d'autres catégories de population).

Fassbinder plaidait-il pour une indifférenciation globale ? Je ne le pense pas, je crois qu'il se contentait de rappeler à ceux qui lui reprochaient sa vision de juifs dans certains films ou pièces de théâtre qu'en cette matière ce n'est pas toujours l'antisémite supposé qui jette la première pierre, mais il est évidemment, en toute logique, possible d'interpréter ainsi sa phrase et de développer une théorie du « tous pareils ».


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Que cela soit écrit aussi clairement que possible : ce n'est pas ma position. Qu'il s'agisse des Juifs, des Arabes, des Américains, des Français, des homosexuels, des catholiques, des alcooliques anonymes protestants à tendance sioniste, des ministres de la culture pédérastes collabos degauche, des fascistes autrichiens invertis ou des secrétaires d'État à la défense noires, lesbiennes et goûtant fort la cyprine ashkénaze, etc., je rejoins sans sourciller le sens commun, et admets qu'un échantillon significatif des individus appartenant à ces catégories présente à divers degrés certaines caractéristiques particulières (positives, négatives, souvent les deux, c'est ça Fassbinder), que l'on ne retrouvera pas ailleurs dans les mêmes proportions (formulation qui évite les excès du genre : "Tous les Italiens sont des coureurs de jupons", "Toutes les Anglaises sont des gros thons"). Et bien que cette façon de décrire certains groupes humains puisse être critique et le soit même souvent, elle n'implique pas en elle-même une réelle hiérarchisation de ces groupes. Je me permets ici d'avoir de nouveau recours à ma terminologie propre et de vous rappeler ce que j'ai nommé le « principe de Kierkegaard » : "Un seul élément ne peut jamais être le fondement d'une hiérarchie." Dire que les Français sont paresseux, les Slaves alcooliques, les Américains incultes, les Japonais serviles, ou que sais-je, cela veut dire que les Français sont plus paresseux que les autres, les Slaves plus alcooliques, etc. : à chaque fois un seul critère est un jeu, qui peut certes être lié à d'autres (encore faut-il se méfier : le travailleur français est un des plus productifs au monde), et cela n'implique pas en soi - quitte à ce que dans l'usage quotidien on s'y trompe - un jugement d'ensemble sur le groupe humain en question. On pourrait d'ailleurs se demander si le succès de la notion de race à l'époque de Rebatet ne venait pas de ce qu'elle pouvait sembler fonder un ordre hiérarchique en opérant une synthèse de ces caractères réels ou supposés des groupes humains : c'était un tour de passe-passe logique, mais qui eut son efficacité.

Quoi qu'il en soit, il n'y a ici - ou il ne devrait y avoir - aucun privilège particulier en ce qui concerne les Juifs - en mettant un peu de polémique, on pourrait faire remarquer que ce sont parfois les mêmes qui critiquent les Français, « beaufs », alcooliques, sales, et bien sûr racistes, et qui glapissent comme de vieilles pucelles en rut à la moindre généralisation à l'égard des Juifs.

Cette évidence étant énoncée, il faut aussitôt la dénoncer - il y a en réalité bien un privilège juif, et cela fait quelques années (plus de 5000... bagatelle, dirait l'autre !) maintenant qu'il est connu : les Juifs sont le peuple élu. Je serais même tenté de dire que c'est ce qui les définit le mieux : être juif, c'est avant tout être différent des autres (ce qui, pour le coup, pourrait nous ramener à un ordre hiérarchique, mais passons). On arguera que la prétention d'une tribu orientale à l'élection n'est pas la preuve qu'elle est élue et a pu être fort commune chez ses voisines, je demanderai alors que l'on m'en cite une qui perdure encore (oui, je sais, Koestler, Shlomo Sand, la fausse continuité du peuple juif, tout ça... c'est passionnant, mais de notre point de vue ça ne change à peu près rien), et qui de plus ait fini par donner naissance - dans la douleur - à une des grandes religions de l'histoire de l'humanité (le christianisme, qu'il n'y ait pas d'ambiguïté), avec tout ce que celle-ci a pu changer au cours de l'histoire universelle. Que l'on m'en cite une encore dont l'histoire au fil des siècles - et singulièrement depuis la modernité, ce que Rebatet ne manque pas de noter - ait été si mouvementée et si intéressante ? Ceci sans même évoquer l'actualité... En d'autres termes, la « question juive » existe bel et bien - ce qui ne signifie pas qu'elle soit la plus importante au monde, ou que je vais passer ma propre vie à en parler. Il se peut d'ailleurs que le judaïsme ne soit pas éternel, qu'un jour, pour une raison ou pour une autre, il n'y ait plus de Juifs sur cette terre, je ne me place pas d'un point de vue religieux lorsque j'admets l'élection du peuple juif. Mais foutre, si ce jour-là arrive, cela voudra dire que l'histoire du monde aura incroyablement évolué...


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Je me montre ici parfaitement fassbindérien, en ce sens que cette reconnaissance d'une supériorité globale objective du peuple juif n'implique pas de ma part une amitié particulière, non plus qu'une antipathie systématique, à son égard, dans la mesure précisément où je n'ai pas non plus de sentiments unilatéraux ou d'a priori quant aux non-juifs, en l'occurrence ceux que D. Slezkine appelle les apolloniens. Tout est affaire de situations, d'équilibre, d'intensité [1] - et d'individus. En n'oubliant pas la relative importance qu'il peut y avoir à répondre à des gens qui cassent les couilles des Français, et parfois les mettent gravement en accusation, pour certains depuis plus de trente ans, qui de plus assimilent trop souvent et indûment judaïsme et sionisme (avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur notre politique extérieure), j'avoue qu'il y a un côté bien agréable pour moi dans cette position. Elle me permet en effet de critiquer plus vertement certains individus juifs que certains individus non-juifs, au nom de cette supériorité collective que je me crois forcé de reconnaître au peuple dont ils sont issus, supériorité dont eux-mêmes ne sont pas nécessairement très porteurs. C'est la rançon de la gloire ! A charge pour moi de ne pas abuser de ce confort théorique que j'ai fini, involontairement certes, par me donner moi-même, et d'en avoir conscience. Sachant bien qu'en explicitant ici ce dont j'ai peu à peu pris conscience je ne cherche pas tant à proclamer des opinions en elles-mêmes assez vagues (que l'on pourrait si l'on voulait résumer par un plat : « chez les mercuriens comme les apolloniens, il y a du bon et du mauvais, à boire et à manger... ») qu'à contribuer à ce que chacun voie mieux les préjugés et impensés éventuels de ses propres discours [2].

Revenons à Bloy et Rebatet. Bloy est un fassbindérien d'obédience stricte, si ce n'est plus royaliste que le roi - et que moi-même : dans Le salut par les Juifs (à propos duquel je ne peux faire mieux que de vous renvoyer à l'impeccable analyse de M. Limbes, dont je vais largement m'inspirer, en édulcorant ses aspects les plus métaphysiques [3]) comme dans les extraits récemment mis en ligne ici-même du Sang du Pauvre ("Les Juifs, Race aînée auprès de qui tous les peuples sont des enfants et qui ont eu, par conséquent, le pouvoir d'aller du côté du mal beaucoup plus loin que les autres hommes du côté du bien..."), il s'agit parfois d'aller jusqu'à dire que les qualités et les défauts des Juifs, si ces termes ne sont pas trop prosaïques quant à l'angle de vue adopté par Bloy, que ces qualités et ces défauts sont les mêmes, à chaque fois signe, positif ou négatif, d'élection. Il faut bien comprendre ici, et M. Limbes le rappelle fort à propos, que cette perspective bloyenne ne se peut comprendre si l'on n'admet pas que dans leur ensemble, au fil de leur histoire, et surtout depuis la modernité, les Juifs se sont avilis à mesure que le monde lui-même s'avilissait. Ce qui fut, si l'on ose dire, leur croix depuis des siècles, leur confinement dans le commerce et l'usure (entre autres, mais principalement), est devenu depuis la modernité, cette modernité que Bloy déteste, un facteur quasi luciférien : le rôle éminent qu'y jouent les Juifs est encore un signe de leur élection, un signe que leur mission ici n'est pas accomplie. Je me demandais l'autre jour après avoir retranscrit les extraits du Sang du Pauvre ce que Bloy aurait pu penser du sionisme actuel, d'Israël, tout ça : avec son génie particulièrement paradoxal il faut se méfier, mais peut-être aurait-il considéré l'aspect si déstructurant d'Israël dans les relations internationales actuelles comme un signe comparable à la participation des Rothschild et autres au commerce mondial, un degré de plus dans l'avilissement des Juifs vis-à-vis d'eux-mêmes, un degré de plus dans la participation des Juifs à l'avilissement global du monde, ce qui ne rendra que plus belle leur conversion finale (relisez ces extraits).

Deux points très importants pour comprendre la position de Bloy vis-à-vis des Juifs, et, par contrecoup, les problèmes conceptuels rencontrés par certains antisémites. D'une part il n'oublie jamais les racines juives du christianisme, les grands prophètes juifs. D'autre part il ne détache jamais ce qu'il peut lui arriver d'appeler une « abjection juive » de l'abjection du monde dans son ensemble, et du monde chrétien en particulier. Dans le monde du commerce notamment ce que font les Juifs n'est pas pire que ce que font les chrétiens, catholiques ou protestants qui les méprisent, alors même qu'ils se précipitent pour les rejoindre dans l'indignité : mais ils le font mieux - donc, si j'ose dire, pire - et le fait que maintenant tout le monde fasse comme eux (c'est le règne des mercuriens) est un signe sans équivoque d'abjection universelle.

On n'est évidemment obligé ni de partager les croyances religieuses de Bloy ni ses tendances apocalyptiques - j'aurais tendance quant à moi, vous l'aurez compris, et quitte à faire hurler à la trahison les bloyens, à adopter une vision « laïcisée », au moins provisoirement (car il faudrait bien sûr expliquer d'où vient cette élection du peuple juif ; disons qu'en Laplace prudent je dirais que Dieu est ici une hypothèse dont je n'ai pas encore eu besoin) de son point de vue. Il me semble en tout cas que l'on peut ne qu'admettre la cohérence de son système et de son regard sur les Juifs.


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On n'en dira pas autant des positions de Rebatet.

Si vous m'avez suivi jusqu'ici vous admettrez j'espère que ce n'est par provocation que je peux exprimer ma réelle affection pour Rebatet, tant sur de nombreux points il me ressemble (et ressemble à beaucoup d'autres, notamment parmi les blogueurs). J'espère revenir en long, en large et en travers sur ce sujet. Le fait est néanmoins qu'à propos des Juifs, et alors même qu'il peint une brillante caricature des antisémites « maniaques, hallucinés qui voyaient mille Juifs pour un seul... », il s'emmêle les pinceaux, ceci notamment parce qu'il applique Fassbinder sans le savoir : il voudrait à la fois que les Juifs ne soient rien et qu'ils soient tout, et même qu'ils ne soient tout que parce qu'ils ne sont rien. Or, encore une fois d'un point de vue logique, il n'y a pas trente-six solutions pour arriver de façon cohérente à un tel résultat : soit on fait du Bloy, et donc on estime que le salut viendra par les Juifs, soit on fait de l'anti-Bloy, on prend Bloy et on le renverse, et on estime tout simplement que les Juifs sont le Diable. Peut-être est-ce en dernière instance le point de vue d'un catholique antisémite comme Drumont, je ne sais pas, à chaque jour suffit sa peine, mais c'est en tout cas un point de vue religieux, où l'élection n'est que le signe d'une unilatérale malédiction divine. (C'est aussi un point de vue qui pose problème, Bloy le signalait assez, quant aux racines juives du christianisme). Rebatet, comme de nombreux antisémites laïques (et même, dans son cas, anti-chrétien), ne peut adopter un angle d'attaque de cette sorte, dont il accepte pourtant un préjugé d'importance, en ayant des Juifs une vision essentialiste : "Sous le Juif le plus policé, le plus francisé d'aspect, je reconnaissais l'Hébreu vaticinant..." (au contraire de Bloy qui nous l'avons vu prend acte de la rupture de la modernité à cet égard), et se retrouve finalement avec un Diable laïcisé, soit un objet conceptuel pour le moins embarrassant - et qui l'énerve grandement... Autant que je me souvienne, il y a de cela aussi chez Céline, mais celui-ci croyait vraiment au diable ("L’enfer n’est pas qu’un mot ! le diable existe quelque part !", proclame-t-il dès Semmelweis) : je ne suis pas certain que l'on puisse croire au Diable sans croire à Dieu, mais au moins cette croyance permet-elle à Céline de ne pas se poser les mêmes questions que Rebatet sur la puissance ou l'impuissance des Juifs : tout est négatif chez eux, c'est simple.


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Je discutais pendant l'affaire Madoff avec un très bon ami, antisémite proclamé, et lui demandais comment il pouvait se réjouir que l'ex-maître nageur juif ait arnaqué autant de ses correligionnaires, y voir une preuve supplémentaire de l'ignominie juive - « ils ne se respectent même pas entre eux » -, tout en me serinant à longueur d'année (encore récemment, avec le soutien de Finkie ou Kouchner à Polanski) que les Juifs passent leur temps à s'entraider sur le dos des goys. Il s'agit là je crois d'une certaine application de Fassbinder : mon ami comme d'autres antisémites en d'autres occasions ne peut que sentir que la solidarité juive (laquelle n'est pas un vain mot, comme pourrait essayer de le prétendre le fassbindérien indifférencialiste) est aussi une qualité : il la présente néanmoins comme un défaut (« ils profitent de nous »), mais pour aussitôt retrouver le fait, sauter sur le fait que c'est une qualité si d'aventure un juif manque à cette solidarité. N'entrons pas trop dans la psychologie mais retenons à titre provisoire ce résultat : certains antisémites se débattent en permanence avec le théorème de Fassbinder, et ils le sentent plus ou moins nettement (Le fassbindérien bloyen, croyant ou non, par exemple M. Defensa, émettra l'hypothèse que l'affaire Madoff est justement un élément de preuve de l'avilissement des juifs par le commerce même).


D'une certaine façon, ce texte n'a pas besoin d'une conclusion, ou ne peut en avoir : la conjonction d'un cas d'espèce (Rebatet), d'un angle d'analyse (le théorème de Fassbinder), et d'une prise de position globale et cohérente (celle de Bloy), elle-même analysable sous l'angle choisi, nous a permis de tester quelques hypothèses sur le fonctionnement de certains aspects de l'antisémitisme. Sans même rappeler qu'il faut continuer la lecture des Décombres et voir ce qu'il en résulte pour Rebatet comme pour notre cadre d'analyse, la suite est évidente : poursuivre l'archéologie de l'antisémitisme français (en l'occurrence : Toussenel, que j'ai laissé en chemin, Drumont, Céline...), en étudier les éventuels prolongements actuels, valider, ou non, à chaque fois, les outils d'analyse qui nous ont aujourd'hui paru utiles.

Et il y a évidemment plusieurs volumes à écrire - et/ou déjà écrits - sur le point de vue des Juifs sur eux-mêmes.


D'ici là bonne nuit !



WHITE CRUCIFIXION



















[1]
Le cas paradigmatique du philosémite-antisémite étant celui-même qui me mit sur la voie du théorème de Fassbinder, à savoir Pierre-André Taguieff, lequel « donne » beaucoup trop aux Juifs, qui dans leur ensemble n'en demandent pas tant, et peuvent se demander si représenter à eux tout seuls la démocratie, l'économie de marché, la culture, la liberté de penser, la psychanalyse, la science, etc. n'est pas un peu large pour leurs épaules.

A titre plus anecdotique, à une moindre échelle, et pour continuer le dialogue avec nos interlocuteurs habituels, on en dira autant de M. Maso lorsqu'il écrit, de Bernard-Henri Lévy, non sans provocation mais comme un éloge, qu'il "refuse de toute son aristocratie judaïque le triomphe de la meute, qui sait que cette meute est fondamentalement bête, faible, peureuse, et qu’elle sera vaincue par auto-destruction." L'« aristocratie » de BHL n'est guère que celle d'un fils à papa esclavagiste (le qualificatif s'applique au père et au fils), philosophe nul, cinéaste inepte, historien depuis longtemps disqualifié (par des juifs, d'ailleurs : Aron, Vidal-Naquet...) : la rapporter à sa judéité est peut-être, et encore n'en sait-on rien, vrai d'un point de vue psychologique, mais ne me semble pas sans effets « antisémites » pervers. A la limite, si on veut un vrai Juif aristocratique qui méprise la meute et dont l'oeuvre possède assez d'envergure pour justifier de la part de son auteur un tel mépris envers la foule, Marx ferait bien mieux l'affaire. Mais je sors du sujet...


[2]
J'avais par exemple pris graduellement conscience de ce qu'il pouvait y avoir, chez moi et chez d'autres, une forme de paternalisme dans le soutien aux Palestiniens contre Israël, avec un impensé du genre : ces pauvres cons d'Arabes se font toujours avoir par les Juifs. Avouons qu'il y eut suffisamment de bêtises dans les politiques des régimes arabes vis-à-vis d'Israël, de réussites dans les manoeuvres israéliennes, pour justifier en partie un tel jugement, cela n'empêche pas de prendre conscience de l'importance du présupposé, reflet plus ou moins lointain (et pervers, car il pouvait impliquer que dans l'affaire les Palestiniens seraient de toutes façons toujours perdants) de l'idée d'élection du peuple juif, qui aussi le motivait. Je reviens dans le paragraphe suivant sur certains rapports entre le sionisme et le thème de l'élection.

[3]
Aspects métaphysiques dont je ne pense pas mésestimer l'importance, mais qui ne me semblent pas, aujourd'hui, nécessaires à ma démonstration.

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mardi 20 octobre 2009

Vive la crise !

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"Notre vraie vie n'est pas ailleurs, elle est ici..."


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Un petit air ronchon tout de même... Mais si la vraie vie est ici, comment le lui reprocher sérieusement ?

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samedi 17 octobre 2009

Le travail, c'est la santé.

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Rien faire, c'est la conserver !

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vendredi 9 octobre 2009

Au bal des faux culs et des vrais enculeurs...

Ajout le soir.

Ajout le 11.10.


Ce que l'on appelle « l'affaire Mitterrand » - et qui est en train de permettre au neveu de se faire un nom, lui qui n'avait qu'un prénom (le contraire de Sacha Guitry par rapport à son père, acteur célèbre : "Mon nom était fait, je me suis fait un prénom", ça c'est de la filiation...) - me semble appeler quelques précisions, d'ordre ponctuel ou d'ordre plus général.

J'ai regardé la télévision hier soir, ce qui est en soi un événement révélateur, j'ai avec moi un exemplaire de La mauvaise vie, commençons donc par le plus simple : Frédéric Mitterrand ment comme un arracheur de glands lorsqu'il ne parle que de relations avec des adultes consentants, et noie grossièrement le poisson lorsqu'il évoque - drôle d'exemple ma foi - un "boxeur de quarante ans" pour dire qu'il sait faire la différence entre un adulte et un mineur. Dans les passages incriminés (p. 290 sq.) règne en fait un certain flou, sur lequel je reviendrai, quant à l'âge des garçons du bordel décrit et fréquenté par F.M., mais ce qui est sûr, c'est que celui qu'après la description générale l'auteur s'envoie, s'il est peut-être majeur au sens occidental, est foncièrement, c'est sa principale qualité, jeune.

Frédéric Mitterrand a fini son « explication » par une condamnation solennelle du tourisme sexuel. Or, ce qui est intéressant lorsqu'on lit un peu La mauvaise vie (désolé Frédéric, je n'ai pas tout lu, j'ai vraiment autre chose à faire), c'est, pourquoi ne pas croire l'auteur, le caractère mécanique, routinier, et parfois innocent de l'activité des employés du bordel. On arguera que c'est décrit ainsi pour se dédouaner, montrer que « ce n'est pas si terrible que ça » : il se peut, mais il se peut aussi que les gens qui vivent de ça fassent autant qu'il est possible la part des choses, et il est par ailleurs bien évident que les bordels thaïlandais ne sont pas organisés n'importe comment : au contraire, ils semblent très organisés, comme le sont souvent les activités douteuses, où l'on craint les « dérapages ».

Ceci pour dire deux choses :

- à lire dans leur intégralité les fameux passages qui font en ce moment parler tout le monde (j'essaie de trouver un peu de temps pour les retranscrire, mais ce n'est pas gagné), on est surpris de constater que l'on se trouve devant, que ce soit ce qui est décrit ou les sentiments de l'auteur, quelque chose d'humain, d'ambigu. Frédéric Mitterrand est excité, il ne s'en cache vraiment pas, il s'en vante même trop, mais il est aussi conscient de sa petitesse, et c'est la dimension qui manque aux citations trop rapides de son texte.

Après, il y a une évidente dimension de complaisance, que la citation d'un pédophile célèbre (Gide), "on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments", ne fait qu'exacerber. Comme le rappelait un jour Éric Rohmer, qui se vantait, lui, d'essayer de faire du bon cinéma avec de bons sentiments (et qui y parvient !), ce lieu commun n'est pas le mot de la fin et a trop souvent servi, comme dans le cas présent, d'excuse à la fascination morbide. Autrement dit, qu'il y ait une dimension humaine dans le récit de Frédéric Mitterrand, c'est indéniable, et il était assez intéressant de voir cette dimension disparaître, puis resurgir fugitivement avant de s'évanouir complètement lors de la condamnation du tourisme sexuel, au gré de cette confrontation entre ce qui est de l'humain, fût-il assez misérable, et l'idéologie de l'Empire du Bien télévisuel. Et dans le même temps, c'est perceptible aussi bien dans le livre de F. M. que dans certaines façons de le défendre, par exemple celle de Bertrand Delanoë (ils me font rire à brandir leur honneur « sali », comme s'ils avaient encore un honneur qui puisse être sali, comme s'ils ne salissaient pas eux-mêmes ce mot en l'employant à tort et à travers...), on a trop l'impression que F. M. joue le « faute avouée est à moitié pardonnée », voire même (mais là, il faudrait lire tout son livre) qu'il compte que ses fautes lui seront d'autant plus pardonnées qu'il les aura d'autant plus bruyamment avouées, pour ne pas être, à tout le moins, gêné.

- j'ai évoqué l'Empire du Bien, notion due à Philippe Muray, et c'est aussi à Muray que l'on pense lorsqu'on lit les descriptions de La mauvaise vie et que l'on entend parler à n'en plus finir de tourisme sexuel. Car le bordel décrit par Frédéric Mitterrand fonctionne comme n'importe quelle entreprise touristique (ce même s'il est précisé que la clientèle de celui-ci n'est occidentale que de façon minoritaire), et l'on rejoint là ce qu'avait bien vu Muray : le tourisme sexuel est un tourisme comme un autre, et c'est justement pour cela qu'il choque, car il montre la vérité du tourisme - la prédation -, c'est justement pour cela qu'on en fait un tel plat, pour cacher cette vérité du tourisme en général. Les aspects routiniers que j'ai évoqués sont ceux de n'importe quelle entreprise touristique : ici on prête son corps, dans d'autres cas on prête des lieux (Notre-Dame, j'y reviens toujours), en ne voulant pas prêter son âme (oui, c'est la prostituée de Vivre sa vie de Godard...), et en la perdant souvent, sans s'en rendre vraiment compte.

N'allons pas trop loin, au risque de changer de sujet, mais hier soir on arrivait à un stade, lorsque Frédéric Mitterrand (comme d'ailleurs B. Delanoë dans son blog) condamnait sans appel le tourisme sexuel qu'il décrit non sans finesse dans son livre, à un stade où il se servait du caractère repoussoir de ce concept, pour se dédouaner (ou essayer...) de la culpabilité qu'il avait par ailleurs revendiquée !


Coupable de quoi, me dira-t-on ? Si les garçons sont majeurs, est-ce que Frédéric Mitterrand n'est pas juste complexé et un peu homophobe à sa manière, sans parler de ceux qui le condamnent ? Que lui reproche-t-on, finalement ?

D'abord, d'être ministre, et peut-être plus encore, d'avoir été nommé ministre. Mais c'est un aspect que je laisserai aujourd'hui complètement de côté.

Ensuite, la question, autour de laquelle tout le monde tourne sans oser vraiment l'aborder est celle de l'âge du capitaine, en l'occurrence plutôt des matelots. Comme il est évident, tout de même, que de savoir si les garçons utilisés par F. M. sont ou non majeurs au sens occidental est secondaire, le problème est : jusqu'à quel point sont-ils jeunes ? En quoi peut-on parler d'homosexualité, éventuellement vénale, honteuse et quelque peu colonialiste, en quoi peut-on parler de pure et simple pédophilie ?

Frédéric Mitterrand a déclaré que "il ne faut pas confondre homosexualité et pédophilie, ou alors on serait revenu véritablement à l’âge de pierre." Laissons parler le dictionnaire (Robert 2006, soit quelque temps après l'âge de pierre) :

- homosexuel : "Personne qui éprouve une attirance sexuelle plus ou moins exclusive pour les individus de son propre sexe." => gay, homophile, pédéraste.

- pédophile : "Qui ressent une attirance sexuelle pour les enfants. Spécialt. Pédéraste."

Deux définitions différentes, donc, mais un « lien », si j'ose dire, commun, le pédéraste. Que voici :

"1. Homme qui a des relations sexuelles avec de jeunes garçons => pédophile.
2. Par ext. Homme qui a des relations sexuelles avec d'autres hommes. => homosexuel."

La boucle est bouclée, la vie est belle, et voilà mon propos, qui n'est d'ailleurs qu'une évidence, confirmée par le Robert, mais une évidence qui gêne : s'il n'est pas question de confondre un homosexuel qui a des relations charnelles (un commerce charnel, pour parler comme le dictionnaire) avec des adultes consentants, et un pédophile qui viole des enfants, garçons ou filles, ou qui les achète, il reste que, depuis Platon (au moins, mais c'est un bon repère, explicite), l'amour de la jeunesse est une des composantes de la définition de l'homosexualité. C'est ce que le concept de pédérastie exprime, et que celui d'homosexualité a tendance, tendance parfois volontaire comme dans le propos de Frédéric Mitterrand que je viens de citer, à dissimuler.

Et de ce point de vue, force est de constater, au vu des passages de La mauvaise vie que j'ai pu lire, que l'auteur n'est pas pressé de préciser l'âge même approximatif des garçons - le terme lui-même n'est pas innocent - avec qui il prend son plaisir, et que par la suite la pédophilie joue dans son système de défense le même rôle que le tourisme sexuel. La dénonciation du mal absolu sert d'alibi pour une conduite dont la proximité avec le mal en question est par ailleurs éludée dans ce que j'ai lu du livre. Je paie des garçons thaïlandais pour les baiser, mais je ne pratique pas le tourisme sexuel (et d'ailleurs je suis plein de culpabilité, si ce n'est pas une preuve d'innocence, ça). Je ne précise pas quel âge ont ces garçons mais si vous m'entraînez du côté de la pédophilie, c'est un retour à l'âge de pierre - ou l'effet, comme l'a déclaré F. M. hier soir, de vos propres « fantasmes ».

Plus généralement, il faudra bien faire un jour l'histoire du refoulé pédophile des homosexuels français des années d'après-68. Michel Schneider évoque une pétition retentissante des années 70 signée par des intellectuels en vue de l'époque (il ne donne pas les noms...) demandant la dépénalisation des rapports sexuels entre adultes et mineurs, et il suffit de parcourir des vieux numéros de Libération du début des années 80 pour constater que les petites annonces homosexuelles y étaient illustrées de manière au moins pédérastique. Que ce que l'on appelle la communauté homosexuelle soit revenue de ce que l'on peut sans moralisme judéo-chrétien qualifier d'excès est une bonne chose, que cela se fasse par une diabolisation de certains permettant à d'autres de se dédouaner à bon compte en est une autre. (Au passage, avec tous les pédés fachos, éventuellement « païens », fans de l'Afrique du Nord, qui traînent au FN et dans ses environs, il est aussi assez piquant de voir d'une part Marine Le Pen attaquer Frédéric Mitterrand sous cet angle, d'autre part les bons gros couillons de l'UMP à l'électorat « traditionnaliste » le soutenir. La vie est belle, je vous dis !)

Encore plus généralement, et après je m'arrête, ce « refoulé pédophile » remonte à loin : j'ai ainsi été surpris de découvrir récemment (P. Yonnet, Le testament de Céline, pp. 69-72) que les faits reprochés à Oscar Wilde lors de ce fameux procès que l'on nous cite toujours comme une odieuse attaque du puritanisme victorien contre l'artiste homosexuel anticonformiste, que les faits reprochés à Wilde étaient, je cite P. Yonnet, "pédérastiques, nous dirions aujourd'hui pédophiliques", ce qui nuance tout de même un peu le tableau d'ensemble. (Ajoutons, toujours selon la même source et sans nous poser en procureur, que Gide, qui devait à l'entremise de Wilde, quelques mois avant l'emprisonnement de celui-ci, une nuit d'amour mémorable avec un « jeune garçon » d'Alger, ne leva pas le petit doigt pour le soutenir. Une mécanique sur laquelle Proust écrit des pages brillantes.)

Bref, avec ses particularités propres - un ministre en exercice, un climat flou, entre tolérance de n'importe quoi et condamnations sans appel de n'importe quoi -, « l'affaire Mitterrand » s'inscrit dans une longue histoire. Histoire humaine, histoire dont le protagoniste principal ne suscite guère l'admiration, histoire surtout où l'on souhaiterait que les anathèmes sur certaines pratiques ne permettent pas à trop de personnes de se dédouaner trop aisément de leurs propres travers - passés, présents ou futurs.



Un peu de belle prose pour finir, qui prouve au passage que l'on n'a pas attendu les révélations de Jean-Luc Barré - et qui aggrave le cas de Lacouture, ses mensonges par omissions et ses falsifications - pour savoir à quoi s'en tenir sur les moeurs de François Mauriac. N'attachez pas trop d'importance au propos (fort contestable), ni à l'auteur (clairement d'extrême-droite), c'est le style qui justifie cette citation :

"Aucun cas ne semblait être d'une plus dramatique clarté, pour un esprit chrétien, que celui de l'Espagne. Pourtant nous avions vu des catholiques illustres et même intolérants comme Mauriac et Bernanos devenir les détracteurs les plus acharnés et les plus fielleux de Franco. Ces défenseurs bénits des fusilleurs de Christs et des dynamiteurs de moines étaient habiles à travestir leurs humeurs et leurs perversités intellectuelles en algèbres casuistiques. (...) On peut invoquer la demi-folie de Bernanos qui dans les pires circonstances demeure du reste digne du nom d'écrivain, avec ses livres embrouillés par les fumées de l'alcool, mais que trouent soudain des pages puissantes, furieuses ou noires. L'autre, l'homme à l'habit vert, le bourgeois riche, avec sa torve gueule de faux Gréco, ses décoctions de Paul Bourget macérées dans le foutre rance et l'eau bénite, ces oscillations entre l'eucharistie et le bordel à pédérastes qui forment l'unique drame de sa prose aussi bien que de sa conscience, est l'un des plus obscènes coquins qui aient poussé dans les fumiers chrétiens de notre époque. Il est étonnant que l'on n'ait même pas encore su lui intimer le silence." (L. Rebatet, Les décombres, I, 2).

C'est le paradoxe, ou le miracle Rebatet : à côté de ce qui est, dans le contexte (1942), une forme d'appel au meurtre, l'éthique de l'esthète qui lui fait reconnaître les mérites d'écrivain de Bernanos. Nous y reviendrons !




Ajout le soir même.

Quelques découvertes faites cet après-midi :

- Beau joueur, homme de devoir ou orgueilleux rusé, Mauriac dans l'après-guerre signa les pétitions de soutien à Rebatet afin qu'il ne soit pas guillotiné. J'ignore si l'intéressé lui en sut gré, mais le geste doit être souligné ;

- cherchant en vain dans Big Mother de M. Schneider (Odile Jacob, 2002 ; j'utilise l'édition de poche, 2005) les références à cette énigmatique pédo-pétition, je suis tombé sur ce passage, qui résume une part de ce que je peux penser de l'homosexualité - sachant bien que ce qui suit n'interdit pas les histoires d'amour bouleversantes -, la fin de la citation me semblant s'appliquer assez bien au « courage » que notre bien-aimé Président a cru bon de voir dans le livre de son ministre de la Culture :

"« La totalité et l'homosexualité vont ensemble. En disparaissant, le sujet nie tout ce qui n'est pas de même nature que lui. » [l'homosexualité comme refus, éventuellement « païen », de la finitude humaine...], écrivait Adorno, l'un des rares philosophes à avoir pensé ce point de retournement par lequel la différence exacerbée débouche sur l'unique modèle et où l'active quête de son semblable conduit à une totale passivité. L'amour de soi emporte toujours plus qu'une indifférence à autrui et sa dimension agressive ne saurait être méconnue. Qui a besoin d'affirmer sa vie sexuelle, tous les ans au printemps lors de la Gay Pride, à cor et à cris, sinon ceux qui l'inscrivent sous le signe du même, de la fierté d'être soi et de n'aimer que soi ou ceux qui sont comme soi ? La Gay Pride n'est en réalité qu'une Penis Pride, dont le sexe féminin est exclu. Dans ce cas, le narcissisme s'accompagne de la dénégation de toute perte, et vise une plénitude de soi que voudraient faire accroire les termes de Gay Pride. Deux dénégations en deux mots. Gai ? Existe-t-il des homosexuels qui ne vivent leur sexualité sans y reconnaître la trace plus ou moins profonde de la malédiction, de l'échec et souvent de la mort ? (...) Fierté ? S'agit-il dans ces parades d'un combat pour la liberté des choix sexuels ? Celle-ci est acquise aujourd'hui. Affiche-t-on la fierté d'individus jusqu'alors dominés ? Si l'on regardait les choses en face, si l'on admettait que la culture homosexuelle masculine n'est plus marginale dans la France contemporaine, mais au contraire souvent valorisée comme son centre le plus branché, le plus mode, et qu'elle est même, dans certains milieux, dominante et source de discriminations ? L'outing à cet égard n'est pas un accident ou un dérapage de la « fierté » propre à l'homosexualité, mais un trait constituant de son rapport à la castration. Dénoncée chez l'autre ou énoncée pour soi-même, l'homosexualité prend toujours le public à témoin de l'intime et du sexuel par une sorte d'exhibition de la honte." (pp. 204-205)

- exhibition de la honte, c'est tout à fait le programme de Frédéric Mitterrand... Après tout, il est assez logique qu'un grand exhibitionniste comme notre (tout) petit président se retrouve dans la démarche de son ministre : Carla ou un glabre Thaï, quelle différence tant qu'on peut les montrer, en parler, s'en rengorger ?

Ach, ras-le-bol de toute cette pédalerie, de toutes ces exhibitions, finissons-en avec la seule sensualité pédérastique qui vaille, celle qui, grâce à Beaumarchais, Da Ponte et Mozart (la vraie Europe, pas celle du TCE !), a créé le seul travelo bandant - et pour cause, c'est une femme qui désire les femmes comme un homme, le pied, Chérubin, à qui je laisse très volontiers le mot de la fin - et du début, comme pour tout désir qui se respecte...







Ajout le 11.10.

Me relisant quelques minutes après avoir découvert que FM s'était fait « inviter » par M. Drucker (ah, la moralité publique en France sarkozyste, quel bonheur, quel exemple !), je me trouve bien indulgent avec l'intéressé. Avec l'âge, je ramollis... Il faut dire que si Frédéric Mitterrand est soutenu par Alain Finkielkraut (malgré mon envie, je ne dis rien sur lui, sinon il va encore crier au lynchage... je me rattraperai (salope, buse, lâche, criminel par sympathie, ici comme ailleurs !) à l'occasion), je suis de mon côté soutenu par Didier Lestrade, un des fondateurs d'Act Up, pas vraiment ma crèmerie, mais qui, sur l'affaire qui nous occupe, écrit ceci :

"Il faut arrêter de raconter des histoires. L’affaire Mitterrand nous concerne, nous aussi, en tant que gays, car nous sommes nombreux à décider des destinations touristiques en fonction des possibilités de sexe commercial qu’elles offrent. Toutes les modes successives ayant bénéficié des faveurs du tourisme gay ont pour base le tourisme sexuel : Miami, Puerto Rico, Cuba, Brésil, Argentine, Asie, Afrique du Sud, Turquie, Liban, Egypte, - sans mentionner le Maghreb et l’Europe de l’Est. Est-ce qu'on peut parler ici de ce qui se passe au Maroc depuis 30 ans??? Que ceci ne soit dit dans aucun média gay n’est pas très à l’honneur de notre capacité à commenter cette affaire. S’insurger contre le traitement médiatique de l’affaire en montant en épingle l’outrage causé par une manifestation supplémentaire d’homophobie à l’égard de Frédéric Mitterrand, c’est un peu juste, non ?

Derrière cette affaire, il y a encore notre rapport au capitalisme, à la consommation, au traitement des autres ethnies. Et le tourisme sexuel, il faut vraiment insister sur ce point, ne concerne pas uniquement les mineurs. Je suis persuadé que Frédéric Mitterrand n’est pas pédophile, mais je me doute qu’il est comme beaucoup d’homosexuels de sa génération, et de ma génération : émerveillé par la beauté des hommes jeunes. Quand on fait du tourisme sexuel, on est forcément plus riche que le tapin du coin, qu’il soit à Sao Paulo, à Puerto Rico, ou en banlieue parisienne. On participe à la colère imposée par un système basé sur une suprématie sociale. Et ça, si on n’est pas capable d’en parler dans les médias gays, dans les associations gays, alors que cela a provoqué (et encore aujourd’hui) des débats et les commentaires interminables dans les médias généralistes et sur Internet, alors cela veut dire que la réflexion s’arrête aux portes de la communauté gay."

et plus loin :

"Nous les connaissons tous, ces homosexuels aisés et populaires, qui vivent leur vie sexuelle grâce à la prostitution. Ils sont agents de stars, ils sont dans la mode et la chanson, et ils sont dans l’art. Et quand ils parviennent à des postes de pouvoir, nous voyons en eux notre propre ascension dans le pouvoir. Forcément, le ministère de la culture et de l’information possède une place déterminante dans les rouages de la politique. Et la communauté gay soutient un ministre, non pas parce qu’elle est convaincue que le tourisme sexuel dont il est question n’a pas eu lieu. Mais surtout parce que réfléchir sur cette affaire est suicidaire pour ceux qui oseront lever la voix."

- bon, ce n'est pas très bien écrit sur la fin, mais c'est Act Up, hein... Blague à part, cela m'a rappelé une scène - à Nulle part ailleurs, avec Antoine de Caunes, ça date - qui m'avait fait perdre toute illusion quant au thème des « gentils pédés » : un homosexuel séropositif ami de de Caunes, sans doute célèbre, mais dont je serais incapable de citer le nom, avait solennellement demandé aux homos atteints du sida qui partaient à l'étranger d'arrêter de se croire tout permis et de commencer à utiliser des capotes aussi là-bas. Qu'il faille ainsi supplier des gars de ne pas répandre la mort autour d'eux - et, on y revient, qui plus est chez des jeunes -, cela en disait long sur la moralité de certains (D. Lestrade évoque aussi ce problème).

Voilà, c'est fini jusqu'au prochain ajout...

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