jeudi 14 janvier 2016

Au Bonnard du jour... (IV) Dieu et mon anarchisme. L'espoir fait vivre, l'optimisme tue.

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Une des rares photographies acceptables lorsque l'on tape sur Hitler-Google (images) : "L'idée du bien" - et on la trouve sur un article qui suggère vaguement que Humphrey, tout en se tapant mille femmes au cours de sa vie, aurait été effrayé par son homosexualité. 1000, oui, il y a de quoi avoir peur.


(Ajout d'un P.-S. le soir.)


Pendant la rédaction d'un essai que certains trouveront peut-être « pessimiste », « noir » ou même « décliniste », je tombe sur un beau texte d'Abel Bonnard, dans lequel il fait un sort à ce que l'on appelle l'optimisme. En voici l'essentiel. Le gouvernement dont il est question dans les premières lignes est probablement le Cartel des gauches, j'ignore si A. B. fait allusion à un épisode précis, à la volonté d'un ministre du cartel de s'attaquer à un membre de l'Institut, ce qui ne serait certes pas sans rappeler les penchants autoritaires du petit merdeux Valls, ou s'il s'agit d'une forme d'allégorie.

"Le moment où un gouvernement privé de sang-froid veut forcer une confiance qu'il n'a pas su obtenir, et où il poursuit jusque dans l'Institut l'expression indépendante d'une opinion autorisée, n'est sans doute pas mal choisi pour faire quelque réflexion sur ce qu'on appelle l'optimisme. Les louanges enflées qu'on fait si souvent de cette prétendue vertu ne sont pas d'un bon signe pour la valeur générale des esprits. La plupart de nos contemporains, parmi ceux mêmes qui se piquent d'avoir une vie intellectuelle, deviennent de moins en moins capables de supporter le dur climat, l'hiver rigoureux et sublime de la pensée. C'est là une nouveauté dans notre pays. L'immortel honneur de la France, c'est qu'on a toujours voulu y voir clair. La littérature française du XVIIe siècle n'aurait pas gardé le prix qu'elle a pour tout homme qui pense, si, au lieu des vues les plus pénétrantes, des observations les plus sévères, elle était remplie de faciles fanfares sur la bonté de l'homme et la certitude du progrès. L'optimisme, il est vrai, se fait jour dans les livres du siècle suivant, mais, même alors, où trouver plus de défiance de l'être humain, plus de sarcasmes de sa nature et de son destin que dans Voltaire ? L'optimisme triomphe chez les principaux romantiques, mais son triomphe ne se marque que par une confusion de la sensibilité et du raisonnement où le coeur et l'esprit perdent tous deux leur noblesse. Il n'y a pas de place pour l'optimisme sur les sommets de l'esprit. Est-ce Eschyle, est-ce Sophocle, est-ce Dante, est-ce Shakespeare ou Cervantès qu'on trouvera optimistes ? A ces hauteurs règne seul le désir de connaître et de savoir, sans aucun égard pour ce que cette connaissance pourra avoir ensuite d'agréable ou de douloureux. C'est cette héroïque passion du vrai, la plus noble qu'un homme puisse nourrir, que ceux qui ne sont pas capables de l'éprouver calomnient en l'appelant « pessimisme ».

Mais, dira-t-on, l'optimisme est nécessaire pour l'action. Cela est juste ; encore faut-il s'entendre. Sans doute, on ne peut agir sans confiance et sans espérance. Mais cette confiance et cette espérance, bien loin de brouiller notre vue des choses, doivent succéder à la connaissance que nous en avons prise, au lieu de se mêler à elle, et c'est précisément le propre des hommes bien trempés et faits pour l'action, que rien ne les excite autant à intervenir que la grandeur des difficultés qu'ils ont à vaincre. L'idée profonde de l'optimisme moderne, au contraire, si tant est qu'on puisse parler de profondeur en un pareil cas, c'est d'espérer que, grâce à une certaine chaleur de sentiments, on pourra triompher de difficultés qu'on n'a pas su mesurer. Il suffit de tirer au clair cette prétention pour en juger la valeur. L'optimisme des politiciens, en particulier, n'est pas autre chose que ce refus de connaître une réalité qui les gêne. Ils sont optimistes avant tout, afin de ne pas faire l'aveu de leurs fautes. Il va sans dire que la réalité se venge bientôt. L'erreur d'un temps qui se plaît à tout brouiller, c'est de vouloir mêler l'optimisme avec le conseil, c'est de faire de l'optimisme une preuve de courage et un gage de succès, alors qu'il est précisément le contraire. (…) Le pilote qui dirait qu'il n'y a plus à se soucier des brisants, et qu'il suffit de ne pas prévoir les tempêtes pour y échapper, on devine comment son bateau finirait." ("Réflexions sur l'optimisme", Le Solitaire du Toit, Société du Livre d'Art, 1928, pp. 41-45). Son bateau ne serait pas seulement battu par les flots, par les djihadistes et, bientôt, les migrants-braqueurs-violeurs musulmans que Soeur Anne Hidalgo ne voit pas venir, mais sombrerait, et nous avec.

C'est d'ailleurs, poursuivons dans ce genre de métaphores, d'autant plus grave dans certains cas de se montrer (ou le déclarer) d'un « irréductible » ou d'un « incurable » optimisme - incurable, c'est bien le mot, comme une maladie -, que les optimistes, a fortiori s'il s'agit de politiciens, qui n'ont pas moins de responsabilités sous le prétexte qu'ils se refusent à les assumer, sont comme de mauvais conducteurs sur un autoroute : leur imprudence peut être fatale aux conducteurs raisonnables et attentifs. Comme j'ai décidé, parmi d'autres résolutions pour 2016, de faire court, je m'arrête là dans mes raisonnements et comparaisons, non sans vous gratifier d'une nouvelle salve anarchisante ("L'anarchie, c'est l'ordre") de Bonnard :

"Aimer la réalité, c'est la plus saine et la plus noble des passions de l'intelligence, et nul ne peut vraiment la changer selon ses désirs, qui n'a pas commencé par l'aimer telle qu'elle est. Cependant il est plus d'esprits qu'on ne croit qui répugnent à lui déférer, et même à la regarder en face. Ils déguisent leur aversion comme ils peuvent, et cet amour de la justice jaloux et absolu dont se targuent tant de gens ne sert souvent qu'à couvrir la haine du monde et l'envie de le détruire. (…) Quant au personnel politique, son cas est particulier. Il semble que sa fonction même soit d'étudier le réel avant tout le monde. Mais il est, en fait, le dernier à l'apercevoir. Ceux qui le composent vivent dans un monde fermé, sur des conventions, des fictions, des partis pris. Leurs intérêts, leurs habitudes, leur rhétorique même les séparent des choses. Ils parlent sans cesse de progrès, parce que c'est le mot dont ils vivent : mais ils sont essentiellement des retardataires." (pp. 6-7)

Le progressisme est une forme de mépris, non seulement du réel, mais des classes populaires. C'est une des raisons pour lesquelles l'homme politique de gauche a du dictateur en lui. - J'espère revenir bientôt vous combler de sentences et de citations sur ce sujet et sur d'autres, mais les vieux habitués savent qu'entre ce que j'annonce et ce que je fais, il y a du jeu...


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Résultat cette fois de la recherche, un rien perverse j'admets : "L'idée du bien lesbienne" - un type qui faisait shabbat, la vérité si je mens, a mis en ligne cette image d'une des femmes de ma vie. Pour le meilleur et pour le pire, les femmes crient, et Marnie parmi elles.


P.S. Dans ce qui précède se trouve un lien vers une lettre ouverte signée par les Fils de France de Camel Bechikh, à l'attention d'Alain Minc, lequel se targue de faire preuve d'un « irréductible optimisme ». Difficile de ne pas repenser à l'ignoble Minc en lisant ce jour dans Le Solitaire du Toit cette sentence de Bonnard :

"L'optimiste est non pas toujours, mais souvent, un homme qui supporte avec courage les malheurs des autres. Il met un panache à son égoïsme ; il déguise en générosité son insouciance." (p. 113)


A bientôt !