mercredi 24 mai 2017

Bonnard et saint François d'Assise...

"Bien loin d'être des privations, les renoncements auxquels s'astreint François sont pour lui les conditions d'une vie ardente. C'est ainsi qu'il faut comprendre les trois voeux du frère Mineur. Le voeu d'obéissance a pour emblème un joug, mais, en vérité, il tend moins à asservir qu'à rendre le moine libre. (...) Le voeu de chasteté n'a pas d'autre sens que de permettre à François de tout aimer. C'est le désir qui empêche l'homme d'être libre. Tout homme qui réfléchit quelque peu sur sa propre vie ne peut s'empêcher de rêver en voyant ce qu'il a d'enthousiasme, de foi, d'allégresse, de chasteté, pris et retenu au piège d'un corps. En s'obligeant à la chasteté, François, qui resta toujours près de l'enfance, retrouvait l'indépendance ailée de l'âme enfantine, la façon insouciante dont elle se jette vers tout ce qu'elle aime.

Mais le chemin le plus brusque et le plus direct que François ait su s'ouvrir vers une vie sublime, c'est la façon absolue dont il a compris le voeu de pauvreté. Il a vu que rien n'infecte l'âme comme le fait de posséder et que c'est autour de ce point obscur que se noue et se ramasse la résistance de nos instincts les plus bas. Les biens et les liens, pour lui, c'est la même chose. L'homme ordinaire ne dépend pas moins de l'argent, s'il en possède que s'il en manque, il en porte aussi bien le joug comme avare que comme envieux. François échappe à ces laideurs par sa pauvreté radieuse. Ainsi s'achève la délivrance que les autres voeux avaient commencée."