samedi 8 janvier 2011

"L'argent, le gros argent..." - Genèses, limites et ambiguïtés du « soralisme », I. - Nigger of the day, X et XI.

Étant récemment tombé sur deux textes d'auteurs qui me semblent pouvoir être considérés comme des prédécesseurs d'Alain Soral, je me suis amusé à les lire aussi bien pour eux-mêmes que pour essayer de mieux saisir les tenants et aboutissants de ce qui me semble être un courant d'idées certes minoritaire mais non négligeable dans la pensée politique française, au moins depuis le milieu du XXe siècle.

Ce genre d'exercices dévalue d'une certaine manière la pensée sur laquelle il s'exerce, en ce qu'elle en diminue la nouveauté. Dans le même temps, il peut permettre de mieux comprendre pourquoi des tentatives de combat politique telles que celles-ci ont échoué dans le passé, et ce qui, donc, éventuellement, pourrait leur donner plus de chances de réussite dans le futur.

Je vous livre aujourd'hui le premier de ces textes, avec quelques commentaires... que j'interromprai brutalement. Cela donnera un aspect partial à mes éléments d'analyse sur A. Soral, mais, outre que je commençais à être un peu long, j'allais alors partir dans des généralités qui me semblent devoir être traitées à part.

Par ailleurs, j'apprends ce matin l'histoire de la plainte de l'UEJF contre A. Soral. La question du rapport de celui-ci aux Juifs est, d'une certaine manière, inutilement compliquée, j'ai pensé un certain nombre de fois à la creuser sans jamais m'y atteler. Autrement dit, je ne sais pas si c'est une question intéressante. On en trouvera quelques traces en filigrane dans ce qui suit.

- Une petite distraction pour commencer,






et en route !


"On m'a objecté de Droite comme de Gauche : vos observations ne sont pas sans intérêt ; mais vous vous placez à un point de vue trop exclusivement économique et social. Vous ne considérez, pour expliquer nos faiblesses et confusions actuelles, que les malfaisances provoquées par les abus et les accaparements de quelques grandes puissances d'affaires. Vous n'envisagez, pour préparer un redressement, que le problème de la structure des classes sociales. Vous négligez les désordres provoqués par le mécanisme mal adapté de nos institutions constitutionnelles. Vous paraissez même vous désintéresser des idéologies, des convictions philosophiques opposées par lesquelles, pour beaucoup de gens, à quelque classe qu'ils appartiennent, se distinguent mentalité de Droite et mentalité de Gauche.

A cela je réponds : je n'ignore ni ne néglige les points de vue constitutionnels et idéologiques. Mais je tiens à éviter les confusions ; je tiens à placer les préoccupations dans leur ordre normal d'urgence.

Je sais fort bien qu'au départ, dans la France parlementaire du XIXe siècle, c'est par rapport aux positions constitutionnelles et aux formules idéologiques surtout, presqu'exclusivement même en apparence, que s'est fixée l'opposition entre la Droite et la Gauche. Sous la Restauration ceux qui se déclaraient de Gauche se recommandaient essentiellement de ce qu'ils appelaient les formules libérales issues des doctrines de 89 ; ceux qui siégeaient à Droite dans les assemblées se déclaraient avant tout fidèles aux traditions morales de la vieille monarchie qui, au cours des âges, avait par sa continuité assuré la grandeur, le rayonnement et l'oeuvre civilisatrice de la France.

Plus tard, dans les lendemains de la guerre franco-allemande, quand pour l'assemblée élue en 1871 il s'agissait de fixer le régime nouveau à donner au pays, la distinction était apparue plus nette encore et plus expressément constitutionnelle. La Droite, en principe, c'était les royalistes. La Gauche, c'était les Républicains.

Il était d'ailleurs normal que les préoccupations constitutionnelles tinssent alors une place dominante puisque le pays était sans statut défini et qu'il s'agissait de lui en donner un. Déjà cependant derrière les étiquettes proprement politiques des confusions d'un ordre très différent se dissimulaient. Si certains réclamaient la république c'était en principe parce que république signifiait pour eux démocratie, c'est-à-dire gouvernement du peuple par le peuple, gouvernement par le peuple dans l'intérêt des masses, pour libérer celles-ci de ce que les doctrinaires appelaient la domination égoïste et abusive des puissants, et aussi, assuraient-ils, de la domination de l'Église, laquelle, affirmaient-ils, pour assurer son propre pouvoir, s'appuyait elle-même sur les puissances matérielles.

Mais en réalité, très vite, un certain nombre de groupes économiquement et financièrement les plus puissants s'étaient rendus compte que pour sauver, au moins provisoirement, leurs positions menacées, il pouvait être avantageux d'exploiter les malentendus auxquels les débats constitutionnels et idéologiques sur la forme du régime pouvait donner lieu. En effet, si pour divers doctrinaires la république, identifiée par eux avec la démocratie, devait assurer la défense et la prospérité des masses opprimées, pour beaucoup de gens, même dans des milieux très populaires, la forme républicaine, historiquement liée aux sanglantes et troubles aventures de la première et de la deuxième république, représentait alors surtout l'instabilité, le désordre et la misère, un désordre, une misère et une instabilité dont les petites gens avaient été les principales victimes. La monarchie par contre leur représentait un régime où le souverain, arbitre entre tous, pouvait et devait être dans son propre intérêt autant que dans l'intérêt général, le défenseur des faibles contre les accaparements et les ambitions dominatrices des mieux pourvus.

En conséquence de quoi, comme le mot de république continuait à inspirer de grandes craintes, comme les doctrinaires démocrates savaient n'avoir derrière eux dans le pays qu'une assez étroite minorité, certains des groupes économiquement puissants et eux-mêmes menacés, aussi bien du côté des monarchistes que du côté des républicains doctrinairement démocrates, avaient conçu une savante combinaison. Ils avaient fait alliance avec les démocrates qui, se sachant pour le moment les plus faibles, étaient les moins exigeants, pour les neutraliser. On leur accorderait, à titre de dérivatifs, la forme républicaine du régime, l'idéologie anticléricale et un certain nombre de places. En échange de quoi ils ne seraient pas trop exigeants sur les réformes de structure économique et la révision des grands abus financiers.

Ce qui avait facilité le jeu c'est que tous les grands profiteurs n'avaient pas fait le même calcul. Certains d'entre eux, en assez grand nombre même au départ, avaient vu dans la combinaison de ralliement à la république un danger. Ils avaient refusé de se rallier. Car, pensaient-ils, la république ne pouvait manquer de tomber un jour dans une démagogie ruineuse pour les intérêts. Ce réflexe, bruyamment affirmé, donnait aux naïfs démocrates l'impression que les ralliés, qui, eux, dissimulaient leur calcul, étaient des idéalistes désintéressés. On leur pardonnait leur fortune en raison de la générosité de leur ralliement : on évitait de leur demander pour l'immédiat des sacrifices d'argent, on leur laissait même prendre dans le régime beaucoup de places, ouvertement ou occultement dirigeantes, du moment que, par leur ralliement, ils permettaient à la république de vivre.

Eux tiraient de tout cela un double avantage. En se ralliant à la république, c'est-à-dire, selon les formules du moment, à la Gauche, ils sauvaient au moins provisoirement leurs positions économiques privilégiées. Et en même temps ils implantaient dans l'opinion la conviction inexacte, mais pour eux commode, que les privilégiés de l'argent étaient à Droite, du côté des adversaires de la république.

A vrai dire, par la suite, la manoeuvre n'avait pu se poursuivre sans à-coups. Au bout d'un certain temps, une fois le régime installé, les démocrates de doctrine avaient commencé à se faire plus exigeants. Ils ne s'étaient plus entièrement satisfaits des deux dérivatifs des formes de constitution républicaine et de l'idéologie anticléricale. Un parti socialiste s'était organisé qui réclamait pour les masses, pour les masses ouvrières surtout, des réformes économiques et sociales de structure. Alors les grands ralliés menacés s'étaient plus ou moins discrètement retournés vers la Droite et vers l'Église, mais sans autre vraie intention que de laisser passer l'orage jusqu'au jour où les naïfs doctrinaires démocrates, pour sauver ce qui leur paraissait l'essentiel, et le plus directement menacé, c'est-à-dire les formes constitutionnelles républicaines et l'idéologie anticléricale, eussent de nouveau accepté d'abandonner provisoirement les réformes de structure.

Bref (c'est là, selon moi, la notion dominante qui, pour n'avoir jamais été avant moi clairement analysée a brouillé toute la vie française contemporaine), il n'est pas vrai du tout, comme certains le croient naïvement, comme d'autres beaucoup plus machiavéliquement se sont appliqués à le faire croire, que la Droite soit ou ait été en France le parti de l'argent. L'argent, le gros argent n'est, n'a été ni à Droite ni à Gauche. Pour sauver ses avantages les plus abusifs il n'a cessé de jouer alternativement de la Gauche et de la Droite, le plus souvent même de la Gauche, en exploitant un certain nombre d'idéologies.

C'est l'équivoque mensongère qu'il a sans cesse entretenue à ce sujet, ce sont les balancements alternés dont il s'est servi pour sauver ses privilèges abusifs qui ont été les principaux responsables de la continuelle instabilité gouvernementale et institutionnelle dont la France contemporaine n'a cessé de souffrir. Ce sont ces balancements par suite qui sont également les principaux responsables de l'affaiblissement de l'autorité internationale française, du déprimant désarroi dont cette perte de prestige fait souffrir les Français et qui entraîne la perte de dynamisme et d'esprit d'entreprise dont nous accuse tant à l'heure actuelle."

Ces lignes (reproduites sans coupures, j'ai seulement corrigé la ponctuation çà et là) ont été écrites en 1956 par Emmanuel Beau de Loménie, et publiées dans la revue dirigée par Jacques Laurent, La Parisienne (n° spécial "La Droite", octobre 1956).

Beau de Loménie est principalement connu pour deux ouvrages, une grande histoire des Responsabilités des dynasties bourgeoises, cinq volumes publiés chez Denoël entre 1943 et 1973, et une anthologie commentée de l'oeuvre de Drumont, Édouard Drumont ou l'anticapitalisme national, éditée par Pauvert (et J.-F. Revel, rendons à César…) en 1968.


IMG_0597


Si l'on ne peut qu'espérer que son travail d'historien soit plus documenté que ces quelques lignes de synthèse, par trop allusives, on saluera la pertinence de celles-ci, et on en soulignera l'aspect pré-soralien : refus du dogmatisme de la séparation Gauche-Droite, souci marxisant de vérification dans le concret de la validité des séparations politiques, volonté de réconciliation entre les Français, qu'explicitera la suite du texte, qui est comme une préfiguration de certains aspects du régime gaulliste. Le tout accompagné d'un intérêt envers les puissances apatrides, entre autres la puissance juive. (Précisons que dans l'introduction à son livre sur Drumont Beau de Loménie estime que La France juive est le moins bon texte de son auteur, l'attention de celui-ci étant trop exclusivement focalisée sur les Juifs et lui permettant pas encore de comprendre les enjeux réels des alliances entre grands capitalistes. Je n'ai lu que cette introduction.) Ces points communs avec le fondateur d'Égalité et Réconciliation me semblent frappants dans cet autre extrait (j'y pratique quelques coupures, pour rester sur l'essentiel) :

"Actuellement, en France, en dehors des étroites minorités plus ou moins directement liées aux grands intérêts d'affaires, qui se sont maintenues, voire en fait occultement consolidées par leurs jeux alternés, il existe deux grandes masses d'importance numérique sensiblement comparable.

Il y a une masse d'ouvriers et d'employés de base, dont la plupart n'ont guère d'autres ressources que leurs salaires. Pour eux, en raison des formules démocratiques que, dès les débuts, les doctrinaires républicains avaient liées à l'étiquette de gauche, et selon lesquelles gauche signifiait souci du bien du peuple, l'appartenance à la gauche est devenue, par esprit de classe, une sorte de dogme. Mais comme en même temps, depuis les débuts, n'ont cessé de figurer dans les coalitions parlementaires de gauche certains des représentants ou des agents du grand affairisme ralliés en parole aux formules démocratiques pour neutraliser ou endormir les revendications et les impatiences les plus menaçantes ; comme dans les périodes les plus récentes encore on a vu figurer au gouvernement avec des étiquettes de gauche des hommes aussi marqués par leurs appartenances de grand affairisme que M. René Mayer, cousin et agent avoué des Rothschild, ou actuellement encore, avec le titre de secrétaire d'État au budget, M. Jean Filippi, passé dans les états-majors de la maison des Louis-Dreyfus, grands trafiquants des blés et de l'armement maritime, alors, sans bien comprendre le mécanisme de telles combinaisons, les masses ouvrières ont confusément l'impression d'être trompées. Et c'est pourquoi une grande partie d'entre elles, renonçant à l'espoir de trouver sereinement leur place au sein de la communauté française, se tournent vers Moscou.

En face de cette masse salariée à base ouvrière, il y a la vaste masse de bourgeoisie moyenne à base d'artisans, de commerçants, d'agriculteurs et d'une grande partie des intellectuels appartenant aux professions dites libérales.

C'est cette bourgeoisie moyenne qui s'est vite trouvée, qui se trouve plus que jamais aujourd'hui la principale victime des équivoques entretenues par les grandes puissances d'affaires. En principe, par le genre de ses activités qui sont souvent de caractère indépendant et patronal, par ses relations de famille parfois, elle devrait avoir été soutenue et appuyée par les dirigeants des grandes entreprises. En fait, le plus souvent, ces derniers, préoccupés surtout de protéger leurs positions menacées et leurs privilèges à tant de points de vue abusifs, n'ont rien fait pour aider et entretenir l'esprit d'initiative, le dynamisme producteur de ces cadres moyens. Bien au contraire, soucieux avant tout d'écarter d'éventuels concurrents, se réservant à eux-mêmes les moyens de crédit, pompant par des systèmes d'emprunts chargés de fallacieuses promesses les épargnes de ces possibles rivaux, ils les ont peu à peu et en quelque sorte méthodiquement déprimés. Et, pour détourner leurs révoltes instinctives, ils ont, avec eux mieux et plus facilement encore qu'avec les masses ouvrières, joué des malentendus idéologiques, en les divisant.

De sorte que s'est entretenue, pour le plus commode et malsain maintien des pires abus économiques la coupure de la petite et moyenne bourgeoisie entre une gauche républicaine et radicale et une droite antiparlementaire, si occupées à se disputer sur la forme des institutions et sur le problème religieux qu'elles en arrivent à oublier leurs intérêts comme leurs responsabilités sociales communes et l'élaboration d'un programme économique et financier en rapport avec le rôle commun qui devrait leur revenir dans l'ensemble des activités françaises.

Imaginons au contraire que le jeu malsain qui a entretenu et cultivé ses divisions ait été compris par elle. Au lieu de s'user dans ses disputes théoriques elle serait tout naturellement amenée à prendre l'initiative d'un programme d'organisation d'ensemble des initiatives productrices individuelles. Il ne s'agirait pas de condamner par principe les grandes fortunes et les grandes entreprises. Il s'agirait de les contrôler, par le moyen entre autres d'un système ordonné de distribution du crédit, pour les plier au service du bien commun. Et le programme ainsi compris, qui deviendrait normalement celui d'une nouvelle Droite assainie rendrait également possible la formation d'une nouvelle Gauche, sur des bases saines et cohérentes.

La nouvelle Gauche, contrepoids de notre nouvelle Droite, délivrée des révoltes suscitées par l'hypocrisie des actuelles coalitions de gauche, serait moins tentée de subir l'attraction du communisme moscoutaire, voire de cette espèce de haine larvée pour notre passé national qu'on devine chez certains des doctrinaires actuels du M.R.P. qui se veulent de gauche.

Alors le jeu parlementaire pourrait fonctionner d'une façon équilibrée, avec deux grands groupements assez cohérents pour permettre l'établissement de programmes sociaux et nationaux ensemble. Et, les équivoques mensongères qui ont tant contribué à la démoralisation commune étant éliminées, les débats relatifs à la réforme des institutions, les discussions relatives à la politique religieuse pourraient reprendre dans une atmosphère que ne viendraient plus brouiller les passions facticement entretenues et irritées.

Si en effet il est normal que les intérêts différents s'organisent pour arriver par leur confrontation à un équilibre, il est malsain que les forces actives du pays soient enrégimentées de façon durable en factions groupées sur des programmes dont les thèmes principaux, consistant à remettre sans cesse en question les assises essentielles de notre vie nationale et morale, entretiennent une mentalité continuelle de guerre civile."


"Quand sonne l'heure d'une idéologie, tout concourt à sa réussite, ses ennemis eux-mêmes…" - l'on peut constater encore une fois la validité de cet adage de Cioran, tant le régime qui est apparu dans les années qui suivirent la rédaction de cet article, par certains aspects a comblé les voeux de Beau de Loménie, par d'autres aspects a renforcé le poids des grands groupes capitalistes par rapport à celui des PME et de la « bourgeoisie moyenne ».

Il ne faut pas pousser les parallèles entre les auteurs et entre les époques trop loin, mais l'on retrouve ici une ambiguïté qu'il m'est arrivé de signaler sur le côté « restaurateur du capitalisme » d'Alain Soral. Il y a à cela trois raisons me semble-t-il, et si les deux premières : l'incroyable puissance de récupération et de recyclage du capitalisme ; son indéniable tendance actuelle à l'autodestruction, qui fait que ceux qui luttent contre lui ont tendance à tenter de le sauver de lui-même -, si les deux premières sont des facteurs lourds et externes à la pensée de E. Beau de Loménie ou d'A. Soral, la troisième renvoie à la cohérence interne de leurs discours et aux velléités de réductionnisme économiste que l'on peut y déceler.

Quelque part dans sa dernière vidéo, Alain Soral épilogue sur les riches musulmans de Neuilly qui s'entendent comme larrons en foire avec sionistes et cathos du coin, sans que la religion y fasse le moindre obstacle. J'ai déjà écrit des choses de ce genre, je souscris toujours à ce point de vue. Je suis de même pleinement d'accord sur les analyses relatives à la stratégie consistant à « diviser pour régner ». Tout ce qui peut montrer, dans la ligne des propos de Beau de Loménie, comment certains, tout en faisant semblant de se disputer, s'entendent de manière occulte sur le dos des pauvres, est bon à savoir, parce que, tout simplement, vrai. Enfin, je maintiens qu'un travail d'accoutumance des Français d'origines diverses les uns aux autres se fait au jour le jour, à l'école, au travail pour ceux qui en ont, etc. - sans que d'ailleurs le type anthropologique qui en ressorte soit nécessairement enthousiasmant, mais c'est une autre affaire. Autant dire que je me trouve en pays ami dans ces textes.

Ce qui ne peut que gêner, néanmoins, c'est une sorte de naïveté marxiste indissociable des stratégies théoriques dites de dévoilement, comme si, une fois que l'on avait montré le caractère artificiel de certaines querelles, celles-ci allaient s'évanouir d'elles-mêmes. Essayons ici de bien distinguer ce qui doit l'être :

- avec et malgré ses côtés Don Quichotte, Alain Soral lui-même n'est pas, humainement parlant, un naïf - au point sans doute de déprimer ses aficionados par certaines déclarations parfois mélancoliques ou désabusées ;

- en toute rigueur, le marxisme (ou, autre stratégie du dévoilement, le freudisme) n'implique pas que la mise au jour de certaines structures de domination cachées entraîne automatiquement la disparition de ces structures ;

- et pourtant, il y a dans toutes ces théories une espèce de sous-estimation de fait des différences culturelles, un matérialisme sous-jacent, qui tout en ayant un fonds de réalité, génèrent leurs propres illusions.

Ces illusions peuvent être d'ordre pratique, à la réception de ces théories : la croyance chez l'amateur d'Égalité et réconciliation que si tous les pauvres se tendent la main tout sera pour le mieux dans la meilleure des France, etc. - à charge pour ceux qui savent que ce n'est pas si simple de le rappeler, de rendre Billancourt lucide, pour ainsi dire ;

ces illusions sont aussi issues d'un certain égalitarisme prosaïque que l'on peut me semble-t-il déceler chez Soral, ou, d'une autre manière, chez Bourdieu. On retrouve là d'ailleurs, sous un autre angle de vue, la récente querelle entre Soral et M.-É. Nabe. Le premier dirait du second qu'il est un esthète petit-bourgeois ou quelque chose de ce genre, il reste qu'il y a chez celui des deux qui est un artiste le sens de la beauté de la variété des choses humaines que l'on ne sent pas au même degré chez Alain Soral.

C'est ici que les Athéniens s'atteignirent, et que je m'arrête. La suite logique de ces analyses amène, ainsi que je l'évoquais en préambule, à des généralités qui ont besoin de leur propre espace pour être exprimées avec la précision qui seule peut leur permettre ne pas équivaloir à des banalités. Afin de remercier ceux qui sont allés jusqu'au bout de ce texte, une petite récompense - à regarder en entier, le Godfather y est lui-même jusqu'au bout.




- A bientôt !

Libellés : , , , , , , , , , , , , ,