jeudi 29 mars 2012

Genèses, limites et ambiguïtés du « soralisme », II bis. On peut retourner le problème dans tous les sens...

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Genèses, limites et ambiguïtés du « soralisme », I.

Genèses, limites et ambiguïtés du « soralisme », II.

Genèses, limites et ambiguïtés du « soralisme », III.


...on en reviendra toujours là : c'est peut-être un problème qu'ils nous détestent, mais c'est encore plus un problème qu'ils aient de bonnes raisons de le faire. Et même, qu'ils aient de bonnes raisons de nous mépriser. On peut retourner le problème dans tous les sens, on en revient toujours à Machiavel : si on ne peut être aimé, il faut au moins être craint. Nous ne sommes guère plus craints qu'en tant que caution morale, je rigole, âme damnée si l'on préfère, des États-Unis. Notre dernière capacité d'agir, qui est une capacité de nuisance, se trouve là : la vaseline BHL qui permet à d'autres - en Syrie, ça coince, quand même - d'aller les enculer une fois de plus. France, lubrifiant de l'Empire ! Qui a lu Verschave sait que ce n'est pas nouveau, mais, au fil du temps, et entre autres du fait du cynisme paradoxalement innocent de notre président actuel (et à venir ?), c'est devenu de plus en plus apparent.

De ce point de vue, on peut certes chercher plein de petites bêtes sur le cadavre de M. Merah, mais, comme le dit J.-P. Voyer, peu importe qu'il soit manipulé : je pense qu'il y a quelques années encore, personne n'aurait pu manipuler qui que ce soit pour le pousser à tuer des militaires français et des enfants... des enfants quoi, au fait ?

- la question n'a rien d'odieux, n'a rien d'un détail, comme dirait Jean-Marie, même s'il est plus aisé à un blogueur de la poser qu'à un homme politique de l'aborder : ces enfants, qu'étaient-ils pour leurs parents ? Juifs, Français, Israéliens ? qu'étaient-ils pour M. Merah ?

Passons. Ainsi que je le signalais avant-hier sur Twitter, j'ai commencé à écrire ce texte avant d'écouter l'entretien de mars d'Alain Soral. Je m'agaçais à part moi de lire sur le site d'E&R ou sur Voxnr des textes sur un éventuel côté agent double de M. Merah. Ach, ce n'est certes pas que cela me gêne que l'on ne se contente pas des versions officielles, ce n'est pas non plus qu'il soit insignifiant de savoir si Merah était « manipulé » (je mets des guillemets, parce que c'est une notion qui n'est pas aussi évidente qu'elle peut en avoir l'air : ce jeune homme avait son libre arbitre, me semble-t-il) et surtout par qui, mais je trouve qu'à ne s'interroger que sur cet aspect des choses on passe à côté d'autres vérités.

Dans son entretien du mois, donc, A. Soral, un peu comme il l'avait fait au moment des crimes d'A. Breivik, passe sans transitions logiques claires de l'émission d'hypothèses et de soupçons à propos de ce que racontent les media, à l'affirmation pure et simple que « c'est bidon » (je résume, je ne cite pas). C'est d'une certaine façon de bonne guerre, dans un entretien oral, mais cela ne simplifie pas les choses.

J'ajouterai que s'il n'est pas impossible que MM. Breivik et Merah aient été tous les deux « manipulés » par le grand méchant loup sioniste, il faudrait quand même se demander s'il est bien cohérent de voir la patte dudit loup derrière, d'une part, un aryen sioniste qui tue des jeunes gauchistes, d'autre part un rebeu musulman aux actions fortement anti-sionistes. Je sais bien que, dans le détail, A. S. a affiné le truc, que l'histoire Breivik était censée être un signal envoyé à la Norvège pro-palestinienne, alors que Merah serait là pour alimenter le choc des civilisations…

Mais, bon sang de bois, il existe tout de même bien un peu, ce choc ! La question est surtout de savoir à quel point son existence se confond avec son essence, autrement dit de savoir si eux et nous sommes voués à nous détester, depuis toujours et pour toujours, et à nous foutre sur la gueule de plus en plus souvent, éventuellement jusqu'à anéantissement de l'une des parties, ou si l'état de haine réciproque par certains aspects de plus en plus évident est un acmé temporaire, qui peut laisser la place à une coexistence pacifique, n'impliquant pas nécessairement - il ne vaut sans doute d'ailleurs mieux pas - de grandes embrassades.

Je suis d'accord avec A.S. pour jouer la deuxième option, je ne conteste absolument pas le rôle que jouent N. Sarkozy et autres BHL pour mettre de l'huile sur le feu en la matière, mais ce qui persiste à me gêner est cette espèce d'idée sous-jacente qu'il ne faudrait pas grand-chose pour que tout aille bien. (Ce n'est pas forcer le sens de la pensée d'Alain Soral que d'aller jusqu'à dire que selon lui il suffirait que les Juifs arrêtent d'être juifs, quoi que l'on entende par là, pour que tout aille bien.) Peut-être ne faudrait-il effectivement pas grand-chose pour que tout aille mieux, mais pour que tout aille bien, c'est une autre paire de manches.

Reposons maintenant le problème comme nous avions commencé par le faire, la difficulté, vous l'aurez compris, étant qu'il me faut à la fois parler de M. Merah et d'A. Soral, alors même que l'on ne sait pas trop ce que voulait le premier cité, ce qui m'oblige à traiter la question par approches tantôt générales, tantôt plus précises. Dans son entretien récent, le « Président » a une formule assez forte, que je cite approximativement : sa propre analyse de la situation politique en France et dans le monde serait tellement juste qu'il faut en venir à faire tuer des enfants pour essayer de la contrecarrer.

D'une certaine façon, c'est exactement ce que j'ai écrit au début de ce texte, et qui me semble effectivement essentiel : que M. Morah ait été seul, agent double, triple, fou, manipulé, hyper-lucide, lâche ou courageux, cela ne change rien au fait que ce qu'il a fait n'avait pas été fait avant en France, de même qu'A. Breivik avait poussé le curseur à un niveau jusque-là non atteint en Norvège, ou que O. Ben Laden avait donné une nouvelle dimension au terrorisme un certain jour de septembre 2001. Les services secrets peuvent être imaginatifs et cyniques, ils ne peuvent oser aller jusqu'à un certain niveau d'imagination et de cynisme que parce que cela correspond à un certain air du temps, qui les imprègne autant que le pékin moyen. Des enfants juifs élevés dans des écoles religieuses en France, cela fait un paquet d'années que l'on peut les dégommer sans problème et que l'on peut avoir envie de le faire si on juge que ce sera un bon message à envoyer à Israël. Matériellement, c'est très facile à faire, c'est même, soyons de mauvais goût, enfantin. Mais on ne l'avait jamais fait, parce que, spirituellement, c'est une autre paire de manches : tuer des gamins en France pour passer le bonjour à Israël, éventuellement faire tuer des gamins par un jeune homme en colère pour foutre la merde en France (ou, éventuellement bis, savoir que ce jeune homme est en train de manigancer un truc et le laisser faire, parce qu'on sent que ça foutra la merde en France), il faut que la situation soit déjà, encore une fois d'un point de vue spirituel, passablement pourrie pour que l'on en arrive là.

Et j'en reviens à mon point de départ : le problème est surtout qu'ils aient de bonnes raisons de nous détester. Je vous ai cité il y a peu la belle phrase de Simone Weil : "Les humiliations infligées par mon pays me sont plus douloureuses que celles qu'il peut subir." Nous en sommes arrivés au stade où se confondent les humiliations infligées et les humiliations subies : il ne s'agit pas d'éluder leurs responsabilités, mais de voir les nôtres en face, nous ne pouvons pas les changer, mais nous pouvons peut-être nous changer nous-mêmes, un peu. C'est encore, finalement, le meilleur moyen pour que BHL soit moins juif.


P.S. Et Marc-Édouard Nabe, dans tout ça ? Depuis maintenant assez longtemps qu'elle est en ligne, je ne suis pas arrivé à regarder la vidéo de sa conférence avec T. Ramadan. L'antipathie que j'ai toujours eue pour celui-ci et ses incessants tortillements du cul, la mauvaise qualité de la vidéo sont des raisons à ce refus de la regarder, des raisons évidemment accessoires. J'ai surtout à combattre l'impression intuitive, depuis l'annonce de cette conférence, que MEN s'est ici engagé dans un truc foireux - et ça me ferait chier d'avoir raison. Les extraits mis en ligne par A. Soral ne le confirment qu'à moitié, ce que dit M.-É. Nabe sur le côté « mystique » du printemps arabe suscitant par exemple ma curiosité. A suivre !


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vendredi 23 mars 2012

Rêve d'amour.

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Suite aux réflexions en cours relatives au désir d'Apocalypse qu'il me semble découvrir chez mes contemporains, je tombe, toujours chez Chesterton, sur un passage consacré à la fin du paganisme, dans lequel le génial catholique francophile anglais exprime l'idée qu'à partir d'un certain stade l'homme païen sent que sa religion n'est qu'artifice - ou n'est plus qu'artifice :

"La religion rustique qui faisait le bonheur de la vie des champs avait trahi son intime faiblesse, au fur et à mesure que la société se faisait plus complexe : elle s'était contentée d'apparences, et l'être lui faisait défaut. Le monde avait passé sa jeunesse à se griser de fables et à s'amouracher d'images ; il avait fait la fête sans souci du lendemain. (...) Je ne crois pas... que la mythologie commence par l'érotisme, mais je suis persuadé qu'elle doit en finir par là ; de fait, c'est ce qui arriva, et plus la poésie devint luxurieuse, plus la luxure devint fangeuse. Vice grec, vices orientaux [?], vieux démons sémites [?], tous les maléfices et toutes les perversions s'abattirent sur l'imagination romaine comme des mouches sur un fumier.

On se lasse de tout, surtout de « faire semblant », et l'heure vient immanquablement où l'enfant en a assez de jouer au voleur et au sauvage, et se met à tourmenter le chat (...). Cette satiété produit dans tous les paradis artificiels le même résultat, qui consiste à doubler la dose. L'homme cherche des péchés nouveaux et d'inédites obscénités, il s'abandonne aux plus sales pratiques et aux pires folies des superstitions orientales (...). Le somnambule cherche le réveil dans le cauchemar." (L'homme éternel, 1925, Plon, coll. "Le roseau d'or", 1927, pp. 287-89)

C'est évidemment à cette dernière phrase que je voulais en venir. Je ne développe pas plus avant, puisque j'ai justement écrit récemment ce que j'avais à écrire sur le sujet.

Tout au plus ajouterai-je qu'il m'arrive de penser qu'après tout vivre une période de décadence n'est peut-être pas si terrible que ça. "Nous aurons eu la mauvaise partie..." : certes, à tout prendre mieux vaut vivre dans une époque faste que de sentir le sol se fendre sous nos pas un peu plus rapidement chaque jour, comme c'est le cas en ce moment. Mais être témoin de la disparition en cours de « l'homme de gauche », par exemple, c'est un luxe... Plus généralement, se sentir contemporain d'un moment où l'humanité risque de tester ses potentialités à se massacrer, ce n'est peut-être pas bandant, mais on se dit que ça risque d'être instructif. L'enfer, c'est pour bientôt, on va voir à quoi ça ressemble - en sachant bien que l'on ne peut y rester simple témoin.

J'espère que vous comprenez que cet état d'esprit n'est pas le même que celui, « kojévien », que je critiquais dans ma dernière chronique de l'Apocalypse à venir. Je ne souhaite rien, et ne me découvre certes pas le goût du sang. En revanche, oui, j'ai une certaine impatience : si tout doit disparaître, que ce soit pour bientôt, je n'ai pas envie de passer les dix ou vingt prochaines années dans cette atmosphère mollassonne et « somnambule », comme dit Chesterton, pour être un vieux con apeuré au moment où ça s'écroulera vraiment.

Bon, ceci dit, mon frère se marie en grande pompe ce week-end, ce qui signifie, d'une part que j'ai plein de choses à faire et dois vous laisser, d'autre part et surtout que la vie pendant ce temps continue, ce qui j'imagine n'est pas plus mal.


"Alors les nations craindront le nom de Iahvé
et tous les rois de la terre ta gloire ;
quand Iahvé rebâtira Sion,
qu'il y apparaîtra dans sa gloire,
il se tournera vers la prière des dépouillés,
il ne méprisera pas leur prière.

Que cela soit écrit pour la génération future
et que peuple régénéré célèbre Iah !"

(Psaume CII)

Shalom !

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lundi 19 mars 2012

"L'artificiel est sans doute plus ancien que le naturel."

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Mon "Érotique de la crise" avance... pas assez vite à mon goût. Quelques petites citations pour vous faire patienter, dans l'optique d'un approfondissement toujours en cours des divers aspects de l'enculisme international :

"Cet argument tend à représenter les Irlandais ou les Celtes comme une race curieuse et à part, une tribu d'excentriques dans le monde moderne, pénétrée de légendes obscures et de rêves stériles. Il tend à représenter les Irlandais comme des fantaisistes parce qu'ils voient des fées. Et à les rendre bizarres et farouches parce qu'ils chantent de vieilles chansons et se réunissent pour danser des danses étranges. Mais c'est une grossière erreur, et même le contraire de la vérité. Ce sont les Anglais qui sont fantaisistes parce qu'ils ne voient pas les fées. Ce sont les habitants de Kensington [à Londres] qui sont bizarres et farouches parce qu'ils ne chantent pas de vieilles chansons et ne se réunissent pas pour danser des danses étranges. Au fond, les Irlandais ne sont pas le moins du monde curieux ni à part, pas le moins du monde celtiques, au sens courant et populaire du mot. Au fond, les Irlandais ne sont qu'une nation ordinaire et sensée, qui vit la vie de n'importe quelle autre nation ordinaire et sensée qui n'aurait pas été abrutie par la fumée, opprimée par les prêteurs sur gages, ou corrompue d'une autre manière par la richesse et la science. Il n'y a rien de celtique dans le fait d'avoir des légendes. C'est simplement humain. Les Allemands, qui sont (je suppose) des Teutons, ont des centaines de légendes, partout où il arrive que les Allemands soient humains. Il n'y a rien de celtique dans le fait d'aimer la poésie ; les Anglais aimaient peut-être plus la poésie qu'aucun autre peuple avant de vivre dans l'ombre de leurs tuyaux de poêle et de leurs chapeaux en forme de tuyaux de poêle. Ce n'est pas l'Irlande qui est folle et mystique ; c'est Manchester qui est folle et mystique, qui est incroyable, qui est une exception abracadabrante parmi les choses humaines." (Chesterton, Hérétiques, pp. 159-160)

Chesterton me fait l'honneur d'être d'accord avec moi et ce que je dis depuis maintenant des années : notre monde n'est pas désenchanté, il est mal enchanté. Un autre exemple :

"Tous les hommes sont donc ritualistes, mais ils le sont consciemment ou inconsciemment. Les ritualistes conscients se contentent en général de quelques signes très simples et élémentaires ; les ritualistes inconscients ne se contentent de rien, à moins qu'ils ne soumettent la vie entière à un ritualisme presque insensé. On appelle les premiers des ritualistes parce qu'ils inventent et se rappellent un seul rite ; on appelle les autres antiritualistes parce qu'ils en observent et en oublient mille. Et cette distinction entre le ritualiste conscient et le ritualiste inconscient (...) est en quelque sorte comparable à celle qui existe entre l'idéaliste conscient et l'idéaliste inconscient. Il est vain de s'emporter contre les cyniques et les matérialistes : il n'y a ni cyniques ni matérialistes. Tout homme est idéaliste, mais il arrive souvent qu'il n'ait pas le bon idéal. Tout homme est irrémédiablement sentimental ; malheureusement, il s'agit souvent d'un faux sentiment. Quand nous affirmons, par exemple, au sujet d'un homme d'affaires sans scrupule, qu'il ferait n'importe quoi pour de l'argent, nous employons une expression tout à fait impropre, et nous le calomnions considérablement. Il ne ferait pas n'importe quoi pour de l'argent. Il ferait certaines choses pour de l'argent ; il vendrait par exemple son âme pour de l'argent (...). Il opprimerait l'humanité pour de l'argent, mais il se trouve que l'humanité et l'âme ne sont pas des choses auxquelles il croit : elles n'entrent pas dans son idéal. Il possède toutefois un idéal subtil et obscur, qu'il ne violerait pas pour de l'argent. Il ne boirait pas à la soupière pour de l'argent. Il ne porterait pas son frac à l'envers pour de l'argent. Il ne ferait pas courir le bruit qu'il est victime d'un ramollissement du cerveau pour de l'argent. Dans la pratique de la vie quotidienne, nous constatons exactement, en matière d'idéal, ce que nous avons déjà constaté en matière de rites. Nous découvrons que, même s'il existe un véritable danger de fanatisme chez les hommes dont l'idéal n'est pas réaliste, le danger permanent et urgent de fanatisme provient des hommes dont l'idéal est matérialiste." (pp. 223-224)

Pas besoin de commenter, je rappelle juste que Hayek était lui-même idéaliste, et même holiste... Je trouve par ailleurs, dans le recueil de critiques littéraires de Pierre Boutang Les abeilles de Delphes ((Éditions des Syrtes, 1999 [1952], p. 257) un prédécesseur inattendu à Jean-Pierre Voyer et à l'idée fondamentale que "L'humanité est une cérémonie" - sentence dont la phrase de Chesterton que j'ai utilisée pour titre aujourd'hui (Hérétiques, p. 123) est une autre expression -, un prédécesseur inattendu, au moins pour moi, Antoine de Saint-Exupéry, qui écrivait dans Citadelle : " Je ne connais rien au monde qui ne soit d'abord cérémonial."


Et heureusement !


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mercredi 14 mars 2012

L'amour physique est sans issue.

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Une parenthèse pour se divertir ce matin, avec une histoire dont j'ignore absolument si elle est vraie, mais qui circulait dans le milieu homo pendant les années 70 et dont je ne pense pas qu'elle figure dans le biopic consacré à l'intéressé, en salles aujourd'hui.

Tout le monde connaît la légende urbaine selon laquelle ce n'est pas en changeant une ampoule au sortir du bain mais en jouant imprudemment avec un vibromasseur que notre Clo-Clo national se serait électrocuté - la mort transforme la vie en destin, comme dit l'autre. L'historiette de ce jour est du même tonneau.

Or doncques, l'interprète de Belles belles belles aurait ce soir-là - Viens à la maison - fait monter un grand noir chez lui. Jusqu'ici, rien que de très normal, c'est Comme d'habitude. L'athlète nègre s'applique (Un peu d'amour, beaucoup de haine) à enfiler consciencieusement Le mal aimé.

Ça s'en va et ça revient, Serre-moi, griffe-moi, Je tiens un tigre par la queue, L'amour c'est comme ça, Vivre que c'est bon, etc., tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu'à ce qu'il s'avère que l'étalon, peut-être trop membré pour les capacités d'accueil du Chanteur malheureux, y a coincé son Jouet extraordinaire.

Rien à faire, impossible de bouger, impossible de sortir, Clo-Clo s'est refermé, le nègre est bloqué dans le couloir de la mort.

Si j'avais un marteau... Le tapin ne perd pas pour autant la tête, ramasse son François, et à bout de bras comme de bite l'entraîne dans la cuisine. Il commence à farfouiller dans le tiroir à couverts. Le Pantin sodomisé comprend ce qui passe par la tête de son esclave, essaie de l'en empêcher, Stop, au nom de l'amour !, mais l'autre ne s'en laisse pas compter, Tu as tes problèmes, moi j'ai les miens, et Tout éclate, tout explose, le couteau fait son oeuvre, l'anus du chanteur préféré des Français et de Gilles Deleuze est fendu juste ce qu'il faut pour que le prostitué retrouve sa liberté.

Claude François appelle les urgences au téléphone (J'attendrai...), rejoint Clopin Clopant son lit, sanglote, laisse ses Pleurs sur l'oreiller.

Plus qu'à l'amour la suite appartient à la médecine et à la couture, je m'arrête donc là.

- Évidemment, on pourrait faire plein de théories sur la double vie des stars, les médisances et le masochisme des pédés, l'hypocrisie de la France de Michel Drucker (et d'un autre pédéraste notoire, Serge Gainsbourg), etc. Voire même, et dans une autre optique, l'innocence de tout désir. - Mais est-ce bien l'heure de la théorie ?


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jeudi 8 mars 2012

"La capitulation de la femme."

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Travaillant comme je vous l'ai promis la dernière fois à une sorte d'érotique de la crise, je constate ce matin, d'une part qu'il va me falloir encore quelques jours pour en venir à bout, d'autre part que c'est aujourd'hui ce que l'on appelle la journée de la femme. Faisons en sorte, à notre petit comptoir, que ce soit effectivement « sa journée », ai-je donc pensé, au sens où l'on se dit parfois, avec humour noir : "C'est vraiment mon jour."

Voici donc le texte par le biais duquel j'avais décidé d'aborder ce problème (qu'à dessein je ne cherche pas à formuler plus précisément pour l'instant). Comme vous pourrez le constater, il se suffit pleinement à lui-même :


"Dans cet endroit qu'on appelle l'Angleterre, une chose aussi étrange qu'ahurissante s'est produite en cette fin de siècle. Ouvertement et ostensiblement, ce conflit ancestral s'est brusquement et silencieusement terminé ; l'un des deux sexes a soudain capitulé. A l'orée du vingtième siècle, au cours de ces dernières années, la femme a publiquement capitulé devant l'homme. Elle a sérieusement et officiellement reconnu que l'homme avait raison depuis toujours ; que la place publique ou Parlement était, en fait, plus importante que le foyer ; que la politique n'était pas (comme elle l'avait toujours soutenu) une excuse pour boire de la bière, mais une solennité sacrée devant laquelle les nouvelles adoratrices devaient se prosterner ; qu'à la taverne on pourrait non seulement admirer mais envier les patriotes bavards ; que parler n'était pas gaspiller son temps et que, de ce fait, les tavernes n'étaient pas un gaspillage d'argent. Nous les hommes, nous avions fini par par nous habituer à entendre nos épouses, nos mères, nos grands-mères et nos grand'tantes maudire en choeurs éplorés nos passe-temps, qu'ils fussent sport, boisson ou partis politiques. Et voici qu'arrive Miss Pankhurst, les larmes aux yeux : elle reconnaît que les femmes avaient tort et que les hommes avaient raison ; elle implore qu'on l'admette, ne serait-ce que dans la cour, afin qu'elle puisse entrevoir ces exploits masculins que ses soeurs raillent avec tant de légèreté.

Bien sûr, cette évolution des choses nous perturbe et même nous paralyse. Au long de cette vieille guerre entre le foyer et le cabaret, les hommes, comme les femmes, s'étaient laissés aller à des exagérations et des extravagances, sentant qu'il leur fallait préserver l'équilibre. Nous disions à nos épouses que le Parlement s'attardait sur des affaires de toute première importance ; jamais il ne nous était venu à l'esprit qu'elles le croiraient. Nous disions que tout le monde dans le pays devait avoir le droit de vote ; et nos épouses de rétorquer que personne ne devait fumer la pipe au salon. Dans les deux cas, l'idée était la même. « Cela n'a pas grande importance mais si vous laissez faire, ce sera la pagaille. » Nous disions que le pays ne pouvait se passer de Lord Huggins ni de M. Buggins. Nous savions pertinemment que la seule chose dont le pays ne pouvait se passer c'était que les hommes fussent des hommes et les femmes fussent des femmes. Ça, nous le savions ; nous pensions que les femmes le savaient encore mieux que nous ; et nous pensions aussi qu'elles le diraient. Et voici que, sans crier gare, les femmes se sont mises à dire toutes ces inepties auxquelles nous croyions à peine lorsque nous les disions. La noblesse de la politique ; la nécessité des votes ; la nécessité de Huggins ; la nécessité de Buggins ; tout ce courant limpide que nous déversent les lèvres des Suffragettes. Je suppose qu'il y a dans chaque combat, si vieux soit-il, une vague aspiration à vaincre ; mais jamais nous n'avions voulu vaincre les femmes aussi complètement que cela. Nous nous attendions juste à ce qu'elles nous laissent peut-être un peu plus de liberté pour nos sottises ; jamais nous n'aurions cru qu'elles les prendraient au sérieux. C'est pourquoi je suis tout désorienté par la situation actuelle…" (G. K. Chesterton (qui d'autre ?), 1910, Le monde comme il ne va pas, pp. 109-110.)

- Texte fort savoureux, toute la question étant de savoir jusqu'à quel point on peut le prendre à la lettre. Je m'efforcerai, d'ici peu j'espère, de l'interpréter dans le sens le plus légitimiste possible. Bonne journée à toutes et à tous !

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jeudi 1 mars 2012

"Qu'on me donne l'envie..."

"Faut qu' ça saigne
Faut qu' les gens ayent à bouffer
Faut qu' les gros puissent se goinfrer
Faut qu' les petits puissent engraisser
Faut qu' ça saigne
Faut qu' les mandataires aux Halles
Puissent s'en fourer plein la dalle…"

(Les joyeux bouchers.)

"Cornegidouille ! Nous n'aurons point tout démoli si nous ne démolissons même les ruines ! Or je n'y vois d'autre moyen que d'en édifier de beaux édifices bien ordonnés."

(Ubu enchaîné.)


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"Statu quo impossible, alternative impensable : tel pourrait se résumer l'état d'esprit qui prévalait dans l'Europe de 1914. Trop de tensions accumulées, trop d'oppositions à l'oeuvre, entre les États, entre les classes, trop de changements en cours, dans l'économie, dans la géographie, dans les moeurs, pour que les choses puissent continuer sur leur lancée et conserver longtemps encore leur physionomie familière dont on sentait bien, au regard de cet abîme potentiel du futur, qu'elle s'était au total maintenue, en dépit des bouleversements phénoménaux amenés par le siècle de l'histoire et de l'industrie. Jetant un regard en arrière, Péguy pouvait constater, sans grand risque d'être démenti : « Le monde a plus changé au cours des trente ans qui viennent de s'écouler qu'au cours des deux millénaires depuis le Christ. [L'Argent, 1913] » Ce n'était encore rien par rapport à ce que laissait pressentir le moindre regard vers l'avant. Impossible, en même temps, d'imaginer ce qui pouvait sortir de ce chaudron en ébullition. Autre chose, mais quoi ? Comment se représenter l'irreprésentable, c'est-à-dire une rupture avec le présent telle qu'on ne puisse lui attribuer de contenu défini ? Même la perspective eschatologique du Grand Soir pâlit d'apparaître encore trop déterminée. L'attente grandit, tandis que la capacité de prédiction recule. Entre un passé dont l'appui se dérobe et un avenir gros d'un insaisissable renouvellement du monde, l'histoire semble en suspens.

Il n'est pas exclu que cette expectative fébrile ait joué un rôle dans le déclenchement du conflit. Les conditions étaient réunies, avec le face-à-face explosif des deux systèmes d'alliances. On a décrit cent fois le noeud fatal qui s'était formé entre le désir de revanche français, les aspirations allemandes à la « politique mondiale », la machine aveugle de l'expansionnisme russe, la vulnérabilité agressive du conglomérat austro-hongrois et le refus britannique de toute hégémonie continentale, comme de toute remise en question de sa suprématie navale. Il n'empêche que ce réseau serré de contraintes eût pu fonctionner comme un corset, destiné, au final, à contenir et à neutraliser les rivalités et les passions guerrières qu'il exacerbait par ailleurs. C'est ce qu'escomptaient quelques observateurs parmi les plus avertis [par qui, demanderait Coluche], sur la foi de la manière dont les crises répétées qui avaient secoué ce fragile équilibre s'étaient chaque fois apaisées. La légèreté des gouvernants, leur myopie devant les suites de leurs actes, l'impéritie des diplomates, l'engrenage des plans de mobilisation, la méconnaissance générale de ce qu'allait réellement être cette guerre préparée de si longue main ne suffisent pas à expliquer le dérapage de l'été 1914. Il a fallu autre chose pour précipiter la soustraction des événements au contrôle d'un mécanisme qui avait, en somme, fait ses preuves. Il a fallu l'intervention d'un facteur subjectif, d'autant plus mystérieux que manifestement partagé. Quelque chose entre l'envie d'en finir avec une attente insupportable, le recours à une épreuve décisive en forme d'ordalie et l'appel de l'abîme. L'inconscience n'est pas exclusive d'une obscure fascination pour ce qu'on ne veut pas voir, d'une attraction magnétique pour ce qu'on redoute de découvrir de l'autre côté." (M. Gauchet, A l'épreuve des totalitarismes, pp.7-8 - il s'agit de l'incipit et des premiers paragraphes du livre.)

Quand un auteur pour lequel vous avez une certaine estime écrit quelque chose que vous avez déjà pensé et à plusieurs reprises exprimé (voici le lien le plus ancien sur ce thème), vous avez tendance à être d'accord avec lui… quitte d'ailleurs à extrapoler un peu : j'ai en tout cas été sensible aux échos contemporains de cette présentation de l'Europe de 1914 avant son Holocauste.

"Le sang n'a pas coulé, il ne s'est donc rien passé.", tel fut paraît-il le « résumé » de Mai 68 par Kojève. En 1914 comme maintenant, plus encore maintenant, on a le sentiment que ce qu'on appellera faute de mieux « les gens » se comportent comme s'ils souscrivaient à cette phrase. Que l'on peut bien sûr retourner : pour qu'il se passe quelque chose, il faut que le sang coule. Faut qu'ça saigne… Notre ami Homo Occidentalus est en train de réussir cette prouesse étonnante qui consiste à s'enculer soi-même par tous les trous : il a fait semblant que des guerres ne soient pas de vraies guerres (l'OTAN contre la Serbie), qu'il n'y avait que les autres, les salauds, qui faisaient de vraies guerres, ça a encore marché récemment en Libye, en attendant de voir ce qui se passe pour la Syrie… et il entre en même temps dans une autre logique, au contraire eschatologique, sacrificielle et masochiste, celle que l'on voit à l'oeuvre au sujet de l'Iran, une sorte de logique du pire et de la catastrophe, de la catastrophe inouïe qui seule redonnerait un peu de « réalité » au monde qui nous entoure. Pour utiliser la formule de Lacan selon laquelle "le réel, c'est l'impossible", on dira ici qu'il faut passer (ou qu'il semble qu'il faille passer) par l'impossible pour retrouver un peu de réel.

Ces choses sont toujours un peu compliquées. Le pékin moyen n'est pas un va-t-en-guerre, il a d'autres chats à fouetter que l'Iran et n'en souhaite certes pas la destruction ; pourtant je crois que les manoeuvres atlantistes, sionistes, « impériales », etc., ne pourraient tout simplement pas se produire si elles ne répondaient pas quelque part à un désir assez communément partagé de simplification des choses, "l'envie d'en finir avec une attente insupportable", joints à une conscience que si on saute ce pas on ne pourra pas revenir en arrière, et que donc, je me répète, le réel va revenir…

Ce pourquoi, soit dit en passant, si les avertissements et craintes d'Alain Soral concernant l'advenue possible d'une situation de combat binaire entre « eux » et « nous », d'une situation où l'on sera sommé de choisir son camp, ont leur pertinence, peut-être ont-elles tendance à méconnaître ce fond, ce fond de sauce, si j'ose dire, ce désir de clarifier enfin un peu les choses - et de les clarifier façon Kojève

Soit dit en passant bis, il n'est pas tout fait inintéressant de constater qu'en ce point nous pourrions aller dans deux directions opposées. Marcher aux côtés d'Alain Soral et du modèle du juif talmudique, sans pitié, qui d'une part utilise ce qu'on peut appeler les composantes archaïques du désir de violence (régler les problèmes par le sang ; avoir besoin d'un ennemi pour souder la communauté, etc.) pour asseoir sa propre domination ; et qui, d'autre part, est lui-même profondément imprégné de ce modèle violent et vengeur - par opposition (je rappelle que je ne fais ici que suivre les propos du président d'E&R dans ses vidéos des derniers mois) aux capacités chrétiennes de pardon. - A l'opposé, on peut prendre le chemin d'un René Girard, assimiler ces idées de violence et de vengeance à l'humanité pré-chrétienne en général, et considérer que c'est avec l'Ancien Testament, non certes d'une façon linéaire, que se met petit à petit en place un autre modèle, que le juif nommé Jésus viendra finalement incarner.

Peut-être d'ailleurs ai-je ici le tort de trop souscrire à la caricature qu'il arrive à Alain Soral de donner de lui-même sur ce thème, peut-être peut-on plutôt, ainsi que l'écrivait récemment Laurent James dans la lignée de Céline, M.-É. Nabe et, donc, A. Soral lui-même en certaines occurrences, s'interroger sur le rapport compliqué et fluctuant des Juifs au judaïsme et à la façon dont celui-ci s'est construit au fil du temps, pour déboucher quand même sur une autre religion...

Bref ! C'est toujours la même chose : d'un côté on a l'impression que l'on peut très bien traiter tous ces problèmes - que l'on peut résumer, pour bien centrer notre sujet du jour, par la question : quel réel y a-t-il en dehors de la violence ? - sans devoir se retrouver dans les questions empoisonnées de judaïsme et d'antisémitisme ; d'un autre côté on n'a pas fait trois pas dans la description qu'Israël se pointe, et que c'est reparti pour un tour… Il n'y a rien à faire, on peut retourner le problème dans tous les sens, les Juifs ne sont pas comme les autres - en partie d'ailleurs parce qu'ils sont comme les autres ! Question juive…

A ce sujet, dans une interview récente (commentée ici par le maître), Emmanuel Todd glisse, en évoquant les rapports ambigus des Français à l'Allemagne : "De même que l'antisémitisme et le philosémitisme constituent deux versions d'un excès d'intérêt, pathologique, pour la question juive…" - Quand un auteur pour lequel vous avez une certaine estime écrit quelque chose que vous avez déjà pensé et à plusieurs reprises exprimé … E. Todd confirme d'ailleurs ici l'existence de cette « question ».

Que je n'aborderai pas plus avant ! Résumons-nous. En utilisant les échos par rapport à l'actualité la plus brûlante du diagnostic général de Marcel Gauchet sur l'état d'esprit des Européens avant la Grande guerre, j'ai suggéré que dans nos rapports compliqués avec l'Apocalypse à venir on retrouvait d'une part un désir du pire, d'autre part des idées et comportements que l'on qualifiera faute de mieux d'« archaïques », comme si finalement « les gens » étaient au fond d'accord avec l'idée de Kojève qu'il faut que le sang coule pour qu'il se passe quelque chose.

C'est une idée fausse et quelque peu naïve, mais dont la part de vérité est indéniable. Quitte à tomber, dans ce qu'un commentateur appelait récemment des "réflexions souvent très amples dans la critique verbale mais sans la moindre conclusion pratique", j'essaierai une prochaine fois, de trouver d'autres explications et interprétations à la crise, à l'aide notamment du bon vieux précepte : "La réalité objective n'est pas de nature matérielle" (sur lequel vous trouverez des éclaircissements ici et ). Précepte dont le caractère abstrait ne doit certes pas masquer le potentiel à la fois explicatif et érotique, cela en partie parce que ceci. A bientôt - juste avant la nuit...


juste-avant-la-nuit



P.S. E&R publie ce texte sur l'Islande qui, du fait de ma connaissance « par alliance » du pays, me semble je l'avoue, plein de fantasmes. Si l'« alliance » en question fait un petit effort et me donne les arguments précis pour le prouver, je transmettrai, à vous comme à l'auteur de ce texte.

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