jeudi 24 juin 2010

La Palme d'or du texte le plus con de l'année.

mercredi 23 juin 2010

"Le désespoir est une forme supérieure de la critique." - Quelques réflexions sur le syndicalisme et l'association, II.

Première partie.



Quelque part dans son Maurras, Boutang s'en prend à Durkheim et son École. Ses reproches ne sont pas très clairs, mais ce qui est pour nous parfaitement clair, c'est que la volonté de retour aux corporations professionnelles exprimée par Maurras est partagée par Durkheim [c'est un des points communs entre le royaliste anti-dreyfusard et antisémite (j'y reviendrai !), et le juif dreyfusard et républicain, l'autre étant la haine de l'Allemagne (j'y reviendrai !)].

J'avais de mon côté, dans le temps, retrouvé par mes propres moyens la thèse du classique de R. Nisbet, La tradition sociologique, de la naissance de la sociologie comme interrogation sur ce qui fait tenir les sociétés, interrogation provoquée par la Révolution française et la dissolution des liens traditionnels : on se pose des questions sur ce qui a disparu, sur ce qui ne va plus de soi.

Troisième élément : je ne crois pas vous avoir déjà parlé de ce livre très intéressant de Philippe Chanial (édité par le MAUSS) : Justice, don et association. La délicate essence de la démocratie (2001), qui fait le point sur les théories et pratiques de l'association aux XIXe et XXe siècle. A la vérité, c'est un livre par certains côtés tellement intéressant et riche… que j'en ai suspendu la lecture, tant vous en livrer la synthèse me semblait difficile. Ce n'est que partie remise espérons-le, mais constatons en parcourant sa table et sa bibliographie que Maurras - certes antidémocrate et goûtant fort peu cette « délicate essence » - ne semble pas y figurer, alors qu'Auguste Comte, qui l'a influencé - de même qu'il a inspiré Durkheim -, est étudié.

Relions tous ces fils : la sociologie, l'association, le syndicalisme, font finalement partie de la même configuration. Je veux dire par là que nous avons affaire à des interrogations théoriques et pratiques sur ce qui permet (ou pourrait permettre), après la Révolution française, aux gens de vivre ensemble. Lorsque Raymond Aron, dans ses Étapes de la pensée sociologique (1967), étudie Comte, Tocqueville et Marx, il comprend bien que l'important n'est pas de partir de catégories comme « droite » et « gauche », mais de saisir les spécificités d'un mouvement intellectuel nouveau. Ceci pourrait sembler une vague généralité mais permet en réalité de découper différemment l'histoire intellectuelle des XIXe et XXe siècle : sans chercher à faire une révolution copernicienne, mais en nous libérant, au moins momentanément, de catégories comme gauche, droite, progrès, réaction qui, si elles ne sont pas inopérantes, obstruent le paysage et charrient avec elles trop de haines et de procès d'intention. Évitons par commodité le terme trop connoté de syndicalisme : l'association, la mise au point d'associations, la recherche sur ce que peuvent être désormais de nouvelles associations, tout cela relie aussi bien des figures politiques, de Malon à Maurras en passant par Jaurès et Sangnier, que des historiens-sociologues, de Proudhon à Maurras (bis), en passant par Maistre, Marx et Tocqueville.

Que, malgré ces apparences de catégorie fourre-tout, ce mouvement intellectuel ne recouvre pas toutes les directions possibles, cela se montre simplement par le rappel de l'existence de deux autres configurations de pensée, l'une postérieure à la Révolution, l'autre antérieure, et toujours présentes depuis lors. Je vous parlais récemment de l'anarchisme : il y a une anthropologie anarchiste, mais peut-on vraiment parler de sociologie anarchiste ? Certains évoqueront Proudhon, mais, à lire P. Chanial (pp. 176-184), on a le sentiment que l'homme et le théoricien se livrent dans son oeuvre des combats non toujours résolus : s'il serait trop systématique d'écrire que Proudhon est d'autant plus sociologue qu'il est moins anarchiste, et vice-versa, il semble bien qu'il ait du mal à mettre en ordre dans sa pensée ce qu'il croit être la nature humaine, ce qu'il souhaite qu'elle soit, ce qu'il constate d'elle au jour le jour. A charge de vérification, bien sûr, mais je crois d'ores et déjà pouvoir tenir pour acquis que, en restant sous l'angle d'attaque qui est le nôtre, on ne peut faire de Proudhon le pur et simple emblème d'une sociologie anarchiste.

L'autre configuration intellectuelle est bien sûr le libéralisme : nettement plus imposante quantitativement et variée qualitativement que l'anarchisme, il semble absurde de l'expédier en quelques lignes. On peut néanmoins soutenir que ce qui fait la spécificité de cet étonnant courant de pensée est l'individualisme méthodologique : on pense d'abord l'homme seul, et ce n'est que dans un deuxième temps que l'on essaie de voir comment peut se faire son association avec d'autres : association politique, économique, éventuellement culturelle… Notre Proudhon sera ici Tocqueville et ses ambiguïtés, Tocqueville qui a trop connu l'ancien monde holiste pour ne pas savoir la force de la coutume et des réciprocités, mais qui d'une part se méfie, avec raison, des nouveaux embrigadements en cours de maturation, d'autre part constate l'individualisme de ses contemporains et sent (un peu trop ? avec un rien de masochisme ?) que l'on ne peut revenir en arrière. J'ai relu il y a quelque temps le premier tome de la Démocratie : que d'hésitations d'une page à l'autre, d'une ligne à l'autre parfois, entre l'admiration et le dégoût, entre la clairvoyance prophétique et la résignation fataliste - et que d'hésitations du lecteur entre la reconnaissance la plus impressionnée et le dépit agacé...

Quoi qu'il en soit du cas particulier de Tocqueville (et de son disciple Aron, d'ailleurs), essayons d'être clair sur le libéralisme. Quels que soient ses charmes et ses avantages, qui lui ont permis de conquérir sa position, et qui pourraient nous faire écrire que nous sommes tous un peu libéraux…, nous tenons l'individualisme méthodologique, son fondement théorique, pour une pure et simple absurdité conceptuelle. L'homme seul, ça ne veut rien dire (au contraire de la solitude de l'homme dans le monde moderne, dont le libéralisme est justement grandement responsable…). Et nous pouvons soutenir cette fois l'idée que les sociologues libéraux sont d'autant plus sociologues qu'ils sont moins libéraux philosophiquement parlant. L'exemple extrême est sans doute celui de Hayek, dont j'avais découvert, non sans joie, que sa théorie individualiste du marché reposait en réalité sur une cosmologie tout à fait holiste. On peut le dire autrement : le libéralisme étant - à la différence de l'anarchisme - une pensée contradictoire, une pensée qui ne tient pas debout, il ne produira des choses intéressantes qu'à la condition de ne pas respecter intégralement - avec des contradictions plus ou moins fortes, plus ou moins gênantes, plus ou moins productives - ses propres principes.

Ce qui nous amène à préciser le sens du partage que nous essayons aujourd'hui de clarifier, par rapport à notre bonne vieille dichotomie holistes / individualistes. Ces deux découpages intellectuels sont très liés, mais ne se confondent pas, d'une part parce qu'ils n'opèrent pas sur le même domaine : j'inclue aujourd'hui des hommes politiques, des syndicalistes, à qui l'on ne peut demander la même rigueur doctrinale qu'à des théoriciens (pas facile d'écrire sans ça sans sourire…) ; d'autre part parce que le résultat : la prise en compte de la nécessité de l'association, d'associations multiples, est ici plus important que le point de départ conceptuel. En laissant de côté un auteur inclassable comme Max Weber, c'est ce qui permet de mettre des gens comme Proudhon, Tocqueville et Jaurès, par exemple, dans la même catégorie que Maistre, Durkheim, Maurras, Descombes… Disons que si l'on est holiste, on est nécessairement, par définition même, du côté de nos « associationistes », mais que l'on peut être « associationniste » sans être holiste, en partant même de présupposés individualistes.

Un bon exemple en sera le cas de Marx. Dumont a consacré la moitié de son Homo Aequalis (1977) à montrer les ambiguïtés de sa pensée, à préciser comment le penseur de la lutte des classes est toujours plus ou moins resté un rationaliste individualiste à la mode du XVIIIe. Je ne me souviens plus si Dumont fait le lien, mais il est clair que le plus ancien reproche que l'on a pu faire au marxisme, à savoir la confusion entre la théorisation d'un mouvement de l'histoire, qui mène fatalement à la Révolution par généralisation de la paupérisation (une hypothèse qui soit dit en passant n'est pas sans retrouver ces derniers temps quelque jeunesse…) et la proclamation de la nécessité d'actions politiques coordonnées pour faire plier la classe bourgeoise, il est clair que cette confusion peut se lire à l'aune de cette ambiguïté sur l'individualisme et le holisme. On sait comment Lénine résoudra cette question.

Le problème ceci dit, c'est que l'on peut aussi être rigoureusement holiste - associationniste, et buter sur le réel - les faits sont têtus, comme disait, justement, Vladimir Illitch. Je m'efforcerai donc, la prochaine fois, de préciser les limites que peut affronter cette configuration intellectuelle. Peut-être d'ailleurs dois-je préciser, comme conclusion temporaire, que les hypothèses émises aujourd'hui ne visent pas à délimiter de nouvelles manières un camp des bons et un camp des méchants, mais de mieux saisir pourquoi et comment, des auteurs que l'on oppose généralement, ou qui se sont opposés entre eux, ou que l'on ne pense pas d'ordinaire à rapprocher - Maurras et Durkheim, pour reprendre notre figure de départ -, peuvent tomber d'accord sur des points essentiels. Je suis ici guidé par une idée qui n'est pas franchement nouvelle, pas plus à mon petit comptoir que depuis, au moins, Auguste Comte : contribuer à faciliter le dialogue entre des familles de pensées non libérales, ou explicitement anti-libérales. Le paradoxe étant peut-être que mieux comprendre ce qui réunit ces familles amène finalement à douter de leur efficacité. La suite au prochain épisode !





La lucidité se tient dans mon froc…

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dimanche 20 juin 2010

"A 33 ans..."

"La culture adolescente, il y a encore cinquante ans, témoignait d'une extraordinaire gravité. A 33 ans, Malraux avait déjà écrit Les Conquérants, La Voie royale et La Condition humaine. A 27 ans, Camus avait rédigé L'Étranger, Noces, Caligula et Le Mythe de Sisyphe. Au même âge, aujourd'hui, les écrivains nous [font chier avec] leurs problèmes sentimentaux et affectifs."

L'exemple de Malraux est plus probant, étant donné certains aspects déjà ados de l'oeuvre de Camus, mais il est vrai que l'on a tendance à oublier, surtout pour le premier, qu'ils ont été jeunes un jour.

Cette remarque est issue d'une interview de Paul Yonnet. Dans la mesure où, depuis que j'ai découvert son Recul de la mort, je ne l'ai jamais présenté avec toute la clarté requise, dans la mesure où est il est bien possible que j'y revienne dans les semaines à venir, je vous renvoie à cette présentation synthétique, trop rapide sur certains points, c'est inévitable, mais claire.


Je profite de l'occasion pour remercier chaleureusement le maître d'avoir mis un lien vers cette cette mise en ligne, avec modifications, de mon texte antique sur Benjamin Constant. On trouve de ces choses, sur le Net...


Bon dimanche à tous, que saint Anelka, comédien et martyr, vous protège !

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vendredi 18 juin 2010

"On n'arrive pas autrement." - Quelques réflexions sur le syndicalisme et l'association, I.

Je reviendrai à Lucien pour une probable dernière salve des Décombres, mais dans le genre jeu de massacre, sous une forme plus modérée dans l'expression, voici de bonnes mises au point.

Un coup pour la droite, d'abord, et ses piailleries sur ces-salauds-d'ouvriers-matérialistes-qui-ne-pensent-qu'à-augmenter-leurs-salaires-et-à-nous-ruiner :

"C'est un fait que l'ouvrier ne peut guère ou ne sait guère économiser. Mais, puisqu'on lui prêche de s'arranger, c'est un autre fait, qu'il s'arrange en s'associant, en se coalisant avec les camarades. Son système d'arrangement est de demander par la coalition et la grève, les plus gros salaires possibles, soit en vue de l'épargne, soit pour d'autres objets. On n'a pas à lui demander lesquels : c'est son affaire, c'est sa guerre. Oui. Le cas de la guerre de classes naîtra ou renaîtra quand une classe parlera du devoir des autres au lieu d'examiner si elle fait le sien.

Au lieu de se figurer tout ouvrier paresseux, agité, dissipateur, ivrogne, qu'on se représente un ouvrier normal, ni trop laborieux, ni trop mou, levant le coude à l'occasion, mais non alcoolique, la main large, non pas percée ; qu'on l'imagine ayant à faire vivre une femme et des enfants : je demande si ce prolétaire ainsi fait peut admettre facilement que son avenir ne dépende que de la bonté d'un bon monsieur, même très bon, ou des largesses d'une compagnie qui peut du jour au lendemain le rayer de ses effectifs ? Si l'on ne laisse à cet ouvrier normal d'autres ressources que d'épargner sur de gros salaires instables, ne l'oblige-t-on pas dès lors, en conscience, au nom même de ses devoirs de père et d'époux, à se montrer, devant l'employeur, exigeant jusqu'à l'absurdité, jusqu'à la folie, jusqu'à la destruction de son industrie nourricière ? En ce cas, seule, l'exigence lui assure son lendemain.

Situation sans analogie dans l'histoire. Le serf avait sa glèbe et l'esclave son maître. Le prolétaire ne possède pas sa personne, n'étant pas assuré du moyen de l'alimenter. Il est sans « titre », sans « état ». Il est sauvage et vagabond. On peut souffrir de ce qu'il souffre. Mais plus que lui en souffre, la société elle-même. On comprend la question ouvrière quand on a bien vu qu'elle est là.


L'ouvrier, qui n'a que son travail et son salaire, doit naturellement appliquer son effort à gagner beaucoup en travaillant peu, sans scrupule d'épuiser l'industrie qui l'emploie. Pourquoi se soucierait-il de l'avenir des choses dans un monde qui ne se soucie pas de l'avenir des gens ?

Tout, dans sa destinée, le ramène au présent : il en tire ce que le présent peut donner. Qu'il le pressure, c'est possible. Il est le premier pressuré.

- Mais il n'en tue pas moins la poule aux oeufs d'or, ce qui n'en est pas moins d'un pur idiot.

- Admettons qu'il soit idiot, mon cher Monsieur. Et vous ? Vous le blâmez de compromettre son avenir : donc vous le priez d'y songer ; or, voulez-vous me dire sous quelle forme un prolétaire salarié peut concevoir son lendemain : si ce n'est pas sous forme de gros salaire toujours enflé, il faudra bien qu'il se le figure comme la conquête de ce que vous nommez votre bien, et de ce qu'il appelle « instrument de sa production ». Ces prétentions, peut-être folles, sont celles qui devraient naître du désespoir d'un être humain réduit à la triste fortune du simple salarié. Tout lui interdisait la prévoyance raisonnable : sa prévoyance est devenue déraisonnable.

Elle n'en a pas moins produit de magnifiques vertus de dévouement mutuel.

L'honneur syndical, l'union des classes sont des forces morales qu'il ne faut pas sous-estimer, bien qu'affreusement exploitées, maximées et envenimées par les politiciens démocrates."

Vous aurez deviné sans doute que ce n'est pas ici Karl M. qui s'exprime, mais Charles M., et aurez actualisé ces propos.

Un coup pour la gauche, maintenant (ou pour plusieurs gauches), à partir de la suppression des Corporations :

"C'était sur cette vieille base très réformable que subsistait le travail national, et quand déjà, sous la royauté, la bande des économistes et des roussiens [rousseauistes] l'ébranla, cette base, et voulut la rompre, le sentiment public, cabré, opposa des résistances telles qu'il fallut composer et céder du terrain. Les plaintes contre le corps de métier, ne venant pas de membres « opprimés » mais du dehors, surtout de politiciens théoriques et de brasseurs d'affaires, les vieilles entraves gênèrent surtout les ambitieux et les travailleurs, il fallut reculer. Le roi Louis XVI eut le bon sens de reculer : pas assez, mais un peu. La Révolution, elle ne recula pas. Elle fit le décret Le Chapelier.

Une pétition fut adressée à l'Assemblée Nationale par des milliers d'ouvriers de toutes les corporations. Le Chapelier la fit rejeter, et il fit décréter que les réunions d'ouvriers étaient inconstitutionnelles. Enfin, à la tribune, il proclama qu'il n'y avait plus que l'intérêt particulier de chaque individu et l'intérêt général du gouvernement.

C'est contre l'intérêt et la liberté des personnes, des personnes ouvrières et des personnes patronales, que le fameux décret a été pris : les résistances violentes qu'il rencontra le prouvent surabondamment.

L'histoire ouvrière du XIXe siècle n'est qu'une longue aspiration et une réaction ardente des personnes ouvrières, des volontés ouvrières, contre le régime d'isolement « individuel » imposé par la Révolution, maintenu par le bonapartisme et le libéralisme bourgeois successeur du jacobinisme non moins despote, qui était parvenu à imposer ses folles doctrines à la royauté de Juillet, mais qui fut vaincu (à moitié et de la mauvaise manière), sous le Second Empire, quand le droit de coalition enfin reconnu fut déchaîné au lieu d'être organisé.

La concentration syndicale répond à la concentration capitaliste, avec des armes similaires et la lutte en cesse d'être absolument inégale ; il va falloir ou bien compter avec la masse ouvrière organisée ou bien se résigner à tout interrompre, à paralyser l'industrie, la nation, la civilisation.

La dernière hypothèse est inacceptable. Il faut que l'oeuvre soit. Il faut que le monde moderne poursuive sa besogne propre, qui est d'aménager notre Terre.

- c'est un point sur lequel Maurras est résolument moderne - rappelez-vous Dumont : à partir de la modernité le rapport de l'homme au monde supplée les rapports des hommes entre eux. C'est dit très clairement ici, et c'est dit de manière laudative.

Il faut donc qu'un traité intervienne entre les principes en guerre et au profit de tous. Les rapports du travail et du capital doivent être réglés par des engagements réciproques qui leur permettent de se concéder des garanties équivalentes [des figures de la réciprocité, écrirait-on du côté du MAUSS] établissant de part et d'autre la vie, la force et la prospérité.

La guerre sociale a des partisans. Quels qu'ils soient, quoi qu'ils veuillent, ils ne peuvent vouloir que cette guerre soit éternelle.

- c'est un point sur lequel les maos notamment, et parmi eux A. Badiou (qui aime à citer cette phrase du Grand Timonier : "Les troubles sont une excellente chose"), ne s'embarrassent pas à ma connaissance d'un grand souci de clarté : quand la guerre sociale doit-elle finir ?

Et l'immensité des dommages dont les deux camps sont également menacés, le camp ouvrier plus que le camp patronal, à vrai dire, montrera clairement que les avantages de la guerre, de ses labeurs, de ses exercices et de ses épreuves, ne peuvent être conçus qu'à titre transitoire. C'est à la paix qu'il faut en venir de toute façon et, si l'on reconnaît que la paix sociale par le socialisme (ou mise en commun de tous les moyens de production) est une solution chimérique, d'une part, rudimentaire et barbare, de l'autre, on est ramené à la réalité syndicale, premier germe de l'organisation corporative, qui, d'elle-même, définit ou suggère un accord. Accord à la fois industriel et moral, fondé sur le genre du travail, inhérent à la personne du travailleur, et qui reconnaît à ceux qui n'ont point de propriété matérielle proprement dite une propriété morale : celle de leur profession, un droit : celui de leur groupe professionnel. C'est la seule idée qui puisse pacifier le travail en lui donnant une loi acceptable pour tous les intéressés. Mais la pacification et la législation du travail supposent un ordre politique. TANT QUE LES AMBITIEUX ET LES INTRIGANTS TROUVERONT DANS LES PERTURBATIONS SOCIALES LE MOYEN LÉGAL ET FACILE DE PÉNÉTRER DANS LES ASSEMBLÉES ET LES MINISTÈRES, LES LOIS MÊMES SERONT FORGÉES EN VUE DE PROVOQUER ET FACILITER CES PERTURBATIONS.

Ce régime-ci, c'est la prime aux agitateurs. Il organise, il règle très exactement leur carrière.

- un exemple ici, pour le fun. Saligauds !

Quiconque prêcha la grève et la désertion en est toujours récompensé par l'élection du peuple.

On n'arrive pas autrement. Il faut passer sur les bas grades de la perturbation et de l'anarchie pour devenir gardien de l'ordre.

- un autre exemple ici, ne faisons pas de jaloux. Enculés !

Le personnel du Gouvernement Républicain se recrute par la Révolution." (Mes idées politiques, pp. 265-271. J'ai respecté l'intégrité du premier extrait, et un peu arrangé le deuxième, ce qui en l'espèce est d'autant plus légitime qu'il s'agit déjà, de la part de Maurras, d'une juxtaposition de textes anciens.)

Les corporations, c'est le même remède que Durkheim... J'essaierai de tirer les conséquences de cette identité la prochaine fois.









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Encore plus loin dans le porno et l'obscénité... Un footballeur français : AMG ne recule devant rien !

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vendredi 11 juin 2010

Par amour de la France et de la vérité… (Decombriana, II.)

rebatet


Allez, une deuxième salve, quelques pages plus loin (tout près de la fin du livre) :

"Je vis depuis des années parmi des nationalistes qui ont multiplié les preuves de leur intelligence. Nous avons le droit de revendiquer très haut notre place à la tête des révolutionnaires. Nous avons les premiers redécouvert l'antisémitisme pour aller jusqu'au bout de ses conséquences. Nous avons été les premiers partisans de l'ordre neuf, et la canaille, qui pour une fois ne s'est point trompé, nous a suffisamment salués du nom de fascistes assassins. Nous avons vu s'écrouler sur nous de gigantesques montagnes d'insanités, nous avons dû traverser sans répit, les uns après les autres, des mascarets de sottises. Nous sommes toujours sur nos pieds, la tête claire, dans la bonne voie. Nos compas étaient bien réglés.

Nous avons fait les preuves de notre courage avant guerre et bien plus encore aujourd'hui. Nous avions tout loisir de rechercher et d'obtenir de paisibles sinécures, de reprendre nos métiers en tournant le dos aux affaires politiques, en arguant la tristesse et la confusion des temps. Par amour de la France et de la vérité [on se croirait chez Bernanos…], nous nous sommes dressés contre l'opinion funeste mais quasi unanime du pays. Les plus ignobles injures, les plus sauvages menaces se sont abattues sur nous. Nous sommes les traîtres à exécuter, inscrits sur les listes noires de dix bandes. Notre combat n'est pas fictif. Il a ses morts. Tandis que les militaires, les gaullistes, les journalistes enjuivés étalent leurs grotesques fanfaronnades, nous attestons que des Français sont encore capables de bravoure civique.

Plus je vois la nécessité pour mon pays d'une révolution fasciste, et plus je suis persuadé qu'elle ne peut s'accomplir sans nous, sans que nous prenions le pouvoir ou que nous y participions largement. Nous devons être le levier du fascisme. Tout nous y destine, et c'est un rôle admirable.

Mais nous avons à confesser nos fautes. Les meilleurs d'entre nous ont péché par dilettantisme. J'ai été, nous avons été des intellectuels fins connaisseurs en politique, comme nous le sommes en peinture, en poésie, en cinéma. La politique, apprise par trop d'entre nous à l'école maurrassienne, a été le déversoir de nos dons littéraires, philosophiques, qui eussent trouvé ailleurs un plus durable emploi. Il est très beau de fignoler la société future. Mais lorsqu'on en voit si bien le plan, pourquoi tant tarder à en dresser les murs ? La spéculation politique est superflue, dans des années où le monde se reconstruit à toute vitesse. On a tout annoncé, tout dessiné, mais pendant ce temps, ce sont d'autres hommes que nous qui refont l'histoire, ils la feront moins bien peut-être parce qu'ils ne nous valent pas, mais elle est, et c'est cela qui compte. La politique n'est pas un idéal de la pensée. C'est avant tout la nécessité de nettoyer et de remettre de l'ordre chez soi. Cet art est assez sommaire. Celui qui cherche la perfection n'a qu'à lui tourner le dos, à s'enfermer dans sa chambre et à écrire des poèmes.

- Mais les libertés de l'esprit dont nous sommes politiquement les défenseurs ?

Ne voit-on pas que la France, que l'Occident ont abusé de ces libertés, jusqu'à éreinter cet esprit, à le réduire en miettes ? Non, ne craignons rien. Pas d'amphigouris. Une cure de discipline et nécessaire. Il nous faut quelques bonnes grosses idées, solides et enfoncées comme des pieux. Le reste appartient à la littérature, où, pour ma part, je prise volontiers l'ésotérisme et la subtilité.

Les nationalistes français ont hérité de leurs maîtres et leurs aînés un goût singulier de la gratuité. Il semble que leur éternelle vocation soit de prodiguer des conseils aux sourds ou aux coquins qui peuvent le moins les entendre. Nous devrions pourtant être las d'exiger que l'on fasse rendre gorge à des voleurs dont le ventre va toujours s'arrondissant, d'imaginer des supplices chinois pour nos ennemis, de dresser des listes de criminels et de traîtres à abattre, et qui portent sur leurs épaules un chef plus arrogant que jamais, d'adresser nos suppliques à des passe-boules, à des bonzes en carton. Pour moi, j'en suis saturé. Je voudrais toucher un peu d'or au fond du bassinet, voir un peu moins d'encre et un peu [plus] de sang sur le couteau de la guillotine.

Les nationalistes sont une race curieusement suiveuse. Nous avons continuellement besoin devant nous d'un gouvernement pour lui faire supporter des espérances qu'il est par nature incapable de satisfaire, ou notre mauvaise humeur quand nous avons constaté, bien tard, que lui aussi ne valait rien.

On trouve trop souvent, parmi les nationalistes, un personnage regrettablement français de grincheux, qui trouve que tout va mal du fond de son fauteuil, dans une attitude prudhommesque.

On peut en entendre aussi, ce qui est un comble, s'exclamer : « Mais enfin ! que font les Allemands ? » Il faudrait que les Allemands, après nous avoir laissé la liberté politique, nous torchassent, mouchassent, pendissent nos trafiquants, bref se missent sur le dos tous nos soucis, besognes, querelles, nettoyages, comme s'ils étaient eux-mêmes parfaitement oisifs.

Rien de cela n'est sérieux, et c'est souvent coupable. Il est permis d'être critique littéraire sans faire de livre, parce que cette critique se meut dans les idées. Mais la politique n'est point seulement une activité de l'esprit. Le critique politique est tenu de faire triompher son système, puisqu'il le juge meilleur, puisqu'il parle d'administrer, de commander, de négocier, de produire, toutes choses des plus concrètes. C'est bien ainsi que l'entendent ses admirateurs, ses partisans. Il conviendrait que le politique de plume eût un peu le souci de se modeler sur l'image que se font de lui ces braves gens. Sinon, il s'ajoute à l'armée innombrable des marchands d'orviétans. Il dupe et paralyse ceux qui l'écoutent et attendent son signal comme il a été dupé lui-même naguère par les vieillards de son bord, les faux chefs qui n'ont jamais senti se lever le vent favorable à l'action.

Il s'est détaché de nos rangs un certain nombre d'arrivistes qui ont immédiatement composé avec l'ennemi, qui sont pour la plupart perdus sans retour. Mais les meilleurs des nationaux n'ont pas su être ambitieux. C'est une étrange contradiction. Rien ne marche à leur gré, ils possèdent, à les entendre, toutes les bonnes recettes, pour la politique intérieure, l'extérieure, les colonies, la juiverie, la police, le sport, la finance. Mais quand on leur demande : « Qui voyez-vous donc pour rétablir l'ordre ? », ils restent cois, nomment une ganache ou un trembleur. Ils ne savent pas dire « Nous », comme l'ont dit, depuis cent cinquante ans que la monarchie est abolie, tous les hommes qui ont les uns après les autres occupé le pouvoir, qui étaient le plus souvent de triste sires, mais qui du moins faisaient leur métier.

Les nationalistes se plaignent d'être trop peu nombreux, il est vrai, sans doute. Mais la politique s'est toujours faite avec des alliances. Mussolini sut s'allier aux socialistes, Hitler s'est appuyé sur les partis les plus divers avant de les absorber tous. Le Paris politique d'aujourd'hui s'accorde sur quelques réalités dont chacun reconnaît suffisamment l'importance vitale pour qu'elles servent de première base. Ne pourrait-on pas dire qu'il en va de cette entente comme de celle de l'Allemagne et de la France, dont on vous déclare qu'elle est extravagante, impossible, alors que personne n'a voulu en faire l'essai ? Je ne dissimule pas les torts, les mesquineries des « républicains ». Mais les « fascistes », lorsqu'on avance devant eux des noms, redoutent d'être joués encore par tel ou tel. C'est avoir en soi-même, en ses idées et sa valeur une bien médiocre confiance, s'avouer d'emblée qu'on n'entraînera, qu'on ne convaincra personne. Les nationalistes ont conservé la vieille manie bourgeoise de l'exclusive, une mine renchérie, une comique pudeur. Certes, on veut bien servir la France, mais on veut avant tout ne point la servir avec l'aide de celui-ci ou de celui-là. La France est remplie de sauveurs qui ne travaillent qu'à leur propre compte."


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Pourtant, dans une bonne négociation, les deux partenaires doivent être satisfaits…

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mardi 8 juin 2010

De la deuxième vertu théologale… (Decombriana, I.)

Angel face


Le dernier chapitre des Décombres, "Petites méditations sur quelques grands thèmes" (expurgé, avec l'accord de l'auteur, de la réédition par Pauvert en 1976), lu presque soixante-dix ans après sa rédaction, est une manière de défi au commentateur. Plus qu'aux pamphlets antisémites de Céline, ce texte fait penser à Mort à crédit : une sorte d'extraordinaire exhibition d'un auteur, un dépouillement terrible de soi et des autres, quelque chose qui n'est pas beau à voir - mais qui est magnifiquement écrit, et qui est , dont je ne comprends pas que l'on veuille, pour de « bonnes » ou de « mauvaises » raisons, faire comme si ce n'avait pas été en 1942, comme si rétrospectivement ce pouvait ne pas avoir été.

Mon premier fil directeur en lisant ces pages fut de les voir comme une sorte de vérité-malgré-soi : par sa franchise extrême, Lucien mettrait un grand coup de pied dans l'hypocrisie bien-pensante de droite, l'antisémitisme mondain et raffiné, le conservatisme autosatisfait mâtiné de catholicisme onctueux, le mépris du peuple, etc. C'est vrai, c'est un des atouts de ces pages, mais ce n'est qu'en partie vrai. Je reviendrai - j'y reviendrai toujours… - sur ce sujet compliqué, mais on ne peut non plus, n'importe quel Finkie vous le dira, nier toute solution de continuité entre reconnaître des spécificités - positives et/ou négatives - aux Juifs et leur recommander le sort qu'un Rebatet leur souhaite. Bref : en allant jusqu'au bout de sa pensée, Lucien invite tout conservateur un peu maurrassien à s'interroger sur les conséquences de la sienne, mais on ne peut pas néanmoins tout confondre, tout assimiler, tout faire cuire ensemble.

Le deuxième fil directeur tient à la personnalité de l'auteur qui, vous allez le constater, ne s'oublie pas dans ces pages. Personnalité fort différente de celle d'un Céline d'ailleurs : amateur raffiné d'art et de littérature, prototype de l'intellectuel cultivé fasciné par l'élégance, la perfection..., Lucien se demande souvent ce qu'il fait là, et pourquoi il fait ce qu'il fait. Là encore il ne faut pas généraliser trop vite, mais cette figure d'esthète dans un monde de brutes, à la fois plus brute que les brutes et pleine de doutes plus ou moins clairement exprimés, me semble un document psychologique de grand intérêt.

Le troisième fil directeur enfin tient, c'est très banal, au recul historique. Dans un tract de 2006 dont j'avais retranscrit un passage, M.-É. Nabe ironise sur ces braves gens qui prennent une pose circonspecte et grave pour établir qu'il est trop facile de juger ce qui s'est passé pendant l'Occupation, que l'on ne sait pas ce que l'on aurait fait alors, qu'il ne faut pas être censeur, etc. : vous on sait très bien ce que vous auriez fait, répondait-il, vous auriez collaboré, c'est gros comme une maison. Ironie certainement justifiée en l'espèce, mais qui n'évacue - ni ne cherche sans doute à évacuer - le problème : il faut lire les textes de Rebatet - ou d'autres de la même époque, quel que soit leur bord - en gardant en tête un minimum d'humilité par rapport à eux, en accordant un minimum de crédit à leur sincérité et à, eh oui, leur volonté de bien faire.


- Ce pourquoi je ne commenterai pas ou très peu ces extraits, qui je le précise ne doivent pas vous dispenser de la lecture de l'ensemble (d'autant que comme d'habitude je pratique quelques coupures, non signalées). J'espère qu'ils vous donneront la même sensation qu'à moi - comment peut-on être à la fois si proche et si loin de la vérité, si courageux d'un côté, si méprisable de l'autre ? -, mais je ne me vois pas signaler à chaque virgule ou expression de Lucien : "là il a raison", "là il a tort".

Ach, voici la première salve :

"La France est en danger de mort, bien plus aujourd'hui qu'il y a deux ans sur la Meuse. Sur la Meuse, elle pouvait ne perdre qu'une bataille. Elle peut perdre aujourd'hui sa souveraineté nationale.

Tout ce qu'elle a vécu depuis juin Quarante est malheureusement, comme le disait le Maurras des grandes vérités, dans la nature des choses. Un pays qui était descendu jusqu'à une telle défaite ne pouvait retrouver en lui-même que par un miracle la force de se ressaisir du jour au lendemain. On a feint de croire à ce miracle. Il ne s'est pas produit. On a vu reparaître à notre barre les personnages fatidiques, qui ne pouvaient manquer de surgir, puisque personne n'était préparé ou résolu à les devancer, puisque la révolution s'achevait avant même d'avoir commencé faute de révolutionnaires. Des hommes appartenant à l'ancien désordre ne pouvaient que [le] continuer.

La France, à l'armistice, est tombée dans un trou profond. Elle ne s'y est pas cassé les reins, ce qui est assez remarquable. Mais il lui est à peu près impossible d'en sortir seule. On lui a tendu une échelle, et cette échelle est la paix européenne. Encore lui faut-il, pour l'empoigner et la gravir, un rude effort, et pour cela l'aiguillon d'une vraie révolution, événement plus mythique que jamais.

Devant l'immense chantier ouvert par la destruction du vieux capitalisme, nous allons bien être obligé cependant d'édifier quelque chose. Je voudrais que la France y apportât sa contribution qui serait décisive. Je n'en vois capable qu'une France fasciste. Toute autre France sera un pays déchu.

Parmi les méfaits de Vichy, l'un des plus graves a été de vider de toute leur substance les meilleures formules. Celle de la Révolution Nationale, qui était magnifique, a sans doute vécu. Vichy, me semble-t-il, lui a attaché un trop grand ridicule pour qu'elle puisse servir encore. On a essayé tous les assemblages possibles des majuscules de « Parti », de « France », de « Socialisme », de « Révolution ». C'est encore l'esprit de clocher et de boutique et pour finir la confusion.

Que l'on soit national-socialiste français ou fasciste français, peu importe, mais que l'on soit l'un ou l'autre, et rien d'autre. Des deux mots qui désignent le même objet, je préfère le mot « fascisme », parce qu'il est latin, et d'un sens plus complet, et que je me suis reconnu pour fasciste, dès que j'ai compris ce que cela signifiait.

Après Georges Sorel, le Maurras le plus durable et le plus général, après Mussolini, Hitler, Salazar, l'essentiel des principes fascistes est suffisamment connu.

Je me contenterai donc de rappeler ici que le national-socialisme, ou le fascisme, est l'avènement du véritable socialisme, c'est-à-dire du socialisme aryen, le socialisme des constructeurs, opposé au socialisme anarchique et utopique des Juifs. Lui seul peut faire l'équilibre entre le besoin d'équité, ajustement raisonnable de la société au monde moderne, et le besoin de l'autorité hiérarchisée.

Tel qu'un Français le conçoit, ce n'est pas une idéologie, mais une méthode, la meilleure connue et la plus moderne pour régler le conflit ouvert depuis plus de cent années entre le travail et l'argent.

Dans ce procès, le fascisme soutient contre l'argent les droits du travail qui sont justes, et que les prérogatives usurpées de l'argent ne permettent plus de satisfaire.

Le fascisme, au rebours du marxisme, est positif. Il s'appuie sur ce qui est. La première de ces réalités est la nation, sol et peuple, dont il doit réunir et coordonner toutes les forces, dans l'intérêt supérieur de la communauté nationale, qui coïncide exactement avec l'intérêt du plus grand nombre de citoyens [fausse évidence, et même définition typiquement libérale, à la Stuart Mill !]. C'est dans une nation régie par un pouvoir vigoureux et stable, travaillant au maximum de ses forces et de ses ressources, et où les fruits de ce travail se répartissent aussi justement que le permet l'imperfection terrestre, c'est dans cette nation que les citoyens jouissent de la plus grande prospérité et de la plus grande sécurité, seul but de toute bonne politique.

Réaliste, le fascisme reconnaît, protège et encourage la famille, la propriété, l'émulation qui sont à la base de l'existence humaine. Il ne tend pas à niveler la société, ce qui serait l'avilir. Il rétablit au contraire la hiérarchie des mérites, disloquée par la démagogie.

Il est unificateur, et il ne peut avoir d'autre expression et d'autre armature que le parti unique, absorbant et régularisant la vie politique du pays. Il restaure le pouvoir autoritaire, le seul naturel, le substitue au pouvoir incertain et malsain issu des élections perpétuellement faussées, il consulte le pays grâce à des organes délégués par des réalités non politiques, dont les principales sont les métiers.

Pour bâtir cet édifice, le fascisme doit réduire à l'impuissance de nombreux ennemis, qui sont aussi ceux de la nation.

Il doit donc être avec rigueur antioligarchique, antijuif, antiparlementaire, antimaçonnique, anticlérical.

L'espérance, pour moi, est fasciste."


- Les principes étant posés, restent les modalités :

"Nous avons à tirer nos institutions et notre peuple d'une effarante déliquescence. Il ne faudrait pas espérer que l'on y atteindra avec une politique à la petite semaine, qui n'ose même pas imposer sa loi à la lie des youpins.

Je n'arrive pas à concevoir une Europe vraiment pacifiée et prospère sans le libre concours de la France. Je ne puis imaginer une France capable de conserver sa souveraineté entière, de tenir dans cette Europe le rôle éclatant qui pourrait être le sien sans savoir fait sa révolution fasciste.

Certes, nous en restons si loin qu'une pareille pensée peut paraître d'une excentricité presque bouffonne. Mais les révolutionnaires semblent toujours excentriques, aussi longtemps qu'ils n'ont pas triomphé. Seuls les vieillards et les larves peuvent se figurer qu'ils ressusciteront le passé démocratique, dont ils gardent au milieu d'eux le cadavre putride. Un destin plein de mansuétude a ouvert maintes fois à la France le chemin de cette révolution, où elle n'a pas su s'engager. Aussi longtemps que des coeurs s'enflammeront chez nous pour cette espérance, qui pourrait affirmer que ce destin s'est lassé ?

Une telle révolution servira d'autant mieux la patrie que nous la ferons davantage nous-mêmes et qu'elle sera plus profonde et brutale. Elle est impossible sans violences et sans destructions radicales. On ne transige pas avec des adversaires tels que les Juifs, les prêtres, les comitards, les affairistes : on les écrase, on les plie à sa volonté. On n'accommode pas, on ne restaure pas une démocratie vieille d'un siècle et plus. La masure est inhabitable. Employez le ciment, les désinfectants que vous voudrez, les lézardes, les moisissures, la vermine y reparaîtront bientôt. On doit jeter par terre les pans de murs vermoulus. On n'agit point autrement lorsqu'on veut dresser un ensemble architectural qui soit à la fois rationnel et beau. Il n'est pas de révolution qui puisse laisser dans leur état présent ces réduits du vieux régime, l'Académie, Polytechnique, le Conseil d'État. Le Code doit être refondu comme la magistrature. Les cadres supérieurs de l'armée doivent être liquidés en masse, il faut promouvoir à leur place les colonels, les commandants, voire les capitaines qui ont encore un sang généreux et quelque imagination.

Des dizaines de journaux doivent être interdits, les empoisonneurs publics qui les rédigeaient chassés pour toujours d'une corporation dont ils ont été la honte. Plus la révolution sera chez nous socialiste et mieux elle s'imposera, parce qu'il est peu de pays où les oligarchies y soient plus nombreuses et plus étouffantes. Il est superflu, au contraire, de s'attaquer aux fonctionnaires subalternes, qui doivent, dans l'ensemble, redevenir utilisables, après l'épuration rigoureuse de leurs cadres.

Mais qu'on ne l'oublie pas : les révolutions ne se baptisent point à l'eau bénite. Elles se baptisent dans le sang. Il est peu vraisemblable qu'une révolution nationale doive être chez nous désormais fort sanglante. Mais la mort est le seul châtiment que comprennent les peuples. La mort seule fait l'oubli sur l'ennemi.

Balzac dit quelque part que les femmes ne redoutent plus les menaces de mort depuis que les hommes n'ont plus d'épée au côté. Le gouvernement français, lui aussi, depuis trop longtemps, a posé son épée. Il faut qu'il la reprenne. Celui qui fusillerait demain cinq cents boutefeux, généraux, affameurs et gaullistes de tous poils déterminerait, on peut le lui garantir, le plus satisfaisant des chocs psychologiques.


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(Affiche de Mai 68…)


Cette opération si utile fut manquée au lendemain de l'armistice. Mais les iniquités accumulées par Vichy appellent plus encore que celles de Quarante l'échafaud et le gibet.

Notre révolution fasciste est encore et par-dessus tout une nécessité parce qu'il ne saurait y avoir sans elle de vrai pacifisme en France. Seule, une France fasciste peut rejoindre le camp de la paix et de l'avenir, rompre avec le passé bourgeois et sanguinaire. Pour imposer silence aux vieilles cliques, sans idées, incapables d'imaginer et de faire la paix avec nos voisins, il faut une poigne solide. Nous demeurons dans la situation paradoxale d'août 1939. Ce sont les mous, les hésitants, les « modérés » qui poussent à de nouvelles tueries guerrières, par débilité intellectuelle ou sentimentale. Ce sont les forts, les violents, puisant leur énergie dans leur intelligence, qui veulent la paix, parce que la paix seule peut-être vraiment révolutionnaire, tandis que la guerre revancharde ne pourrait être que hideusement conservatrice." (Les décombres, dernier chapitre : "Pour le gouvernement de la France".)


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De la collaboration !

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jeudi 3 juin 2010

Sacrés droitards...

Quelques mois à peine après l'avoir commencé, j'ai fini le Maurras de P. Boutang, qui sans doute n'a pas fini de nous accompagner. Avant d'oublier, je voulais juste (vous signaler que j'étais encore de ce monde, et) noter « noir sur blanc » et devant témoins que pour un livre qui se vante fréquemment de son courage théorique, c'est-à-dire de sa volonté d'assumer jusqu'au bout les conséquences de ces idées - principe ô combien louable -, il est un peu étonnant de ne pas mentionner, hors une vague allusion à la volonté de lutter contre le communisme, la guerre d'Espagne et les positions alors prises par Maurras, notamment, si je puis me permettre, dans son livre Vers l'Espagne de Franco (1942), dont l'existence même n'est, sauf erreur de ma part, pas évoquée.


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Pas un mot précis sur la polémique avec Bernanos à ce sujet, mais seulement le regret que le chef de l'Action française n'ait pas mieux su utiliser les compétences de quelqu'un de cette ampleur. Il y avait pourtant de quoi faire, tant les positions de Maurras sur le franquisme, comme d'ailleurs sur le fascisme italien, méritent l'étude. Où finissent les soucis d'ordre, d'organisation, de perpétuation de la nation, où commencent l'injustice, la répression excessive, voire la férocité, c'est bien un des points cruciaux d'une doctrine comme celle du « nationalisme intégral ». De même, en lisant Mes idées politiques, que Maurras conçut justement en 1937, aimerait-on que l'auteur fasse plus précisément la part entre l'acceptation d'une forme d'injustice inévitable dans la société et ce qui pourrait devenir vite de l'insouciance ou du cynisme à l'égard de toute inégalité. La confrontation des écrits de Maurras avec Les grands cimetières aurait fourni, sur l'exemple certes fort complexe mais au moins concret de la guerre d'Espagne, un champ d'étude certainement fécond. Tant pis, Pierrot s'est un peu déballonné sur le coup... Le pire étant, j'exagère certes un peu, que l'on en vient presque à se demander ce qui aurait tellement gêné Maurras dans le nazisme si sa haine profonde de l'« Allemagne éternelle » - que certes je ne lui reproche pas -, n'avait pas joué alors son rôle.

(A pragmatique, pragmatique et demi...)


- Ce que je regrette d'autant plus qu'en parcourant un autre livre de Maurras, je tombe, en ouverture, sur cette sentence remarquable :

"Cet antipatriotisme sauvage respire encore, continue de propager les mêmes vanités, dans l'espoir de surprendre l'innocence et l'irréflexion par un assortiment d'idées qu'il vante comme généreuses.

Il n'y a pas d'idées généreuses. L'idée est vraie ou fausse. La libéralité ou la parcimonie sont affaire de coeur. Mais le coeur humain, s'il est animé d'une véritable bonté, comporte d'abord le désir de voir les choses ou les gens tels qu'ils sont. De la lumière même froide vaut mieux que les fausses couleurs qui menèrent toujours aux massacres." (C. Maurras, Au signe du Flore, Les oeuvres représentatives, 1931, pp. XI-XII.)

J'ai laissé l'allusion à l'antipatriotisme pour vous donner une idée du contexte, mais vous êtes bien sûr libres de généraliser cette sentence à toute « idée généreuse » de votre choix, croisade contre le communisme comprise...



Ce n'est pas vraiment un contrepoint à ce qui précède, mais ce n'est pas non plus sans rapport. Suite à un commentaire que j'ai laissé récemment chez M. Cinéma, j'ai repensé à la magnifique adaptation de Villon par Léo. La voici sans autre commentaire.






Merci !

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