mardi 31 janvier 2017

Messe pour Thierry Lévy.

"Quand un homme ressent les désirs de l'amour, c'est bien cet homme qui désire ; mais en un autre sens, c'est sa faculté de désirer. En quel sens ? Est-ce l'homme qui commence à désirer, et la faculté de désirer suit-elle ? Mais comment l'homme peut-il désirer, si sa faculté de désirer n'est pas en mouvement ? C'est donc elle qui commence ; mais comment commencera-t-elle, si le corps n'a point reçu, au préalable, telle ou telle disposition ?"

Plotin. - Mon cher Abel Bonnard écrit des choses comparables : nos désirs sont en nous, mais sont-ils de nous ? Je vous retrouverai ça à l'occasion. On pourrait en conclure : le désir est peut-être innocent, mais sa satisfaction relève du libre arbitre, elle n'est plus innocente. La promotion réfléchie et hautaine des désirs des autres, sans discrimination, comme le faisait Me T. Lévy, ne nous semble pas quant à elle relever, le moins du monde, de l'innocence.

lundi 30 janvier 2017

De l'intelligence de Franck Ribéry en tant qu'elle est considérée comme un problème philosophique non négligeable.

Voilà une manière un peu mensongère, au sens où le sont en règle générale les publicités, une manière un peu surjouée si l'on préfère, d'introduire la citation du jour. Mais il est de fait que l'intelligence de M. Ribéry est pour moi un sujet de curiosité sincère. Je vous donne d'abord la citation du jour, que l'on doit à l'ancien brillant 3e ligne du XV de France, Olivier Magne, dans l'Équipe de ce jour :

"Le rugby, c'est fait pour tout le monde, sauf les imbéciles."

Ce qui est un écho plus ou moins conscient à la sentence célèbre, dont je ne me souviens plus si elle a un auteur connu : "Au rugby, le muscle le plus important, c'est celui situé entre les deux oreilles."

Hélas trois fois hélas, j'ai parfois le sentiment ces derniers temps que c'est maintenant plus vrai au football qu'au rugby, sport qui reposait sur un équilibre subtil de tant de composantes de la vie sociale et qui me semble avoir perdu à privilégier ce qui en lui était spectacle, au détriment de l'équilibre émotionnel, et de la portée émotionnelle, de l'ensemble. - Dans le même temps je me réconcilie avec le football, sa tension entre les schémas tactiques, l'endurance physique, le talent des joueurs (toutes choses égales d'ailleurs sur le monde du football, ou du sport en général. Mais bon : il y a par exemple eu ce week-end quelque chose de très manifestement heureux chez un sportif aussi professionnel que R. Federer). Et du coup, le problème philosophique de l'intelligence de F. Ribéry me revient à l'esprit : comment quelqu'un d'aussi con - là encore, très manifestement - peut-il être aussi brillant balle au pied ? Quelle est cette forme d'intelligence qui semble se situer exclusivement dans une relation entre l'oeil de F. Ribéry et les mouvements de ses pieds, et qui parfois même est obscurcie par la petitesse morale - le rapport entre celle-ci et l'intelligence d'un individu étant un problème philosophique connu, mais peu différent de celui que j'aborde - de l'intéressé, quand il ne veut pas faire une passe à un coéquipier qu'il ne peut pas blairer ? Peut-on écrire que F. Ribéry est plus intelligent qu'Alain Finkielkraut ? Peut-être. Que Jean-Paul Sartre ? Ça peut se soutenir. Que Marcel Proust ? - Là, ça coince, évidemment. Mais est-il si facile d'expliquer pourquoi ?

dimanche 29 janvier 2017

Welcome to the human race ?

J'ai écrit ce brouillon après avoir vu le film Passion de Brian de Palma. Je n'ai jamais réussi à vraiment le finir, il y est fait allusion à un projet de texte sur John Carpenter... qui n'a jamais quitté le stade du projet. Je peux donc en quelque sorte me citer moi-même sans enfreindre les règles de mon quotidien de blogueur de cette année 2017. Il faut simplement resituer le contexte.

Fin décembre 2013, je poste chez le Dr Orlof un commentaire sur la notion de transcendance dans le film de Scorsese, Le loup de Wall Street. Voici ce commentaire :

"Il n'y a pas de rédemption parce que nous sommes ici dans un univers sans transcendance aucune : c'est le pur règne de l'immanence : fric pour le fric, sexe sans visée qui lui soit intégrée. Il y a bien, effectivement, quelques restes de valeurs de solidarité amicale (ou de solidarité de classes, ou de complicité entre malfrats ?) - encore peut-on penser que c'est l'ami de Di Caprio qui donne le billet au FBI, pensant que tout est foutu (c'est juste une hypothèse). C'est à la fois la cohérence et la limite émotionnelle du film. Seuls deux moments rompent quelque peu, mais pas radicalement, avec cette immanence. La scène du métro, contrepoint du "réel" par rapport à l'univers factice dans lequel évolue le personnage principal ; la fin de l'enterrement de sa vie de garçon, quand il déambule, suivi par une caméra en plongée qui pourrait être un point de vue divin, au milieu des corps fatigués de la partouze. Dans les deux cas, c'est assez mineur : une note de social, une échappée vers une sorte de métaphysique burlesque de la touze. Scorcese ne pouvait peut-être pas faire mieux.

"Non récupérable" pouvait être un compliment dans certains contextes : le personnage de Di Caprio ne l'est pas non plus, mais d'une façon négative. On se dit que Scorsese a raison de le suivre ainsi, mais qu'on n'est pas bien avancé non plus. On comprend et on peut en partie adhérer à l'intelligence du projet, tout en ne pouvant s'empêcher d'y voir un certain échec du cinéma, art humain s'il en fut, à donner tout de même - et sans moralisme, cela va sans dire, sauf pour le crétin de Rue89 qui a recensé le film - un point de vue humain sur cette sorte de désir moderne pour l'inhumanité."

Quelques mois plus tard, la vision (tardive) de Passion et la relecture d'un bon texte de L. Maubreuil sur ce film (je ne retrouve pas le lien...), me ramènent à cette réflexion sur le statut vacillant de la transcendance chez les vieux cinéastes italo-catho-américains. Je commence donc le texte que vous allez lire. Je le mets de côté pour le peaufiner, tombe quelque temps plus tard sur une recension par le Dr Orlof d'un film de David Cronenberg, cinéaste pour lequel j'ai nettement moins d'empathie que Scorsese et surtout De Palma, mais qui semble, si j'en crois le Docteur, orienter alors ses recherches dans le même sens qu'eux. Ici, mes souvenirs sont flous : j'imagine que j'ai voulu voir le Cronenberg, ne l'ai pas fait, ai oublié mon projet, etc. Quoi qu'il en soit, voici cette ébauche, que je ne corrige pas :

"Passion c'est le Loup de Wall street de De Palma : pub au lieu de finance, femmes lesbiennes et manipulatrices (et Dieu que ce film est misogyne, d'une certaine manière) au lieu de mâles machos et simplets, et dans les deux cas très peu d'au-delà. Érotisme généralisé chez Brian (dans la première partie du film, la meilleure), bestialité chez Martin : l'un annule l'érotisme (parce qu'il sait ce qui va suivre, contrairement au spectateur, plutôt stimulé au contraire) par une sorte de dilution systématique - en cela bon reflet de ce monde aux sollicitations érotiques, ou se voulant telles, permanentes (mais qui jouit ?) - ; l'autre reste au niveau où il a toujours été, animal, comme l'est la sexualité masculine quand elle ne dialogue pas, si j'ose dire, avec la sexualité féminine. Pour en rester à ce niveau de la sexualité, on pourrait dire que De Palma est plus conscient ici que Scorcese de ce que le monde actuel implique, puisqu'il y a une déperdition, une dilution je le répète, dans et de l'univers érotique de Passion par rapport à d'autres oeuvres de De Palma, qu'elles soient ou non teintées de saphisme (ce qui est régulièrement le cas, tout de même), alors que la libido des traders actuels et celle des mafieux passés n'a rien de bien différent pour Scorsese. En revanche, et bien que je ne sois pas un grand scorsesien, la perte de la transcendance serait plus significative dans l'oeuvre de Martin, dans Le loup… par rapport à ce qui précède, que chez Brian, qui s'est toujours occupé du cinéma avant de penser à la transcendance (noté par moi-même le lendemain : c'est abusif). Ces symétries qui valent ce qu'elles valent aboutissant à la même sensation chez le spectateur, lequel pense que ces deux vieux routiers, enregistrent, dans tous les sens du terme, le même échec du cinéma à avoir un point de vue autre que celui du capitalisme hyperlibéral actuel. Le capitalisme dévore tout, ça n'a pas changé sur le principe depuis Marx, mais il y a de moins en moins de choses à dévorer : nos deux ritals, qui savent ce qu'art veut dire, peuvent encore montrer a contrario la logique destructrice du capitalisme, ils ne peuvent plus semble-t-il, ou semblent-ils le croire, le faire via une oeuvre d'art. La meilleure scène de Passion, qui ne se situe pas dans la meilleure partie du film mais à la couture des deux, est celle du split-screen entre le meurtre et le ballet (L'après-midi d'un faune, oeuvre d'avant-garde scandaleuse du début XXe devenue consensuelle pour les classes aisées, ou comment l'art devient culture), comme l'analyse très bien le Dr. Maubreuil : De Palma nous fait comprendre par la réactualisation de ce procédé qu'il a si bien utilisé dans le passé, qu'il n'a plus rien à dire, de la même manière que le ballet n'ajoute rien au meurtre, et réciproquement, c'est presque un split-screen pour rien, une sorte de comble du maniérisme. Et ce qui suit, qui se suit, justement, avec un léger ennui, en recyclant les techniques qui ont pu nous étourdir dans d'autres films du maître, ce qui suit n'a pas grand intérêt, on se fout totalement de qui est coupable, qui va mourir, qui va savoir quoi, etc. Voilà qui est douloureux : De Palma sait que même les belles lesbiennes, dans le monde actuel, n'ont plus d'intérêt, surtout si elles sont peu morales, ce qui est le minimum syndical pour une belle lesbienne. - Pour Scorsese, je l'ai exprimé ailleurs, c'est à peu près la même chose.

Et finalement, cela renvoie à ce texte que je n'ai jamais écrit, où je me demandais si l'adieu au cinéma que j'ai aimé ne se trouvait pas dans les dernières scènes de L.A. 2013, avec l'extrémisme de Snake Plissken / John Carpenter, et ce "Welcome to the human race" final, qui date déjà d'il y a presque vingt ans. Ce n'est pas que le film soit parfait, il boîte un peu, est un tantinet didactique. Mais Le loup de Wall street et Passion sonnent encore comme des commentaires, ou des addenda, parce qu'il n'est pas (encore) / plus possible de faire autre chose et que Scorsese et De Palma le savent, au voeu de Carpenter/Plissken.

Et bien sûr, en art rien d'impossible, un type va arriver, est arrivé et je ne le connais pas, qui réduit à néant tout ce que j'ai écrit, qui prouve que le cinéma peut être le lieu d'une transcendance plus forte que le réel actuel sans fuir ce réel. Merci de me signaler si ce type existe - mais j'attends les preuves, et elles doivent être solides…"

Fin un peu pompeuse, comme il m'arrive de temps à autre et que j'aurais corrigée si j'avais remis ce texte sur l'ouvrage. Il ne s'agit d'ailleurs pas d'attendre le Messie, le sauveur, le nouveau prodige ou quoi que ce soit du genre, mais de se demander si le cinéma peut redevenir un art significatif, et ceci de façon positive - pas en servant la soupe du post-modernisme, du fascisme commercial ou du transhumanisme. Ce n'est pas gagné. Je me faisais la réflexion il y a quelque temps qu'il serait à l'heure actuelle tout à fait impossible en France de montrer des Arabes musulmans tels que ceux que mon travail m'oblige à côtoyer tous les jours, lesquels semblent sortis d'un film colonial des années 30 : mielleux, hypocrites, menteurs et un peu cons (moins qu'ils ne le paraissent, mais plus qu'ils ne le croient). Outre qu'il faut trouver les acteurs, ce qui n'est déjà pas gagné, le financement, le visa du CNC, tout ça... n'en parlons pas. Et ceci pour décrire une simple vérité quotidienne, pas pour de grands discours ou des généralités. - Du coup, il est bien possible que la littérature reprenne le relais et le flambeau - Heil Karl Kraus ! - et profite de son statut de plus en plus marginal pour y gagner en liberté de parole. Mais là je parle au lieu de me citer... - et donc je la ferme.

Voilà, à bientôt !

samedi 28 janvier 2017

C'est beau comme du Claudel intelligent.

Aujourd'hui, c'est la Saint Thomas d'Aquin, donc :

"Le vrai… existe primitivement et fondamentalement. dans l'intelligence. La vérité d'une chose consistant dans la possession de la forme propre à sa nature, il faut que l'intelligence, dans l'acte même de la connaissance, ne soit dans le vrai qu'autant qu'elle possède l'image ou la ressemblance de la chose connue qui est sa forme. C'est pourquoi la vérité se définit la conformité de l'intelligence et de l'objet, de telle sorte que connaître cette conformité c'est connaître la vérité. Les sens ne la connaissent d'aucune manière. Car quoi qu'il y ait dans l'oeil l'image de l'objet visible, la vue ne saisit pas le rapport qu'il y a entre ce qu'elle ressent et l'objet qui la frappe." (Trad. Drioux)

vendredi 27 janvier 2017

Logique, toujours logique.

"Le moins qu'on puisse demander aux athées est de ne pas faire de leur athéisme un article de foi."

"Voulez-vous juger un homme ? Donnez-lui un commandement."

"Donner la liberté aux Français, c'est autoriser la Vénus de Milo à se mettre les doigts dans le nez. Avec la liberté, il faut fournir le moyen de s'en servir."

Aurélien Scholl. Si j'ai déjà cité une ou plusieurs de ces phrases dans le passé... eh bien tant pis, la répétition est l'âme de l'enseignement.

jeudi 26 janvier 2017

Le rêve islamo-soralo-gauchiste.

"Si on parle de paix, on n'attire pas l'attention sur les préparatifs de guerre que l'on fait soi-même. De même, on ne peut dire qu'alternativement « le peuple français ne fera pas la guerre au peuple allemand », comme en 1940, et « chacun son boche », comme M. Jacques Duclos en août 1944. Les communistes français doivent aujourd'hui être chauvins contre les Américains, mais contre les Russes, aucune forme de dignité nationale ne leur est permise. Les communistes français doivent applaudir - et faire applaudir - à l'expulsion de toute culture française hors des pays actuellement satellites [colonisés, note de AMG], mais en même temps dénoncer, la voix tremblante d'indignation, les « atteintes portées à la culture française » par l'expansion du Reader's digest."

Jules Monnerot (1951), qui a écrit des centaines de pages sur le thème « Le Communisme, Islam du XXe siècle ». L'intérêt maintenant bien sûr est de lire ses livres en réfléchissant au thème inverse, « L'Islam, Communisme du XXIe siècle », toutes choses égales d'ailleurs.

mercredi 25 janvier 2017

Le rêve américain.

Même si un numéro d'Éléments vous fournit un certain contingent de citations, je ne vais pas me limiter à une par jour, sinon ce sera interprété comme de la paresse. A l'heure où j'écris, j'en suis dans ma lecture à la moitié de l'interview de L. Maubreuil. En attendant d'avoir fini tout ça j'en reste pour aujourd'hui à Marcel Gauchet :

"Le problème de Fillon est… difficile. Il est de faire admettre que l'intérêt national, qu'il veut remettre au premier plan, dans un esprit conservateur, exige une purge libérale drastique, dont le principe, pour la majorité des Français, va contre ce qu'ils ont coutume de concevoir comme la bonne manière d'affirmer l'intérêt supérieur de la nation."

"Une chose, par exemple, puisque nous parlions des États-Unis, est d'admettre de grandes inégalités à l'intérieur d'une communauté nationale par ailleurs posée et sentie dans son unité de communauté de destin, où tout le monde est supposé pouvoir réussir, autre chose est d'accepter la dissociation de cette communauté entre les Beautiful people à même de tirer parti de l'ouverture globale, et les ploucs locaux, les « lamentables » de Madame Clinton, qui n'ont qu'à se résigner à leur triste sort, sans espoir de faire mieux que de survivre."

Ce qui signifie entre les lignes que Madame Clinton est plus de droite, avec tous les guillemets que l'on veut, que Monsieur Trump. Madame Bruni-Sarkozy est aussi plus de droite que M. Jean-Marie Le Pen.

- Au sujet des censures dues au politiquement correct :

"Le pouvoir d'intimidation des discours dénonciateurs recule incontestablement. (…) En même temps, ce dispositif a acquis un tel enracinement institutionnel que son extinction n'est pas pour demain. Et le plus grave à mes yeux est qu'il a enfermé les esprits réfractaires dans une dénonciation des dénonciateurs qui est nécessaire et salutaire, mais qui n'est pas très substantielle à la longue. Pour qu'il y ait des débats de fond, il faut des propositions de fond. Et on ne peut pas dire qu'elles se bousculent au portillon."

J'arrête là pour aujourd'hui, il y a aura une nouvelle fournée, comme dit Jean-Marie, une prochaine fois. J'en profite néanmoins pour signaler que la thèse de M. Gauchet selon laquelle le développement des intégrismes religieux est un signe paradoxal et fiévreux de l'entrée des religions dans la modernité me laisse toujours dubitatif, un peu (la comparaison est réfutable d'un point de vue logique, c'est pour me faire comprendre) comme ces convaincus du réchauffement climatique qui vous expliquent à chaque vague de froid que justement, c'est bien là un signe du réchauffement. Ajoutons qu'il me semble difficile de parler d'intégrisme à propos des catholiques qui n'acceptent pas tout de Vatican II ou de l'attitude hérétique des évêques français, mais passons.

Et donnons la parole à Alain de Benoist pour finir, qui commence ainsi sa recension d'un livre de C. Bouton, Le temps de l'urgence : "Il en va de l'urgence comme de l'exception ; quand l'une et l'autre deviennent la règle, les choses perdent leur sens." - Christophe Bouton écrit ainsi : "Plus le temps est économisé, plus il vient à manquer." C'est le fameux proverbe africain, "L'homme blanc a toujours une montre, mais il n'a jamais le temps", le mais étant bien sûr figure de style, proverbe qui m'avait inspiré, citons-nous nous-mêmes sans vergogne, quelques réflexions du même ordre.

A demain !

mardi 24 janvier 2017

"La lutte des classes n'est pas morte. Elle est seulement en train de prendre un nouveau visage".

Non, ce n'est pas la citation du jour, même si cela m'amuse de lire de tels accents marxistes sous la plume d'Alain de Benoist. Lequel il est vrai a paraît-il failli diriger le PCF à une époque... Je ne ferai en tout cas pas l'injure à Adb de chercher à le prendre en flagrant délit d'économisme ou de matérialisme. D'autant que trois pages plus loin dans le nouveau numéro d'Éléments on trouve une bonne mise au point de Marcel Gauchet :

"Le retour d'une croissance plus soutenue, un recul significatif du chômage auraient sûrement pour effet de détendre l'atmosphère. Ils apaiseraient quelque peu le sentiment du déclassement français qui accompagne le marasme économique et la désindustrialisation. Mais ils ne règleraient rien sur le fond s'agissant de ce qui nourrit le malheur français. La frustration par rapport à l'Europe, la dépossession démocratique, le défi identitaire représenté par la mondialisation, le problème migratoire, et j'en passe, resteraient rigoureusement ce qu'ils sont."

Bien dit ! - Nous y reviendrons. Je vous laisse, je dois aller trouver une idée de dîner chez Picard.

lundi 23 janvier 2017

Le bon vieux temps où l'on faisait la guerre et des enfants.

"Il y a entre les hommes et les femmes une différence plus importante que le fait de savoir qui donne et qui reçoit en matière de nourriture ou de sexe. C'est celle-ci, cette réalité, à laquelle on n'échappe pas, que chaque homme, chaque femme est sorti d'une femme."

"Il est nécessaire de le dire : chacun pour commencer, a été absolument dépendant d'une femme, puis il l'a été relativement."

D. Winnicott, se demandant en sous-main ce que le féminisme, on dirait aujourd'hui radical, fait gagner et perdre aux femmes. Le brave homme n'ignorait pas que les hommes avaient aussi leurs contradictions :

"Les hommes ont aussi leurs problèmes. Ce qui est terrible dans la guerre, c'est que si souvent les hommes qui en sont revenus doivent reconnaître qu'ils ont trouvé leur maturité, y compris leur maturité sexuelle, au moment où ils prenaient le risque de mourir. Alors, quand il n'y a pas de guerre, les hommes se retrouvent en plan ; ils détestent pourtant se faire tuer."

Make war, not kids. C'était un peu la devise de feu Hillary Clinton. Je dis feu, c'est manière. Mais je ne comprends pas le rapport entre féminisme et vulgarisation, quel mot, de l'avortement.

dimanche 22 janvier 2017

Le nationalisme manque de...

"J'ai publié un volume sur la Grèce qui n'a pas été compris. On a semblé croire que je mettais au-dessus d'Athènes les petites villes lorraines et surtout le chef lieu de canton (Charmes-sur-Moselle) où j'habite en été. Quelle niaiserie... Mais enfin c'est moi qui ai tort de ne pas m'être fait comprendre... A dire vrai, j'ai découvert mes sentiments sans les bien les entendre moi-même... Il faudrait apporter ici l'adoration de l'ancien génie grec... - Je tournais dans le même cercle, j'allais me trouver à l'étroit... Je sens depuis des mois que je glisse du nationalisme au catholicisme. C'est que le nationalisme manque d'infini." (M. Barrès)

C'est bien le problème, et c'est une précision qu'il faut toujours apporter : le nationalisme n'est pas fermé de l'extérieur, comme on le croit ou feint de le croire trop souvent, mais il est limité de l'intérieur, quand il n'est pas issu ou traversé d'une transcendance. "Je glisse du nationalisme au catholicisme" : ce n'est pas à proprement parler mon cas, puisque je « glisse » vers les deux en même temps. Mais cela continue de me frapper : si je deviens catholique un jour (c'est un peu une façon de parler, puisque je suis baptisé), cela sera venu de mon intellect, puisque c'est intellectuellement que je me rapproche du catholicisme (un peu comme Chesterton, d'ailleurs). Mon côté patriote actuel est plus sentimental - ce qui ne veut pas dire irrationnel. Je pourrais devenir croyant par intelligence.

samedi 21 janvier 2017

Qu'en peu de mots ces choses-là sont dites.

"Ce quelque chose de moderne qui s'appelle une femme..." (Mme de Staël)

vendredi 20 janvier 2017

"Un espéranto qui a réussi..."

"L'effacement du latin laisse de surcroît le champ libre à une compétition absurde et perdue d'avance entre le français lui-même, ce « latin des modernes », comme on disait naguère, et les autres langues dites de communication - langues, qui, d'ailleurs, si l'on pense à l'anglais, ne tirent paradoxalement pas profit de l'avantage qu'elles prennent puisqu'elles perdent en qualité ce qu'elles gagnent en quantité." (Cécilia Suzzoni et Hubert Aupetit)

Ce qu'appuie Claude Simon, LE Claude Simon, Nobel-Pléiade et tout et tout :

"Outre leur langue maternelle, les collégiens apprenaient jadis une seule langue, le latin ; moins une langue morte que le stimulus artistique incomparable d'une langue filtrée par une littérature. Ils apprennent aujourd'hui l'anglais, et ils l'apprennent comme un espéranto qui a réussi, c'est-à-dire comme le chemin le plus court et le plus commode de la communication triviale : comme un ouvre-boite, un passe-partout universel. Grand écart qui ne peut pas être sans conséquence : il fait penser à la porte inventée autrefois par Duchamp, qui n'ouvrait une pièce qu'en fermant l'autre."

jeudi 19 janvier 2017

Je sais, Sarkozy, ça fait déjà ringard, voire pitoyable.

Mais j'ai des citations à fournir quotidiennement, et comme je n'en ai pas sur les vies sexuelles de Donald Trump (je ne suis ni au KGB, ni à la CIA), Theresa May (rien à foutre), Marion Maréchal (dommage !), en voici une sur le Président de Patrick Buisson. - Comme l'on demandait à l'un de ses rivaux pourquoi Carla Bruni restait avec son loser de mari alors qu'il n'était même plus président, ce chevaleresque, en tout cas d'un point de vue machiste, concurrent, répliqua :

"Parce qu'il l'encule, et qu'elle aime ça !"

Un jour, un historien lira ce blog et y trouvera une explication de je ne sais quoi dans la politique française. L'anus de Carla, le nez de Cléopâtre, pour un historien pascalien, c'est kif-kif bourricot.

(D. de V., pour la citation. Je ne peux apporter aucune preuve, évidemment, sinon je ne ferais pas ce blog. Mais vous pouvez me croire !)

mercredi 18 janvier 2017

"La claque, on est 66 millions à vouloir te la donner !"

Eh oui, Manuel Valls, c'est ça rencontrer les Français, on se fait gifler et insulter. Ce sera pire d'ailleurs une fois le Grand Remplacement effectif. Il faut vraiment être un enculé pour faire de la politique. On se retrouve avec une main épileptique comme un gode, il n'y a pas de hasard. A part ça, Roman Polanski présiderait la prochaine cérémonie des Césars. Crevez tous.

(Source de la citation : ici. Patrick Cohen ou : la démocratie, c'est à la fois ferme ta gueule et cause toujours. Un vrai journaliste, quoi.)

mardi 17 janvier 2017

"Ce n’est pas grâce à l’islam mais malgré l’islam que nombre de musulmans ne sont pas dans le registre de la haine."

Voilà, c'était la citation du jour (Bernard Antony, l'homme qui perd tous ses procès... Je me moque, mais dans un État tel que le nôtre, c'est aussi un compliment). Je vous donne la suite - on se fout complètement (B. Antony aussi, ou du moins, j'imagine, presque complètement) du candidat à l'élection évoqué, l'important est le raisonnement :

"Mais Fillon aura-t-il le courage (..., coupure charitable de ma part), de dire que l’on peut et doit aimer les musulmans tout en refusant la théocratie totalitaire islamique dont il faut les aider à se libérer ?"

De même que l'on peut ne rien avoir contre les immigrés (avec des variations selon leur comportement...) et être contre l'immigration massive. Ou faire une distinction entre la dignité humaine de ses amis homosexuels et la promotion de l'homosexualité. Mais vous savez tout ça.

lundi 16 janvier 2017

"Ces impuissants qui disent..."

"M. de Cambray [Fénelon] s’est trompé quand il a assuré que nos vers à rime plate ennuyaient sûrement à la longue, et que l’harmonie des vers lyriques pouvait se soutenir plus longtemps. Cette opinion de M. de Fénelon a favorisé le mauvais goût de bien des gens qui ne pouvant faire des vers ont été bien aises de croire qu’on n’en pouvait réellement pas faire en notre langue. M. de Fénelon lui-même était du nombre de ces impuissants qui disent que les couilles ne sont bonnes à rien. Il condamnait notre poésie parce qu’il ne pouvait écrire qu’en prose. Il n’avait nulle connaissance du rythme et de ces différentes césures, ni de toutes les finesses qui varient la cadence de nos grands vers. Il y a bien paru quand il a voulu être poète autrement qu’en prose."

Voltaire. Tous les auteurs sont bienvenus ici, vous le savez. De là à dire qu'il fut meilleur poète que Fénelon, je n'en ai aucune idée. Et il a fini avec une sacrée mégère. On parle toujours un peu trop des couilles des autres. Comme disait le Christ, ne jugez pas.

dimanche 15 janvier 2017

"Le peu de soin, le temps, tout fait qu'on dégénère..." L'éducation selon Jean de La Fontaine.

Toute allusion à Najat étant bien sûr involontaire... Ma mise en page n'est pas idéale, vous pouvez en trouver une meilleure ici.


"Laridon et César, frères dont l'origine

Venait de chiens fameux, beaux, bien faits et hardis,

A deux maîtres divers échus au temps jadis,

Hantaient l'un les forêts, et l'autre la cuisine.

Ils avaient eu d'abord chacun un autre nom ;

Mais la diverse nourriture

Fortifiant en l'un cette heureuse nature,

En l'autre l'altérant, un certain marmiton

Nomma celui-ci Laridon :

Son frère, ayant couru mainte haute aventure,

Mis maint Cerf aux abois, maint Sanglier abattu,

Fut le premier César que la gent chienne ait eu.

On eut soin d'empêcher qu'une indigne maîtresse

Ne fît en ses enfants dégénérer son sang :

Laridon négligé témoignait sa tendresse

À l'objet le premier passant.

Il peupla tout de son engeance :

Tournebroches par lui rendus communs en France

Y font un corps à part, gens fuyants les hasards,

Peuple antipode des Césars.

On ne suit pas toujours ses aïeux ni son père :

Le peu de soin, le temps, tout fait qu'on dégénère :

Faute de cultiver la nature et ses dons,

Ô combien de Césars deviendront Laridons !"

samedi 14 janvier 2017

"Je les laissais faire, mais je peux dire que je l’ai vue venir, moi, la catastrophe."

Un peu de Céline, quand même, non ? Période Voyage, tendance anti-américaine.

"Cela était encore exact, il y a quelque vingt ans, mais depuis, bien des choses ne se font plus, celles-là surtout parmi les plus agréables. Le puritanisme anglo-saxon nous dessèche chaque mois davantage, il a déjà réduit à peu près à rien la gaudriole impromptue des arrière-boutiques. Tout tourne au mariage et à la correction."

"Tous les ouvrages de puériculture elle les avait lus et surtout ceux qui lyrisent à en pâmer les maternités, ces livres qui vous libèrent si vous les assimilez entièrement de l’envie de copuler, à jamais. A chaque vertu sa littérature immonde."

Le commerce : "Ce chancre du monde, éclatant en réclames prometteuses et pustulentes. Cent mille mensonges radoteux." 

Et pour finir cette brève session, une sentence dont Céline a voulu qu'elle formât à elle seule un paragraphe entier :

"On n’échappe pas au commerce américain." 

vendredi 13 janvier 2017

Abel Bonnard écrit : Stendhal, les médiocres, l'amour, les femmes et comment les posséder...

"Un homme médiocre, c'est-à-dire dominé par sa vanité, oublie de très bonne foi, alors même qu'il ne les annule pas exprès, celles de ses amours où il n'a pas réussi. Il ne veut pas avoir engagé son coeur, là où son amour-propre n'a pas triomphé, et il aura d'autant moins de peine à se comporter de la sorte, que, d'ordinaire, c'est par les sensations physiques que les amours s'impriment dans les mémoires masculines. Il faut être un grand rêveur pour se souvenir aussi fortement des femmes qu'on n'a pas eues que des autres. Il est vrai que, lorsqu'on en est là, le rapport est bien près de se renverser, et peut-être celles qui ne se sont pas épuisées dans leurs dons restent alors les plus éclatants des fantômes.

Il ressort de ces observations que Beyle était plus amoureux qu'amant. Cette distinction vaut pour tous les hommes. Un amant a besoin de celle qu'il aime, son amour n'a vraiment de certitude qu'à partir du moment où elle s'est livrée à lui. L'idée d'une femme suffit à ouvrir à un amoureux un monde enchanté. L'un s'augmente par ce qu'il conquiert, l'autre par ce qu'il invente. L'amant n'a pas de voluptés hors de ses jouissances, l'amoureux s'en fait de si subtiles et de si arbitraires qu'il n'en saisit même pas la cause. L'un réduit sa vie intérieure aux désirs, aux tourments, aux obsessions de son amour. L'autre trouve dans les sentiments qu'il éprouve un principe d'activité qui s'étend à tout son être ; mais la vie de son esprit ne reste plus indépendante, et dans les spéculations les plus abstraites, il sent soudain passer sur lui, comme le parfum d'une île inconnue, une bouffée de son lointain bonheur. Les sentiments d'un amant se retrempent dans la jalousie, ceux d'un amoureux s'y détruisent. L'amant combat avec celle qu'il aime, il l'étreint, l'enlace, et les souffrances qu'ils se causent ne sont pas ce qui les lie le moins. On peut même dire que les vrais amants sont ceux qui savent le mieux faire souffrir. C'est un art que les amoureux n'ont pas, ils ne souffrent que tout seuls, et d'une toute autre façon : la douceur de l'amour se glisse dans leurs peines, et souvent ils seraient fort embarrassés pour dire si leur bonheur n'est pas plein de mélancolie et si leur mélancolie n'est pas pleine de bonheur. En vérité, sans qu'il se l'avoue, l'amoureux garde à l'égard de celle qu'il aime une indépendance très secrète qui vient du fait qu'il s'est moins attaché à la posséder comme elle est, qu'à la recréer en lui. Il n'est même pas mauvais qu'elle le quitte et qu'elle s'éloigne parfois. Les absentes ont tort avec les amants et raison avec les amoureux."

jeudi 12 janvier 2017

Najat, Najat, on t'encule !

Comme l'homosexualité est officiellement, vérité d'État certifiée, un truc super cool, "on t'encule" n'est pas une insulte, mais l'expression d'un désir collectif touchant, d'une caresse, somme toute. (Une feuille de rose, à la bonne odeur socialiste). Pourquoi priver les femmes des plaisirs pris par les homosexuels, ne serait-ce pas là discrimination ? - Et puis, à l'heure où le Royaume-Uni légalise la conception d'enfants à trois, le sexe collectif doit être lui aussi étatiquement super cool. Si l'État, comme un bon soixante-huitard qu'il est, prône la partouze, qui suis-je pour le contredire ? - Bref ! Il ne s'agit pas de parler de cul aujourd'hui (désolé...) mais de latin (l'un n'empêchant bien sûr pas l'autre, cunnilinctus qui s'en dédit). Je me tais donc et laisse la parole à Cécilia Suzzoni et Hubert Aupetit :

"Nous nous faisons fort de démontrer cette affirmation : ne pas apprendre le latin, c'est tout bonnement désapprendre le français ; organiser la disparition des filières qui permettaient de maintenir un bon noyau de langue et de culture latines chez les enfants de France, c'est organiser la disparition de la langue et de la culture françaises.

L'identité latine de la langue française est le fruit d'une filiation complexe et trafiquée dont l'essai clair et ambitieux du linguiste Bernard Cerquiglini, Le Français, une langue orpheline, a remarquablement analysé les méandres. On a avec le français le paradoxe d'une langue qui s'est édifiée à la fois contre et tout contre le latin. En effet, de toutes les langues romanes, c'est le français qui s'est le plus vite sevré de sa langue mère :

“ Les Français furent si rapides que le français du Serment de Strasbourg, acte de naissance du français, en 842, est déjà plus éloigné du latin de saint Augustin, vers 400, que l'italien de Romano Prodi ne l'est en 2007 ! [W. Stroh] ”

En même temps, le français est resté amoureusement proche. Conscient de sa misérable filiation - un latin populaire mâtiné de gaulois et de germanique -, il n'est pas sorti du latin comme Minerve du crâne de Jupiter, à la façon d'un idiome national fin prêt à toutes les prouesses politiques, juridiques ou littéraires. Il n'a pas eu un Dante pour lui donner très vite ses lettres de noblesse. Il a su, et voulu, s'arracher à son statut de langue de fortune, de latin vulgaire créolisé, en se parant pour cela des « plumes d'autrui » dont parle Du Bellay. C'est alors seulement qu'il a acquis en peu de temps le statut d'un latin moderne, érigé en modèle et employé dans toutes les cours d'Europe."

mercredi 11 janvier 2017

Abel Bonnard écrit : Stendhal, les médiocres, l'amour, les femmes, les livres...

"Notre méchanceté apparente, à certains moments de nos amours, n'est parfois que la vengeance involontaire de nos déceptions. C'est une tentative suprême, et comme désespérée, pour réveiller dans un être, par les coups que nous lui portons, cette nature plus belle que nous avions cru d'abord apercevoir en lui et que nous n'y retrouvons plus. Nous frappons le rocher, pour en faire jaillir la source.

Mais revenons à ce qui, pour le moment, fait notre sujet, regardons Stendhal dans la société. On ne saurait être surpris qu'un homme comme lui ait goûté vivement le plaisir de déplaire : il n'en est pas de plus aristocratique ; c'est proclamer ses différences ; c'est renvoyer, quoi qu'il puisse nous en coûter, ceux qui ne sont pas faits pour frayer avec nous. Bon pour un homme médiocre de se plaindre d'être méconnu. (…) Cette mauvaise réputation que Stendhal se donne, si elle est faite pour écarter ceux qui ne sont pas de son espèce, n'est qu'une épreuve qu'il propose à ceux qui en sont. Derrière ce rempart qu'il élève pour se séparer, il attend et il espère d'être rejoint et si, en effet, cela arrive, et qu'une femme soit venue jusqu'à lui, quelle fête, alors, quelles largesses, quelle profusion à ses pieds de tous les trésors secrets ! (…)

Il veut aimer, ou plutôt, il faut qu'il aime, car c'est la seule issue offerte à cette sensibilité en prison. Ses livres mêmes n'en sont pas une. Dans la mesure où il en est le maître, il les rattache à sa raison. Il n'estime et ne recherche que l'expression froide et concise de la vérité. Il se croirait infâme de faire, dans ses écrits, un étalage de sentiments, et son aversion pour toute emphase va si loin qu'elle lui fait confondre la vraie poésie avec la fausse, et Chateaubriand avec Marchangy. Isolé parmi les hommes et ne partageant aucune des passions qui les attachent à la vie sociale, augmentant encore cet isolement par la façon dont il les observe, aimer devient pour lui une question tragique. Pour se connaître autrement que par des refus, des colères et des révoltes, il faut absolument qu'il trouve un être qui le sauve de tous les autres. Pour n'être pas misanthrope, il faut qu'il soit amoureux."

mardi 10 janvier 2017

Avant-guerre. - En 1968, Philippe Barrès, fils de Maurice, évoque la France d'avant 1914-1918 et les divers visages de la menace allemande.

"Consciente du fait qu'isolée la France risquait l'écrasement, la partie que nous appellerions aujourd'hui « résistante » de la nation souhaita des alliances - qui allaient être nouées lentement, difficilement avec la Russie, l'Angleterre -, et un renforcement de notre armée qui manquait à la fois d'effectifs, de matériel et du soutien moral unanime du pays. Ce renforcement allait être lent, incomplet lui aussi, du fait d'une violente opposition, stimulée chez nous par l'Allemagne.

L'Allemagne qui exerçait sur notre politique intérieure, par divers canaux, une influence puissante, combattit alliances et renforcements militaires en les présentant comme des actes offensifs à son égard : actes de nature à l'inciter à une guerre préventive. En outre, comprenant l'avantage qu'elle pouvait tirer de notre générosité naturelle et de notre soif de paix, elle entra dans le sillage de Jean Jaurès et du parti socialiste qui plaçaient naïvement leurs espoirs dans l'internationalisme pacifiste. Du même mouvement, elle soutenait Joseph Caillaux et ses amis radicaux-socialistes, opportunistes, qui, eux, considéraient tout bonnement la suprématie allemande comme inévitable et s'empressaient d'autant mieux à la servir que la réduction de notre effort militaire leur offrait un moyen de consolider électoralement leur pouvoir.

Pour affaiblir encore notre résistance et nous détourner à la fois de l'alliance anglo-russe et du réarmement, l'Allemagne nous fit présenter l'alliance-capitulation qu'elle nous offrait, dont elle attendait l'empire du monde, comme un pas décisif vers la paix, par l'unification de l'Europe."

lundi 9 janvier 2017

AMG cite Dupré qui cite Drieu et peut-être Barrès, au sujet de la Grande guerre, de la guerre en général, de Mai 68...

Oui, c'est un peu compliqué à première vue, la densité de l'écriture de G. Dupré contribuant à cette complexité. Nous sommes en 1968, après les événements, dans une préface à une édition condensée par ses soins des articles de presse de Barrès durant la guerre 1914-1918 - celle qui fit passer la France de deuxième puissance mondiale au rang de pays subalterne et vieilli -, G. Dupré médite sur l'héritage de la génération en partie broyée par cette guerre, et sur les générations sans guerre. L'extrait que je vous rapporte commence avec une citation de Drieu - dont Barrès avait semble-t-il très tôt repéré le talent. Il me semble que les citations suivantes, entre guillemets, sont à attribuer à Barrès :

"[Drieu :] « A moi qui le 23 août et le 29 octobre 1914, au cours de deux charges à la baïonnette, ai connu une extase que tranquillement je prétends égaler à celle de sainte Thérèse et de n'importe qui s'est élancé à la pointe mystique de la vie. » A Drieu nous ramènera toujours l'amicale des fils refusant l'âge du père, la mélancolie de ceux qui ne savent pas vieillir. Ils sont aussi nos pauvres. (…) La charité est aussi une mémoire. A tant d'agonies demeurées inconnues, nous rêvons devant ces tendresses qu'elle a rendues possibles, devant ces félicités charnelles où elles entrent en tiers. Ce fut l'arrière-été de la Personne France et son plus grand amour. Il n'y a plus d'été. Il n'existera plus jamais de patrie. Il n'y aura plus jamais de départs gare de l'Est. Et parce que Maurice Barrès a nourri, cinq années durant, sa vie et son art de ce difficile amour d'arrière-été, nous ne le dissocions pas de cette saison violente de la France. Dans cette coïncidence d'un destin particulier avec un destin collectif nous voyons s'épanouir, s'exalter quelques-uns des plus beaux thèmes qui permettent à une âme de surmonter la mort, d'enchanter, de leurrer sa propre fin. Quoi ? A lui qui s'efforça de faire voir ce qu'il y eut « de douceur et de beautés mêlées à tout l'effroyable de cette guerre », nous revenons comme à l'un, comme au premier de ces « pauvres », sûrs qu'il aurait aimé que nous ne le séparions pas de ses compagnons de service. Ils n'auront bientôt plus que nous pour les disputer à la poussière, nos amoureuses pour fleurir les lieux de leur beauté. « La guerre est aux hommes ce que l'eau dormante est aux cygnes : le lieu de leur beauté. » Que deviendront-ils quand nous aurons été, à notre tour, évincés, rejetés du domaine sensible ? Car voici venir la plus déshéritée des générations, la génération qui n'aura connu la guerre ni par l'ardeur amoureuse ni par la mémoire filiale. La plus effaçable car elle n'aura de son sang arrosé que des itinéraires de fuite."

Allusion aux porteurs de valise ? Il s'agit là en tout cas d'une sous-estimation des dégâts qu'allait accomplir - il est vrai qu'il lui fallut plusieurs décennies... - la génération 68. Au regard de la guerre, elle n'avait certes l'air de rien, elle laissera avec bonne conscience ses descendants (je ne vais pas écrire héritiers) redécouvrir ces tristes plaisirs. Mais au regard de l'histoire, combien plus d'importance ! Comme disait Baudelaire, la plus grande ruse du diable est de nous faire croire qu'il n'existe pas, et c'est ce qui trompa Dupré...

dimanche 8 janvier 2017

Jean Genet évoque un célèbre, en son temps, quotidien du soir.

"Un journal raciste comme on ne l’imagine pas. Il se camoufle."

Cela a dû être écrit dans les années 70 et n'a guère changé depuis, quel que soit l'antiracisme proclamé : les gens de gauche sont souvent racistes envers ceux qui ne pensent pas comme eux, ils ont le recours au « sens de l'histoire » pour justifier toutes les exclusions que de facto ils énoncent.

Une autre sur le même journal ? C'était une blague dans les facs de droit(e) des années 60 : "Dans Le Monde, tout est faux, à commencer à par la date."

Sinon, fonder une politique sur Jean Genet (ou M. Sachs), comme essaie parfois de le faire M.-É. Nabe, me semble inconcevable. S'inspirer, pourquoi pas. Généraliser l'expérience de pareils individualistes, non. Mais je suis là pour citer, par pour démontrer.

samedi 7 janvier 2017

Philippe de Saint-Robert.

"La censure hante toutes les sociétés, et ce n'est pas le moindre paradoxe de la nôtre qu'on puisse tout y dire et ne rien dire."

Sur Houellebecq et l'islam « religion la plus con » : "I. Eût-il tenu les mêmes propos à l'égard de la religion catholique que tout le monde eût trouvé cela tout naturel ; II. Eût-il tenu des propos approchants à l'égard des dérives sionistes du judaïsme qu'on eût aussitôt crié à l'anti-sémitisme et qu'il eût été condamné avant d'être jugé. Des lois susceptibles de s'appliquer à la tête du client ne sont pas dignes de cet « État de droit » dont on nous rebat les oreilles, et c'est de cette schizophrénie juridique qu'il faudra bien sortir si l'on ne veut succomber à une justice irrémédiablement instrumentalisée, et qui, aux dernières nouvelles, voulut faire passer Edgar Morin pour « raciste ». On aura tout vu.

Le drame de notre décadence, ainsi que son illustration la plus sensible, est que laxisme et puritanisme y vont gaillardement de conserve, aux dépens deux fois de la liberté dont s'empanache pourtant une démocratie de pacotille."

Dans le même ordre d'idées, Ph. de Saint-Robert cite une formule de J.-P. Domecq sur notre époque : "L'âge de la liberté sans choix."

vendredi 6 janvier 2017

AMG cite Guy Dupré qui cite Maurice Barrès, que je (AMG) n'ai jamais lu.

"N'est-ce pas dans Un homme libre, deuxième de la trilogie du « Culte du Moi », qu'apparaît et commence à se profiler, à jeter ses racines et son ombre, le double thème qui deviendra obsessionnel : dépendance de la terre et des morts ; sollicitation des « pères profonds » et discipline lorraine ? Livre inégalé dans la littérature française, où le jeune écrivain - il le composa à vingt-quatre ans - applique à ses propres émotions la dialectique morale mise au point et enseignée par ces techniciens virtuoses de la vie intérieure : François de Sales et Ignace de Loyola.(…) Dès 1885, au plus fort de sa période d'égotisme et de scepticisme (…), n'écrivait-il pas : « Notre tâche sociale, à nous, jeunes hommes, c'est de reprendre la terre enlevée, de reconstituer l'idéal français qui est fait tout autant du génie protestant de Strasbourg que de la faculté brillante de Metz. Nos pères faillirent un jour : c'est une tâche d'honneur qu'ils nous laissent. »"


Et vue la faillite de nos pères, il faut mesurer la tâche - d'honneur ? de survie ? - qu'ils nous laissent.

jeudi 5 janvier 2017

Métapolitique.

"Comme tout mystique (qui s'ignore), Simenon sait que l'état de grâce ne s'obtient que dans la routine des exercices spirituels." (Jacques Dubois)

mercredi 4 janvier 2017

Enfin Malherbe vint, pour parler des femmes.

"Loin de mon front soient ces palmes communes

Où tout le monde peut aspirer :

Loin les vulgaires fortunes

Où ce n’est qu’un jouir et désirer :

Mon goût cherche l’empêchement

Quand j’aime sans peine j’aime lâchement."


(Malherbe, donc, vous aurez de vous même rajouté un que, sans jeu de mots, entre "un" et "jouir" au 4e vers.)

mardi 3 janvier 2017

1940-1945, années érotiques

1940, juste après la débâcle :

"Les silhouettes avachies, le pas chancelant des prisonniers font paraître plus disciplinés et plus forts les jeunes hommes blonds qui les encadrent. Ce qui est en cause désormais, c'est moins l'uniforme, son attrait, son prestige, que les soldats français qui n'ont pas su le remplir. Les plus lucides ne s'y trompent pas, comme en témoigne cette réflexion rageuse recueillie par Francis Ambrière sur la route de la captivité : « La guerre que nous avons faite, mon vieux ? C'est la guerre des eunuques. » Jugement lapidaire, expéditif, propos désabusé d'un esprit porté au dénigrement et à l'autodépréciation ? L'armistice est à peine signé qu'une contrepèterie circule, scellant par avance le destin des captifs : « Les femmes garderont toujours leur coeur pour le vaincu. » Fulgurance de l'humour populaire, prescience instinctive de la rue, grand miroir des rapports entre les sexes, auxquels il n'aura fallu que quelques jours pour comprendre que la soumission des hommes annonçait l'émancipation des femmes, que la reddition des uns était grosse de la « trahison » des autres." (Patrick Buisson)

lundi 2 janvier 2017

Méthodologie de la citation.

"Ma plus grande joie dans l'existence a longtemps été de faire des citations fausses, de dire par exemple : « Comme disait Nietzsche... », de coller après une citation à moi et de m'entendre répondre : « Oui, mais vous n'êtes pas Nietzsche. »" (Jean Yanne)

dimanche 1 janvier 2017

"Ce n'est pas un romantisme de la défaite."

Debbie-Reynolds

She's the real star of this movie...


"2016, année d'une plus grande lucidité et d'une plus grande humilité ?", me demandais-je l'an dernier, en écho à la question de l'année précédente : "2015, année où les mauvaises décisions politiques vont se payer ?"

La première, chronologiquement parlant, de ces prédictions s'était tristement vérifiée à travers les attentats de novembre 2015, entre autres bonheurs. La seconde ne risquait pas, hélas, de concerner le personnel politique français, il me semble néanmoins, si j'en juge par certaines conversations qu'il m'arrive d'avoir, qu'elle ne s'est pas avérée complètement fausse relativement à ce qu'on appelle la majorité silencieuse - laquelle a sans doute intérêt à être moins silencieuse en son pays lui-même si elle veut y rester majoritaire… Étant bien entendu qu'il y a d'autres moyens de se faire entendre qu'un bulletin de vote.

Ceci dit, il ne s'agit pas en ce jour de voeux de chercher à faire des prophéties - si l'alternative du déclin de moins en moins lent ou de l'amorce d'un redressement intellectuel et spirituel est évidente, son issue l'est beaucoup moins (heureusement ! sinon, cela voudrait dire que les jeux sont faits et que nous avons perdu), et je n'évoquais ces questions / hypothèses / prédictions que pour raccorder ce texte à mes précédents messages de début d'année.

Le propos en l'occurrence est celui-ci : l'idée m'est venue ce midi au boulot (oui, je bosse le 1er janvier) de redonner un peu d'animation à mon comptoir, sous la forme d'une citation par jour, dont j'annoncerai ensuite la publication sur mon fil twitter (@Acafeducommerce). Ne cherchons rien de trop systématique ou compliqué, il pourra ou non y avoir des rapports avec l'actualité, je ne veux m'enfermer dans rien de précis, sinon fixer un rendez-vous quotidien aux personnes qui ont la gentillesse et le goût de me suivre. Je ne promets pas non plus un travail universitaire avec indications de l'édition, de la page, de la date de rédaction, etc. (vous pouvez toujours me contacter pour cela).

Ce préambule est plutôt court, mais il serait un rien frustrant et déséquilibré tout de même d'enchaîner aujourd'hui avec une citation par trop brève. - Et même, je vais vous en offrir deux, de Jean Madiran, je viens de les choisir, elles sont un peu programmatiques, mais me semble-t-il sans excès :

"Les impostures du libéralisme avaient fini, au début du XXe siècle, par beaucoup discréditer la liberté. Et la liberté est à réinventer, non pas dans les mythes collectifs, mais dans les réalités concrètes qui sont à portée de la main de la personne individuelle. L'acte libre est toujours celui d'un individu."

"Virgile, c'est tout Homère, ou presque, avec quelque chose de plus. Homère avait raconté la plus belle histoire humaine, mais cette histoire n'a été reçue par nous qu'avec la nuance virgilienne, qui a transformé la victoire des Grecs en survivance troyenne. Achille a vaincu Hector, et pourtant Achille s'est estompé très vite dans les mémoires et dans l'histoire, tandis que la figure d'Hector et le souvenir de Troie « grandissent d'âge en âge », comme le remarquait Chesterton. C'est à Troie que dix peuples, et premièrement le peuple romain dominant le monde, ont fait remonter leurs généalogies. C'est Hector, et non Achille, qui devient l'un des paladins de la Table Ronde ; c'est l'épée d'Hector que tient Roland. Et lorsque Virgile écrit l'épopée de la grandeur romaine, il la fonde sur le souvenir troyen, sur la fierté de descendre d'Énée, fils d'Anchise, et d'appartenir à Troie vaincue. Ce n'est pas un romantisme de la défaite. Au contraire. Avec Virgile déjà l'on entrevoit, comme par miracle, et c'est pourquoi Virgile dépasse Homère, une vérité qu'il était presque impossible d'apercevoir avant la défaite du Calvaire et la Résurrection du troisième jour : ce n'est pas la victoire qui compte le plus. Après le résultat brut du choc des forces matérielles, ou des forces habiles, il y a encore autre chose. Il y a l'âme. Et la défaite, et l'échec, et la mort ne sont pas le point final."


Meilleurs voeux ! Faîtes des enfants ! L'État n'est rien !