vendredi 11 décembre 2009

Rien de nouveau sous le soleil communautariste.

Au tout début de l'Affaire, la seule, la vraie, la « Dreyfus », le Grand Rabbin de Paris, Zadoc Kahn, rendit visite au célèbre et très puissant préfet Lépine et lui tint selon l'intéressé ce langage :

"Vous savez ce qui se passe, Monsieur le Préfet ? On veut envoyer au Conseil de guerre un des nôtres. Si vous avez quelque influence sur le gouvernement, c'est le cas de le montrer. (...) Si pareille chose arrivait, vous porteriez la responsabilité de ce que je vous annonce : le pays coupé en deux, tous les juifs debout, et la guerre déchaînée entre les deux camps..."

Ces propos ont été cités par Bernanos dans sa Grande peur des bien-pensants (que je n'ai jamais lue, mea maxima culpa), je les découvre repris dans une note (p. 680) du Maurras de Pierre Boutang. Lequel ajoute aussitôt (p. 171), et je souscris à son point de vue, que le comportement du Grand Rabbin n'est pas spécialement répréhensible, s'il est convaincu de l'innocence de Dreyfus et ne voit d'autre moyen de le sauver de la condamnation que ce type de lobbying.

Pour autant, ceci est tout de même intéressant à deux points de vue (tout cela si l'on fait confiance, comme le font Bernanos et Boutang, au récit du préfet Lépine) :

- la tactique communautariste déjà bien en place : vous emmerdez un des miens, je fous le bordel dans tout le pays ;

- relativement aux récits canoniques (et même plus récents : voir la dernière biographie hagiographique de Dreyfus chez Fayard) de l'Affaire et du pauvre soldat juif miraculeusement sauvé de l'antisémitisme de l'armée, de l'Église, et de presque toute la France, on ne peut que constater que si le Grand Rabbin d'une part est reçu chez un personnage aussi important que l'était alors le Préfet de la Seine, particulièrement celui-ci, d'autre part se permettait de le menacer, c'est bien qu'il avait un pouvoir réel et en était conscient - ce que la suite de l'Affaire allait démontrer, non certes sans le soutien de goys parfois peu suspects à la base de philosémitisme - notamment Clemenceau, qui selon Boutang (p. 173) se serait assez bien vu (sur le mode de la plaisanterie) fonder un journal antisémite avec Picquart, si la place n'avait pas déjà été prise par Drumont...

Qu'en conclure, en sus de ces remarques ? Pas grand-chose pour l'heure : mettons qu'il s'agit là d'une petite pierre ajoutée à l'édifice de la vacillation, si j'ose dire, du « roman national », pour s'exprimer comme Paul Yonnet : s'il serait naïf de s'étonner de que ce que la réalité soit moins manichéenne que le mythe, il est peut-être temps de mettre à plat quelques inexactitudes, contre-vérités et mensonges qui, par la fausse image qu'ils donnent du passé, polluent la juste appréciation du présent, pauvre présent.


- Par ailleurs, un peu dans la lignée du questionnaire de M. Cinéma, je me permets de vous conseiller la vision de ce western co-réalisé par Alfred Hitchcok et Jacques Demy, The last sunset - en « français », El Perdido - de Robert Aldrich : les scènes finales évoquent un mélange de Vertigo et de Peau d'âne, c'est assez intéressant,


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- où l'on voit qu'il n'y a pas que Polanski, j'y reviendrai, qui aime les fleurs à peine écloses.

Baisez bien, mes frères, baisez bien !

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