samedi 23 décembre 2017

...la messe nous emmerde.

"A l’aube du second millénaire, le moine Glaber s’émerveillait de voir s’étendre sur l’Europe « le blanc manteau des églises ». A la fin de ce même millénaire, on pourrait s’émerveiller de voir se dérouler en Occident le manteau gris des musées. Au cours des années 70, si l’on en croit le Conseil international des musées, un musée nouveau fut en moyenne construit chaque semaine de par le monde. Chaque ville, durant la décennie, voulut avoir le sien, comme à l’aube du XIe siècle chacune prétendait à avoir son église cathédrale. Les institutions anciennes se mirent à s’agrandir avec frénésie. (…)

Au XIe siècle, le culte de reliques devait précipiter l’érection des abbayes et décider des nouvelles voies de communication. Aujourd’hui c’est le culte des oeuvres d’art qui pousse à construire ces temples nouveaux et qui ordonne les grandes transhumances culturelles du tourisme occidental. Dans l’habit du pèlerin moderne, le Baedeker a remplacé la coquille : on processionne autour des tableaux avec la même dévotion aveugle que jadis autour du corps de saint Philibert. 

Il n’est pas sûr cependant que l’oeuvre d’art soit bénéficiaire d’un pareil engouement. (…) 

Le développement extraordinaire, en cette fin du XXe siècle, des musées dits « d’art moderne »" serait… le signe, non d’une renaissance spirituelle, mais à l’inverse le signe spectaculaire que nous vivons la fin, non de l’art, ni même peut-être la fin de la modernité, mais que nous vivons la fin de l’idée de l’art moderne. 

« Les musées se rempliront vite d’objets dont l’inutilité, la grandeur et l’encombrement obligeront à construire, dans les déserts, des tours spéciales pour les contenir » écrivait Salvador Dali en 1931. Il ne savait pas si bien dire." 


Jean Clair, 1983. La coupure que j’ai pratiquée est une démonstration assez longue sur le statut alambiqué de l’oeuvre d’art dans les musées, je ne l’ai pas reproduite - déjà que je n’ai pas le temps de vous donner son texte sur le sexe et l’art… Ceci étant, retenons pour aujourd’hui le mouvement historique sur le long terme, en étant bien conscients que la multiplication des églises était plus logique par rapport à l’existence du culte, que ne le fut celle des musées. Le culte collectif de l’art est une idolâtrie. Au moins, les mosquées, c’est de nouveau cohérent. Ce qui n’empêche pas, il s’en faut, les riches arabes musulmans de jouer un rôle dans le marché de l’art, "dans les déserts" ou ailleurs, y compris avec les conseils éclairés de quelqu’un comme Dominique de Villepin. Qui paie commande…