dimanche 13 août 2017

De la servitude masculine volontaire.

Je ne m'en souvenais plus, mais on trouve dans Le 19e siècle à travers les âges l'un des plus beaux textes de P. Muray, une analyse brillante et émouvante de l'oeuvre de Flaubert. J'en extrais la citation du jour - c'est Flaubert qui écrit, cela vient de sa correspondance, Muray ne donne aucune référence :

"La femme me semble une chose impossible. Et plus je l'étudie, et moins je la comprends. Je m'en suis toujours écarté le plus que j'ai pu. C'est un abîme qui attire et qui me fait peur ! Je crois, du reste, qu'une des causes de la faiblesse morale du 19e siècle vient de sa poétisation exagérée. Aussi le dogme de l'Immaculée Conception me semble un coup de génie politique de la part de l'Église. Elle a formulé et annulé à son profit toutes les opérations féminines du temps. Il n'est pas un écrivain qui n'ait exalté la mère, l'épouse ou l'amante. La génération, endolorie, larmoie sur les genoux des femmes comme un enfant malade. On n'a pas idée de la lâcheté des hommes envers elles."

Et à l'époque, les hommes n'avaient même pas l'excuse des lois anti-discrimination de plus en plus inquisitrices et liberticides : ils se sont mis à genoux volontairement devant les femmes - en des proportions certes moindres que de nos jours. J'imagine d'ailleurs la Marche des fiertés décrite par Flaubert... Il se reprendrait un procès, comme pour Madame Bovary, mais on rigolerait. Quoi qu'il en soit, cette tirade et les réflexions qu'elle suscitent le confirment encore : quand on a le pouvoir et qu'on le perd, on y est forcément pour quelque chose.