samedi 26 février 2011

"Tout est là." (Le sexe, c'est le sexe et autre chose que le sexe, I.)

Retouché


"On ne peut pas mettre en structure n'importe quoi ou n'importe comment, pas plus qu'on ne peut réaliser n'importe quel mariage… La plupart des structuralistes emploient le mot « structures » au pluriel, ce qui est une aliénation majeure. Dès lors toutes les fantaisies sont possibles et on retombe dans un dévergondage sans doute différent de celui de la poésie banale mais qui n'en est pas moins un dévergondage. La vraie question n'est d'ailleurs pas de poser le problème de la communication en soi, même sous une forme dialectique, mais de saisir si on peut trouver un interlocuteur, c'est-à-dire un pôle de structure répondant à sa propre polarité, et en l'espèce une femme capable de recevoir son message et de lui délivrer en échange le sien. C'est cela le vrai problème. Traiter de la communication dans le concret et non dans l'abstrait…

- Il faudra trouver des êtres suffisamment réceptifs pour capter ce rayonnement dont vous parliez.

A la fois réceptifs et rayonnants eux-mêmes, pour qu'il y ait échange, et échange clair.

- Au fond, on retombe dans votre problème de sociétés secrètes.

Si on veut. La société secrète est créée pour mettre de la transparence dans un petit groupe d'hommes. Le monde en lui-même, dans sa globalité, est opaque. On essaie alors d'isoler un petit domaine transparent au milieu de l'opacité du monde. Mais la société secrète la plus élémentaire et la plus transparente est encore le couple, s'il est réussi.

- On retrouve ici la notion de ce qu'on appelle, dans le christianisme, le « prochain ».

En toute rigueur, puisque tout être est sensible à l'ineffable, tout être est mon prochain. Mais c'est ici qu'un problème de choix se pose, ce qui est bien, en passant, le drame du christianisme. Démocratique par sa mystique, il est aristocrate par sa gnose, et il ne peut faire tenir cela ensemble. De même, en amour, tout homme qui progresse ne peut pas ne pas devenir sélectif.

[AMG : ce qui ne doit pas se comprendre du seul point de vue de l'apparence extérieure, il s'en faut. Nabe disait qu'en mûrissant on élargissait ses préférences, qu'on ne se contentait plus d'un seul type de femme. J'approuve, mais justement : les préférences « purement physiques » peuvent être plus diverses à quarante ans qu'à seize ans, lorsqu'on croit n'aimer que les petites brunes aux bleus, mais cette diversité inclut, ou peut inclure, une recherche plus profonde et plus sélective d'un type précis de femme, dont on sent l'existence chez telle ou telle, par-delà leurs formes différentes de beauté.]

Sous son aspect concret, le problème de la communication se pose ainsi : Quelle Marguerite va trouver devant lui (et en lui) le nouveau Faust ? J'ai toujours été intuitivement conduit par cette notion, plus ou moins consciente, que le prochain était quelque chose de rare et de difficile à toucher et que réellement le prochain signifiait quelque chose dans la littérature religieuse : le prochain c'était et ce n'était pas l'ensemble des hommes, il fallait concevoir différents échelons, différents cercles concentriques à franchir. Et, une fois encore, c'est l'amour sexuel qui est, à cet égard comme à bien d'autres, l'expérience-clé, car la communication, à ce moment-là, est posée comme énigme et comme mystère, et l'on se comprend ou l'on ne se comprend pas ! L'amour est extrêmement sélectif ! Il est sélectif par nature quand il se veut réellement bien fait !


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Je ne crois pas à la force de l'amour absolument indifférencié pour une humanité globale et indistincte. Je n'ai pas envie de faire l'amour avec n'importe quelle femme, et je m'en flatte ! Je ne considère pas cela comme une marque d'impuissance. Au contraire, ce que je considérerai comme une marque de force ce sera la connaissance même des règles de cette sélectivité, et la vérification de leur valeur, dans l'acte même. L'amour est avant tout le moyen de qualifier et de sur-qualifier de l'énergie, aussi bien d'un côté que de l'autre !

- On finit alors par arriver à une certaine infaillibilité ?

Non ! On n'est jamais infaillible, parce que le corps n'est jamais complètement connu et maîtrisé. Le corps peut toujours vous trahir, à tout instant, le corps est même ce qui vous trahit en permanence, si on le pousse à l'extrême de ce qu'on voudrait qu'il soit ! Je dirai même que l'érotisme, dans sa meilleure définition, est constitué par l'ensemble des recettes destinées à pousser le corps à ne pas trahir, à reculer la limite où cette trahison apparaît, et même à cacher cette trahison aux consciences faibles. Toute la littérature érotique au fond est une compilation de moyens qui vont du plus physique au plus spirituel, de la morsure et du baiser en passant par l'envoûtement intellectuel, mais font tous partie d'un ensemble dont l'acte sexuel est, si vous voulez, l'intégration. Seulement, au-delà de ces recettes que l'amour d'ailleurs réinvente sans cesse et ajuste au mieux, il y a un problème d'échange dont cet ajustement, dans l'instant même, indique bien qu'il est à chaque fois un problème nouveau. A travers les diverses femmes de notre expérience, nous cherchons non pas la femme idéale, mais l'essence la plus haute de la féminité. Où est-elle et qu'en attendons-nous ? Est-elle partout ou est-elle seulement quelque part ? Et que devenons-nous si nous la trouvons ? Tout est là."

R. Abellio, 1966. (J'ai un peu retouché le début du texte à fins de clarté.)


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samedi 19 février 2011

"La France ne peut être la France sans la grandeur..."

- n'est-ce pas une manière d'avertissement ? Une interprétation possible est la suivante : si nous ne faisons pas preuve de grandeur, alors nous sommes, peut-être pas moins que rien (c'est la version prétentieuse, le tout ou rien : si nous ne sommes pas les meilleurs, nous sommes les pires, nous devons toujours être premiers quelque part, plutôt être en-dessous de tout qu'être quelconques…), peut-être pas moins que rien, mais en tout cas en-dessous de la moyenne. Schématisons à grands traits : à notre meilleur nous sommes nettement plus intéressants que les Suédois et autres Scandinaves paisibles, pacifiques, bien organisés et tout de même légèrement chiants ; sans grandeur, nous sommes en-dessous d'eux.

De Gaulle avait nettement conscience, parfois jusqu'à une forme de schizophrénie, de l'écart qu'il pouvait y avoir entre sa fameuse « certaine idée » de la France et ce dont les Français étaient capables en fait de mesquinerie, râleries inutiles, masochisme fataliste, sadisme superflu ("Impitoyable[s] par vanité", selon le mot de Custine ; impitoyables aussi vis-à-vis d'eux-mêmes d'ailleurs). Ce pourquoi l'interprétation que je vous suggère aujourd'hui me semble plus intéressante que la vision cocardière ("La France est grande par essence...") que cette phrase peut aisément suggérer.

Et, bien évidemment, avec son sens inné, admirable presque, de ce qu'il y a de pire en nous, N. Sarkozy s'emploie depuis des années à retirer à la France ce qui pouvait lui rester de grandeur, afin, c'est sa mission bien connue, qu'elle ne soit plus la France. Je me disais l'autre jour que le pire avec lui n'était pas son impéritie en matière économique ni même sa démagogie sécuritaire. La crise, la vraie, celle avec laquelle on me bassine depuis ma naissance au début des années 70 est une chose, dont je suis loin de contester ou de sous-estimer la dureté. Mais d'une part, cela fait des années (les conséquences de 1983, "Vive la crise", etc.) que ceux qui souffrent de cette crise se font cracher dessus avec une remarquable opiniâtreté par ceux qui en profitent ; d'autre part et maintenant, avec N. S., qui franchit là un palier d'importance par rapport à ses deux prédécesseurs immédiats, c'est une « certaine image » de la France sur laquelle on crache (et fait cracher par les autres pays) en permanence. Popu a droit au fouet à la maison, et doit désormais constater que les voisins trouvent ladite maison de plus en plus moche, alors qu'il sait, quitte à l'idéaliser un peu, qu'il lui arriva d'être belle et admirée. Pas de quoi s'étonner s'il déprime un tantinet... On le lui reproche pourtant, comme une nouvelle preuve de sa nullité, comme une énième confirmation qu'il ne mérite pas d'être ailleurs qu'à sa place de merde.

La France a connu des périodes de pauvreté, voire de misère, elle en est toujours sortie à un moment ou à un autre. Ses moments de ridicule (et, soyons juste, de "Messieurs les Anglais tirez les premiers" aux aventures mexicaines de Napoléon III, de Guy Mollet à Jean-Pierre Raffarin, etc., N.S. n'est pas le premier de la série), ses grandes défaites, tout cela par contre reste dans la mémoire collective, et y restera pour longtemps. Nicolas Sarkozy, c'est un gros poids en plus dans la colonne "Débit" - un beau caca qui alourdit le fond du slip, écrira-t-on histoire d'être un peu poète, et dont, comme le dit justement le poète, "toute l'eau de la mer" n'effacera jamais vraiment le souvenir. - Heureusement que DSK arrive!

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mercredi 16 février 2011

Pourquoi j'aime bien Nabe.

Pour de multiples raisons, mais entre autres parce que, contrairement à d'autres, il travaille plus qu'il ne se lamente, il crée au lieu de pleurer sur l'absence de création, il prouve le mouvement en marchant.

Je ne vise d'ailleurs pas tant Richard Millet lui-même, que je ne connais pas et qui peut-être « marche » aussi, que cette attitude geignarde, "tout-est-fini-c'est-trop-triste", typique des vieux cons. Le monde est ce qu'il est, mais il continue à avancer : vers quoi, c'est une autre histoire, mais ce n'est pas en restant sur le bord du chemin à pleurer sur le temps passé qu'on l'aidera à avancer dans une bonne direction.


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Amusant, (presque) tous les blogueurs cinéphiles que je suis régulièrement parlent de Black Swan en même temps. Je livre une piste pour ce qu'elle vaut, le film serait hégélien, ou hésiterait entre Hegel et Kierkegaard : y a-t-il une positivité (ou une dialectique) du négatif ? Le négatif équivaut-il au contraire au Mal ? Ou, à tout le moins, doit-il être dépassé plus que dialectisé ? Le film tire son intérêt je pense d'une certaine irrésolution de ces questions difficiles ; il souffre de certaines limites, tant du point de vue du rythme que du style, faute de maîtriser complètement lesdites questions.

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jeudi 10 février 2011

Toujours à la bourre...

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...mais de plus en plus riche, ça fait du bien, je m'en voudrais de ne pas vous signaler en passant ce morceau d'anthologie de matérialisme droitard :

"En France, les tartuffes politiques ont applaudi la chute d’une dictature qu’ils fréquentaient assidûment peu auparavant, à commencer par ceux qui voulaient cacher que le RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique), le parti du président déchu était membre de l’Internationale socialiste.

Tous ont oublié qu’en 1987, l’accession au pouvoir du général Ben Ali avait été unanimement saluée comme une avancée démocratique, que sous sa ferme direction, la subversion islamiste avait été jugulée, que la Tunisie était devenue un pays moderne dont la crédibilité permettait un accès au marché financier international. Attirant capitaux et industries, le pays avait à ce point progressé que 80% des Tunisiens étaient devenus propriétaires de leur logement. Ce pôle de stabilité et de tolérance dans un univers musulman souvent chaotique voyait venir à lui des millions de touristes recherchant un exotisme tempéré par une grande modernité. Des milliers de patients venaient s’y faire opérer à des coûts inférieurs et pour une même qualité de soins qu’en Europe. Dans ce pays qui consacrait plus de 8% de son PIB à l’éducation, la jeunesse était scolarisée à 100%, le taux d’alphabétisation était de plus de 75%, les femmes étaient libres et ne portaient pas le voile ; quant à la démographie, avec un taux de croissance de 1,02%, elle avait atteint un quasi niveau européen. 20% du PIB national était investi dans le social et plus de 90% de la population bénéficiait d’une couverture médicale. Autant de réussites quasiment uniques dans le monde arabo-musulman, réussites d’autant plus remarquables qu’à la différence de l’Algérie et de la Libye, ses deux voisines, la Tunisie ne dispose que de faibles ressources naturelles.

- Tartuffe toi-même ! Ce n'est pas « d'autant plus remarquable », c'est justement un facteur explicatif : les pays d'Afrique qui se « développent » avec le moins d'accrocs sont souvent ceux qui ne débordent pas de ressources naturelles, qui ne font pas d'envieux.

Les Tunisiens étaient donc des privilégiés auxquels ne manquait qu’une liberté politique généralement inexistante dans le monde arabo-musulman. Ils se sont donc offert le luxe d’une révolution en ne voyant pas qu’ils se tiraient une balle dans le pied. Leur euphorie risque d’ailleurs d’être de courte durée car le pays va devoir faire le bilan d’évènements ayant provoqué des pertes qui s’élevaient déjà à plus de 2 milliards d’euros à la mi-janvier et qui représentaient alors 4% du PIB. La Tunisie va donc sortir de l’épreuve durablement affaiblie, à l’image du secteur touristique qui recevait annuellement plus de 7 millions de visiteurs et qui est aujourd’hui totalement sinistré, ses 350 000 employés ayant rejoint les 13,2% de chômeurs que comptait le pays en décembre 2010.

- On avait cru comprendre que c'était le paradis, d'où viennent ces chômeurs ?

Pour le moment, les Tunisiens ont l’illusion d’être libres. Les plus naïfs croient même que la démocratie va résoudre tous leurs maux, que la corruption va disparaître, que le chômage des jeunes va être résorbé, tandis que les droits de la femme seront sauvegardés… Quand ils constateront qu’ils ont scié la branche sur laquelle ils étaient en définitive relativement confortablement assis, leur réveil sera immanquablement douloureux. Déjà, dans les mosquées, les prêches radicaux ont recommencé et ils visent directement le Code de statut personnel (CSP), ce statut des femmes unique dans le monde musulman. Imposé par Bourguiba en 1956, puis renforcé par Ben Ali en 1993, il fait en effet des femmes tunisiennes les totales égales des hommes. Désormais menacée, la laïcité va peu à peu, mais directement être remise en cause par les islamistes et la Tunisie sera donc, tôt ou tard, placée devant un choix très clair : l’anarchie avec l’effondrement économique et social ou un nouveau pouvoir fort.

Toute l’Afrique du Nord subit actuellement l’onde de choc tunisienne. L’Égypte est particulièrement menacée en raison de son effarante surpopulation, de l’âge de son président, de la quasi disparition des classes moyennes et de ses considérables inégalités sociales. Partout, la première revendication est l’emploi des jeunes et notamment des jeunes diplômés qui sont les plus frappés par le chômage. En Tunisie, à la veille de la révolution, deux chômeurs sur trois avaient moins de 30 ans et ils sortaient souvent de l’université. Le paradoxe est que, de Rabat à Tunis en passant par Alger, les diplômés sont trop nombreux par rapport aux besoins. Une fois encore, le mythe du progrès à l’européenne a provoqué un désastre dans des sociétés qui, n’étant pas préparées à le recevoir, le subissent.

- Voilà qui est déjà, sinon juste, je ne sais pas, en tout cas un peu moins con.

En Algérie, où la cleptocratie d’État a dilapidé les immenses richesses pétrolières et gazières découvertes et mises en activité par les Français, la jeunesse n’en peut plus de devoir supporter une oligarchie de vieillards justifiant des positions acquises et un total immobilisme social au nom de la lutte pour l’indépendance menée il y a plus d’un demi-siècle. Même si les problèmes sociaux y sont énormes, le Maroc semble quant à lui mieux armé dans la mesure où la monarchie y est garante de la stabilité, parce qu’un jeune roi a su hisser aux responsabilités une nouvelle génération et parce que l’union sacrée existe autour de la récupération des provinces sahariennes. Mais d’abord parce que le Maroc est un authentique État-nation dont l’histoire est millénaire. Là est toute la différence avec une Algérie dont la jeunesse ne croit pas en l’avenir car le pays n’a pas passé, la France lui ayant donné ses frontières et jusqu’à son nom."

L'ayant découvert pour ma part via L'Organe, je lis de temps à autre ce blog de Bernard Lugan et y trouve des choses intéressantes





, sachant bien que n'étant pas du tout compétent en la matière je me borne parfois à enregistrer les désaccords entre ce moustachu et l'autre, le défunt Verschave, père du concept de Françafrique, dont les livres m'avaient il y a quelques années fortement remué.

La lecture de cet article m'a en revanche laissé perplexe. Il est tout à fait possible que les choses tournent mal ou retournent au point de départ en Tunisie, nous verrons bien. Ce n'est par ailleurs pas ici que l'on va confondre la démocratie et le jardin d'Éden. Mais cette façon de dire aux gens : vous avez de quoi bouffer, donc fermez-la, est assez écoeurante.

(De même que l'insistance sur les revenus tirés du tourisme : quel drame mon Dieu que l'Occidental ne puisse pendant quelques semaines se payer une petite tranche d'« exotisme tempéré par une grande modernité », quel cataclysme pour l'avenir du pays que pendant quelques semaines l'Occidental ne vienne plus y déverser son fric, sa morgue, sa merde morale et autres substances ! A prendre Bernard Lugan au mot, on ne peut que l'imaginer heureux de l'évolution qui fait de Paris une ville de plus en plus morte, ne survivant que pour donner aux touristes l'image qu'ils sont venus chercher, avec le même chantage à l'estomac ici que là-bas - Delanoë (grand ami de la Tunisie (et des Tunisiens « consentants » (le ventre rempli, le trou du cul aussi)) et Ben Ali, même combat...)

On a pu reprocher à Brecht la formule "D'abord vient la bouffe, ensuite la morale..." ("Erst kommt das Fressen, dann kommt die Moral."), y voir une grossière expression de matérialisme, ou de déni de dignité. Notons que cette phrase peut être interprétée aussi comme le simple rappel à ceux qui non seulement vivent dans l'aisance mais se permettent de donner des leçons, qu'il est plus facile de bien se conduire quand on a de l'argent que lorsqu'on n'en a pas ("Ventre affamé n'a pas d'oreilles", somme toute), et revenons à notre sujet - à matérialiste, matérialiste et demi, si j'ai pu ces dernières semaines taper à gauche, il faut bien donner ici un coup à droite : dans ce texte, Bernard Lugan nous dit finalement "D'abord la bouffe, ensuite la bouffe" - c'est un peu court, Cyrano !

Certes il est fait référence à la condition féminine, mais l'argument utilisé à propos de la « liberté politique généralement inexistante dans le monde arabo-musulman » peut ici être retourné contre l'auteur : si les Tunisiens ont eu tort de se révolter parce qu'il ne leur manquait « que » cette liberté que leurs voisins n'ont pas plus qu'eux, alors il n'y a pas non plus de quoi pleurer sur l'éventuelle perte de la liberté des femmes, elle-même « généralement inexistante dans le monde arabo-musulman ». Ici comme ailleurs on peut penser ce que l'on veut, mais on ne peut jouer sur tous les tableaux : soit on se place du point de vue des valeurs de l'autre (ou de plusieurs autres), soit on se place du point de vue des valeurs occidentales, soit même on varie les points de vue, dans une perspective axiologiquement neutre ou dans une perspective normative (qui consisterait par exemple, pour le cas présent, à dire : dans le contexte des pays du Maghreb, la condition féminine en Tunisie est la meilleure, et c'est très bien, même si elle n'est pas encore aussi bonne qu'en Occident (sic…)), mais c'est tricher que de glisser sans prévenir d'un point de vue à l'autre, d'utiliser le contexte quand c'est supposer servir la démonstration et de l'oublier quand il peut gêner le bon déroulement de cette démonstration.

A cet égard, et c'est sur cette note positive que je concluerai, l'article du même B. Lugan sur l'Égypte, que l'on partage ou non ses analyses, ne me semble pas justiciable des mêmes critiques. "Toujours trop cynique, jamais assez lucide", disait, je cite de mémoire, le regretté Jean-Claude Biette : dans le texte que j'ai retranscrit et critiqué aujourd'hui, il me semble que l'on voit nettement et concrètement le passage entre la lucidité (qui n'est pas garantie de véracité, mais qui est un état d'esprit louable) et le cynisme.

Ceci étant dit, je retourne faire de l'argent ("Trois mille ducats !")


document

et à bientôt !



P.S. : un problème technique sans doute tout con, mais que je ne parviens pas à résoudre, fait que je ne peux ces jours-ci envoyer de mails. Je m'excuse auprès des clients de ce café qui ont récemment pris la peine de m'écrire, je leur réponds dès que possible...

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samedi 5 février 2011

(Vraiment pas le temps...)

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"L'horreur des bourgeois est bourgeoise." (Jules Renard, 1889)

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