mercredi 31 janvier 2018

"La débauche pornographique catholique..." / "Scandale d’un vagin non contaminé..."




"Au moment où j’écris, on traite beaucoup les intellectuels silencieux de déserteurs. Eh bien voilà qui nous rajeunit, puisque Michelet traitait justement les prêtres et les moines de « déserteurs » de la vie sociale ! A l’époque où la vie sociale commençait à se désertifier. Pourquoi déserteurs ? Parce qu’ils « énervent le pays par le célibat et l’ascétisme ». Déserter le désert, est-ce que c’est correct ? Est-ce que c’est gentil, solidaire, philanthropique ? Le 19e qui sentait sous lui se dérober ses jarrets en rendait responsable le clergé. L’Église est devenue la cause diabolique de l’effondrement de la société parce qu’il fallait que celle-ci trouve un responsable à l’affaissement sans raison de son propre concept… (…)

L’occulto-socialisme espère et croit comme un prêtre jette sa robe aux orties. Toutes les bouffées de soucis du 19e tournent autour de la soutane. Il l’enlève ? Il ne l’enlève pas ? Après 1848, quand l’armée française est envoyée par Louis-Napoléon Bonaparte rétablir le pouvoir temporel des papes, l’Homo dixneuviemis se convulse et Edgar Quinet crie que la France vient d’être « enfroquée dans une croisade du Saint-Office ». Ledru-Rollin tonne : « Une honte. » « La bannière de Loyola ! » Montalembert à l’Assemblée essaye de modérer les ardeurs : « Toute lutte contre [l’Église] est fatale à qui l’entreprend, tôt ou tard (…) L’Église a des ressources infinies » (Rires à gauche, dit le compte rendu des débats). Mais quand il apprend en 1869 que le pape à Rome est en train de se faire proclamer infaillible, Montalembert à son tour est effondré : « l’Église perdra la moitié de ce qui lui reste » avec ces « doctrines outrées et outrageantes pour le bon sens comme pour l’honneur du genre humain »… Il cède lui aussi comme tout le monde. L’infaillibité c’est comme la soutane en fin de compte, comme la robe du moine : des choses qui doivent rester en exclusivité propriété de la Femme…  

Ce sera d’ailleurs un fantastique scandale, cette affaire d’infaillibilité. Un défi inouï au bon sens inné comme au goût de la magie des contemporains. Déjà, un peu avant, il y avait eu le dogme de l’Immaculée-Conception. La génération sans tache de Marie définie comme dogme de foi par Pie IX dans sa bulle Ineffabilis en 1854. Quelques années après l’apparition de la Vierge dans les montagne dauphinoises, à La Salette, en 1846. Il y aura Lourdes ensuite en 1857. Des tas d’écrivains sont aimantés par ces événements. Bloy par La Salette, Huysmans par Lourdes. Zola aussi, nous le reverrons par là. En tout cas, pauvre 19e sur lequel déferle ce typhon de marisme, ces congrégations marianistes, maristes, ces soeurs de l’Immaculée-Conception. La Vierge est déjà apparue à Catherine Labouré en 1830. A l’abbé-Desganettes, curé de Notre-Dame-des-Victoires, en 1836. Michelet, dont l’intuition est la plupart du temps prodigieuse, comprend tout de suite de quoi il retourne : « Dieu changea de sexe, il faut le dire encore une fois », résume-t-il. Il sent bien qu’il s’agit d’une rafle : la Vierge rafle tout le féminin par ses apparitions, elle pompe tout le 19e-Femme, asphyxie l’explosion féministe-messianiste, les Isis, les Clotilde, les filles du feu et les fées des neiges. Bien sûr, on feint de n’y voir qu’une preuve de plus de la débauche pornographique catholique, de sa sexualisation à outrance. A sa façon, toute une partie de l’oeuvre de Zola se dressera contre ce scandale. Il suffit de lire La Faute de l’Abbé Mouret où, à la virginité inquiétante, est opposé le « Paradou » feuillu, murmurant et vibrant qui n’est rien d’autre qu’un jardin initiatique. Un grand labyrinthe naturel occultiste par où on essaye de redonner ses lettres optimistes de noblesse au sexe. Contre le sexe-pour-rien, sans utilité dans l’ordre des générations, de la mère du Christ. L’Immaculée-Conception, c’est le triomphe par-dessus les siècles de Duns Scot qui avait formulé le premier le syllogisme fixant l’action prévenante du Fils sur sa mère, la purification préventive par Jésus de celle qui doit le mettre au monde, son influence sur elle au mépris des règles de la génération normale. Potuit, decuit, ergo fecit : il put, c’était convenable, donc il le fit…

Scandale d’un vagin non contaminé, donc. Affolement, plus encore, lorsque à la fin du siècle la dévotion au Sacré-Coeur de Jésus arrivera au premier plan. Triomphe de la doctrine de saint Grignon de Montfort (…). Indignation à nouveau de Zola à qui la construction de la basilique dite justement du Sacré-Coeur donne des convulsions. Il écrira pour détruire ce monument un énorme roman intitulé Paris, qui est en quelque sorte le gémissement de la pudeur dixneuviémiste frappée dans son sacré et palpitant de révolte. 

L’infaillibilité pontificale aussi, Zola la recevra en plein estomac, et ça donnera Rome. Ça donnera Le Pape pour Hugo dans le rêve d’effacer l’autre Pape, celui de Maistre. Il faut les voir, tous, hallucinés, eux qui triomphaient. Extrêmement perturbés par les initiatives invraisemblables d’une Église qui n’arrête pas de remonter de ses catacombes et de parasiter le cours normal du progrès. L’Église est devenue à partir de là une sorte de Sphinx évidemment répulsif auquel il faut apporter très vite des réponses dans l’espoir de le voir se reprécipiter dans l’abîme. 

La plus grosse énigme, la plus pénible, c’est sûrement quand même l’infaillibilité. Qui pourrait se résumer ainsi : 

Qui est-ce qui se trompe le matin, qui se trompe à midi et qui se trompe encore le soir ? 

Réponse : en tout cas pas le pape. 


Je l’ai déjà dit, l’infaillibilité, c’est la définition en creux des hommes parlants comme actes manqués. Ici encore, d’ailleurs, l’Église se montre excellente historienne de son époque et même visionnaire pour les temps à venir où on va voir les hommes et les femmes de plus en plus se prendre pour des infaillibilités pontificales personnelles et spontanées tout en s’intéressant de plus en plus à leurs petits actes manqués visibles et locaux en bons profiteurs de la psychanalyse sans peine, et ne jamais se demander si ce ne serait pas plutôt globalement qu’ils seraient des lapsus, des échecs, des ratés de la parole ou de la mémoire…L’humilité n’est pas le défaut principal de l’existant actuel, de l’explorateur de sa propre infaillibilité pontifiante. Il y a aussi l’infaillibilité de masse. Enfin, tout le monde parle plus ou moins ex cathedra, c’est ainsi."

Philippe Muray, bien sûr. 

mardi 30 janvier 2018

Un peu de Jean Clair pour se remonter le moral et lutter contre le déclinisme.

"C’est moins la sécurité de l’enfant qu’on affirme que, tout au contraire, le Père ayant disparu, le besoin inavoué de tenir en respect l’appétit cannibale qu’il inspire à la mère. (…) L’ogresse serait la forme ultime - ou primitive - de cette longue tradition où la mère, et derrière elle, la grand-mère, la tante, les cousines, soumettent les filles à leur loi, bien plus féroce que l’autorité paternelle. C’est vrai de l’Islam où la mère inculque à l’enfant le principe de sujétion auquel elle a été elle-même soumise et, de génération en génération, transmet la malédiction d’être née fille. C’est vrai de la société occidentale, quand disparaît l’autorité du Père et que la mère, la méchante mère tout entière et désormais, transmet semblable malédiction, non plus seulement à la simple lignée femelle, mais à toute la progéniture mâle et femelle. (…) Ce n’est plus l’enfant que l’on éduque pour guider ses pulsions anales, cannibales, orales, ou tout ce qu’on veut, vers un stade génital acceptable pour la société, c’est la mère, devenue la marâtre, la sorcière, qui, libérée de la présence du père, mais tout autant ne supportant pas son absence, retrouve la possibilité d’assouvir sa passion anthropophage. Les enfants ne sont à ce point attirés, recueillis, enfermés, protégés, nourris, que pour pouvoir demain offrir aux adultes la possession de leur chair grasse et blanche. Entourés de mille soins, de mille conseils et de mille soutiens (…), ces éternels enfançons, survalorisés au nom de l’enfant unique, surprotégés au nom du principe de précaution (…), on les conditionne à la vie d’assistés, de bétail entretenu qu’ils connaîtront adultes, naviguant d’emplois précaires en CDD, de petits boulots en RTT."

De même que Muray écrivait que l'on ne condamne à toute force le tourisme sexuel que pour sauver le tourisme, qui fait bien plus de victimes, on ne condamne à toute force le pédophile que pour sauver l'infantilisation de toutes et tous - qui fait bien plus de victimes. 

lundi 29 janvier 2018

Puisque l’on parle de Maurras, parlons-en.

"Charles Maurras est frappé d’indignité nationale. Il a été condamné à la perpétuité pour haute trahison et intelligence avec l’ennemi.", nous dit notre bien-aimée Licra dans un tweet publié durant cette brève affaire de « vraie-fausse commémoration » qui montre si bien le sectarisme mal assumé de notre république des droits de l’homme et de l’amour universel. 

Cette république et ce sectarisme, Maurras les a combattus et subis, l’idée d’être « commémoré-mais-non-célébré » par un régime fondé par le général de Gaulle et dirigé maintenant par des partis non représentatifs de la population et par des groupes de pression non sans rapport de filiation avec ce qu’il pensait à tort ou à raison être les « ennemis de l’intérieur », cette idée lui aurait sans doute semblé pour le moins fumeuse. 

Il ne s’agit donc pas dans ces lignes de « prendre sa défense », mais de profiter de ce qui se dit ici et là pour évoquer l’un des mensonges les plus importants de l’histoire contemporaine. On peut reprocher à Maurras beaucoup de choses, et notamment certains articles parus pendant la guerre, mais qu’il ait été condamné « pour haute trahison et intelligence avec l’ennemi » est le symbole de l’escroquerie qu’a pu être à certains égards la Libération. Maurras était anti-allemand jusqu’à l’obsession et la caricature, n’a jamais collaboré avec l’occupant, l’a même ouvertement défié à de nombreuses reprises (Michel Déon, qui fut son secrétaire à Lyon à la fin de la guerre, en donne un exemple dans ses souvenirs). Ce que les communistes et leurs alliés ont fait en condamnant Maurras, et pour de tels motifs, est une illustration typique du principe selon lequel ce sont les vainqueurs qui écrivent l’histoire. A partir de l’accession d’Hitler au pouvoir en 1933, qui ne cesse de réclamer que la politique extérieure de la République fasse preuve de fermeté à son égard ? Qui ne cesse d’avertir que si on laisse Hitler grandir et l’Allemagne se réarmer, la France encore fatiguée de l’immense effort de la guerre de 1914-1918 et probablement peu soutenue par l’Angleterre, ira au-devant de graves problèmes ? Maurras et l’Action française. Ont-ils été au pouvoir entre 1933 et 1940 ? Non. Les socialistes, oui, les communistes aussi (brièvement). Il n’est évidemment pas certain que la France eût pu s’opposer à l’expansion de l’Allemagne hitlérienne en 1935, mais si on ne l’a pas essayé, si on n’a pas écouté celui qui disait que plus on attendrait et plus le succès de nos éventuelles initiatives deviendrait aléatoire, si on a donné les congés payés aux ouvriers français pendant que les ouvriers allemands bossaient comme des ânes dans les usines d’armement, il n’est tout de même pas trop difficile d’aller chercher les responsables. Certains grands patrons le furent, j’y reviens plus bas. Léon Blum le fut aussi. Que les campagnes de l’Action française contre lui avant-guerre et pendant l’Occupation puissent nous choquer, c’est bien le moins. Cela suffit-il à l’exonérer de toute responsabilité ? 

D’autant que, je reviens à la Libération, en condamnant le vieux Maurras « pour haute trahison et intelligence avec l’ennemi », les communistes et leurs alliés, ne se contentaient pas de faire porter le chapeau de certaines de leurs erreurs à quelqu’un d’autre, ils supprimaient du même coup, et c’est le tort historique de ceux de leurs alliés qui étaient gaullistes, une vieille droite, assez autoritaire dans ses principes, mais peu capitaliste dans sa mentalité. Pour le dire vite, la vraie droite que beaucoup cherchent en ce moment, « hors les murs » notamment, a été jetée avec l’eau du bain des collaborateurs - lisez ce que Rebatet écrit de Maurras dans les Décombres, en 1943, on voit la différence entre un pro-européen pro-allemand et un vieux nationaliste anti-allemand ; même leur antisémitisme, bien réel dans les deux cas, diffère - lors du procès Maurras. 

Et la vie politique en France en souffre toujours. Si en face de la gauche « humaniste », Macron-Mélenchon même combat de ce point de vue, ne se dresse qu’une droite affairiste d’un côté, collabo de l’autre, on comprend bien comment le système se reproduit. Par-delà l’escroquerie judiciaire dont il a été victime et ses propres faiblesses, un François Fillon a aussi été une victime lointaine de cette oblitération - négationniste, n’ayons pas peur des mots… - de la figure de Maurras, et de son identification simultanée (voilà un bel exemple d’amalgame) à celle de Rebatet. La droite française eut des torts, des industriels qui exportaient encore de l’acier en Allemagne pendant la drôle de guerre, ne pouvant ignorer que les nazis s’en servaient pour leur armement, aux collaborateurs les plus fervents. Mais ce que, malgré tous ses travers personnels, la figure de Maurras incarne, c’est justement un itinéraire  « ni pute ni soumise »,  « ni affairiste ni collabo ». A de nombreux égards un simple Fillon ne pouvait se sortir de ce mensonge historique et investir de sa personne cet espace à la fois disparu et vacant. Le prochain à vouloir réellement affronter la gauche - c’est-à-dire les partis de gauche et un peu ceux de droite, les journalistes,  les intellectuels, les milieux d’affaires, etc., ça fait du monde… - rencontrera la même difficulté. - Un spectre hante la politique française, celui du vieux Maurras…


(Ayant eu comme professeur d’histoire il y a bien longtemps Pascal Ory, qui fut mêlé à cette affaire, je ne suis pas sûr qu’il me contredirait fondamentalement… Mais ce n’est qu’une hypothèse.)

dimanche 28 janvier 2018

Jour de la saint Thomas d'Aquin.



Conséquence logique : 


"C’est déjà une merveille pour les saints de recevoir une grâce qui sanctifie leur âme ; mais la grâce que reçut l’âme de la Vierge fut en telle abondance qu’elle rejaillit jusque sur sa chair, afin que dans cette chair Marie conçût le Fils de Dieu (…). La grâce de Marie fut tellement abondante qu’elle rejaillit sur l’humanité tout entière. Qu’un saint possède assez de grâce pour suffire au salut d’un grand nombre, n’est-ce pas une grande chose ? Mais en posséder assez pour satisfaire au salut de tous les hommes de ce monde, voilà qui est la plus étonnante des merveilles. C’est le cas du Christ, et c’est aussi celui de la bienheureuse Vierge ; car dans n’importe quel danger, on peut obtenir le salut de la Vierge glorieuse."

samedi 27 janvier 2018

Le surréalisme pour les nuls.

"Revenons à l’anecdote de Queneau quand (…) Pierre Naville demande à la charmante Elisa, medium, s’il est possible de concilier la croyance dans le matérialisme historique et la foi en l’immortalité de l’âme selon la doctrine spirite. La question est moins saugrenue qu’il n’y paraît au premier abord. Soit ces deux images : la première est celle de Lénine, ou de Trotski, ou de n’importe quel autre révolutionnaire prophétisant, enflammé, l’avenir aux masses rassemblées à ses pieds. La seconde est la photo (dans la Nadja de Breton, note de AMG) de Madame Sacco, voyante rue des Ursins, dévoilant dans sa boule de cristal la bonne fortune à ses clients. Une chose au moins les rapproche, le révolutionnaire et la voyante, c’est qu’ils croient tous les deux que l’avenir est écrit. 

Mais dire que l’avenir est écrit, c’est dire que l’avenir a toujours déjà été écrit. Si le futur peut se lire, annonçant une fin de l’Histoire où la satisfaction immédiate des désirs sera le signe de l’assouvissement des besoins, si demain par exemple la dictature du prolétariat marque la fin de l’aliénation de l’homme ou bien demain, si au coin de la rue, je rencontre celle dont je tomberai soudain amoureux - c’est bien qu’il est déjà quelque part inscrit dans le grand Livre du monde, qu’il est déjà l’inscription de ce qui a eu lieu. Qu’importe que l’on croie que le pouvoir du devin, c’est de la déchiffrer, et que celui du révolutionnaire, c’est de l’accélérer. Croire à la Révolution, c’est littéralement - revolvere - croire au retour éternel des mêmes choses. Ce qui sera est ce qui fut. (…)

Cette fansmagorie selon laquelle le futur a toujours déjà été dit, et que ce que nous sommes, nous le serons encore, comme nous l’avons été, Louis Auguste Blanqui, le révolutionnaire, lui donnera sa forme la plus saisissante quand il écrira, du fond de sa prison où coulent identiques les jours, son Éternité par les astres. Postulant que le nombre de combinaisons des corps matériels sous le soleil est nécessairement limité mais qu’elles ont lieu dans un temps infini, il est inévitable que la combinaison primordiale de ces corps se reproduise en milliards d’exemplaires identiques à travers l’éternité cosmique. « Ce que j’écris en ce moment dans un cachot du fort du Taureau, je l’ai écrit et je l’écrirai pendant l’éternité, sur une table, avec une plume, sous des habits et dans des circonstances toutes semblables (…, coupure de J. Clair). Toutes les belles choses que verra notre globe, nos futurs descendants les ont déjà vues, les voient en ce moment et les verront toujours… » Tel est le credo du révolutionnaire absolu, de celui qui (…), en bouclant le mouvement sur lui-même, démontre l’inanité absurde du progrès. 

Nietzsche donnera à cette imagination sa forme la plus haute : le surhomme est celui qui, ayant établi de Dieu l’acte de décès, voit le déroulement des phénomènes non plus comme une histoire qui aurait un début et une fin - une Genèse et une Apocalypse, - car rien n’est plus historique que la révélation divine, qui inscrit l’Homme dans le temps, et qui intime le devoir de s’accomplir dans le temps - mais comme un cycle roulant indifférent et indéfiniment, dans l’infinité d’un monde où Dieu a disparu.  

Ainsi la Révolution ne s’inscrit-elle pas, contrairement à ce qu’on a dit, dans un projet messianique, elle n’est pas, transportée sur la Terre, le reflet d’une eschatologie d’essence divine, elle n’est, une fois portée jusqu’à ses conséquences ultimes, qu’un nihilisme absolu. [Je me permets une incise : ce paragraphe, comme beaucoup de méditations, de J. Clair ou d’autres, sur le nihilisme, la religion, le messianisme, etc., dépend beaucoup de ce que l’on entend par ces termes. Muray disait dans le temps qu’il faudrait un autre terme que « religion » pour évoquer le christianisme ; ici, dans un propos analogue, il n’y aurait que le christianisme qui soit une religion.]

Contrairement à la promesse divine qui inscrit l’homme dans une histoire, la prophétie de la Révolution ne peut pas s’accomplir dans l’Histoire, dans la mesure où la Révolution n’a pas d’histoire. « Rien n’aura lieu que le lieu », écrivait Mallarmé au même instant que Nietzsche et que Blanqui. Et Breton n’a donc pas tort de confondre dans le nom de Sacco [la voyante d’un côté, le Sacco de Vanzetti de l’autre, The last and final moment is yours, that agony is your triumph…], la mantique marxiste et la divination populaire. 

Pour Walter Benjamin cependant, qui deviendrait plus proche de la mystique de Gershom Scholem qu’il ne l’avait jamais été du matérialisme de Marx, l’avenir, aux yeux des hommes du moins, n’est jamais écrit. Il ne se laisse ni déchiffrer, ni prédire, ni accélérer. Le futur est obscur, lourd d’orage et de catastrophes, il gronde, il fulmine, il parle confusément dans les nuées et les flammes. Qui peut jamais déchiffrer ce qu’il nous dit ? On se souvient des lignes saisissantes par lesquelles Walter Benjamin évoque l’ange de l’Histoire dont le visage, nous dit-il, « est toujours tourné vers le passé ». Il voudrait bien s’attarder, réveiller les morts et rassembler les vaincus. Mais du paradis souffle une tempête qui s’est prise dans ses ailes, et si forte que l’ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse incessamment vers l’avenir auquel il tourne le dos, cependant que jusqu’au ciel devant lui s’accumulent les ruines ». 

« Réveiller les morts et rassembler les vaincus » : ce double projet que Walter Benjamin résume, n’avait-ce pas été le but même du surréalisme, en quête d’une beauté qui sera, quand il prétendait d’un côté, dans l’ombre du spiritisme, « réveiller les morts », et de l’autre, dans l’éclat du drapeau rouge, « rassembler les vaincus » ?"


Ces lignes sont extraites du livre de Jean Clair, Du surréalisme considéré dans ses rapports au totalitarisme et aux tables tournantes, 2003, livre dont j’ai déjà cité un certain nombre d’extraits (pas celui d’hier), et que je réutiliserai sans doute les prochains jours. J’en profite toutefois pour indiquer que si j’en partage nombre de conclusions, il me semble que son argumentation est sensiblement plus lâche (pas au sens moral, mais comme on parlerait d’un tissu) que dans d’autres textes du même auteur. Il y aurait souvent des précisions à apporter, des distinctions supplémentaires à faire, ce pourra aussi être le cas dans des citations à venir à ce comptoir. Je l’écris une fois. Après, cette théorie de citations - dont vous avez pu constater que je n’ai pas réussi à l’arrêter à la date prévue… - n’a pas pour but de discuter en eux-mêmes tous les propos de tous les auteurs à qui je les emprunte, mais de vous les faire lire ou relire. Sur ce, à demain (qui sera la Saint Thomas d’Aquin, rien moins).

vendredi 26 janvier 2018

Caché.

"Autrement dit de tuer..."




"Cette petite chapelle, à Saint-Pantaléon, près de Gordes, des premiers temps de la christianisation. Ramassée sur elle-même, elle s’enveloppe des trois arrondis de ses absidioles. Et tout autour, creusés dans la roche sur laquelle elle a été directement bâtie, se distribuent de petites cavités oblongues, de la taille et de la forme d’un berceau. Ce sont des tombeaux de pierre qui étaient destinés aux enfants morts dans les limbes (…). On amenait les petits corps sans vie dans ce sanctuaire où ils ressuscitaient le temps d’une messe. C’était assez pour qu’on les baptisât et qu’on les dît enfants de Dieu. Puis ils étaient enterrés dans ces creux de rocher. Désormais l’âme en paix, ils voguent pour l’éternité, réunis dans cette flottille de sauvetage amarrée autour du navire amiral. On appelait ces chapelles des « sanctuaires de répit ».


Cet répit-là vaut bien celui sur lequel discutent désormais biologistes, éthiciens et législateurs, ce délai de quinze semaines au-delà duquel il n’est plus permis d’avorter, autrement dit de tuer, déjà complet dans toutes ses parties, comme l’imagerie médicale le démontre, l’enfant des limbes."

Jean Clair, 2006. Je ne l'attendais certes pas sur ce sujet. 

jeudi 25 janvier 2018

André Breton...

"Nous faisons nôtre la pensée hégélienne reprise par Engels, selon laquelle “ le mal est la forme sous laquelle se présente la forme motrice du développement historique ” (…). Ce mal, il faut avoir le courage de le vouloir et pour cela il faut commencer par rompre avec le comportement grossièrement humaniste qui fait partie de l’héritage chrétien."

Tous les courages ne se valent pas. Cette citation - que j’emprunte à vous savez qui, la coupure est de lui - est d’autant plus intéressante, me semble-t-il, qu’il est hors de question de nier qu’il arrive que les choses avancent, ou progressent, par le mauvais côté. Mais Breton confond le  « travail du négatif », qui était déjà chez Hegel une systématisation sans doute trop abrupte de la constatation banale que d’un mal peut surgir un bien, qui effectivement ne serait pas apparu sans le mal en question, et l’adoration du mal en tant que tel, posée comme une preuve de courage. Il y a aussi une forme de courage à se carrer un godemichet dans le cul, après tout. Il est plus difficile, mais je suis sans doute trop optimiste, de convaincre ses concitoyens qu’ils sont lâches s’ils ne se livrent pas à cet exercice, littéralement ou métaphoriquement. 

mercredi 24 janvier 2018

Moi, pauvre impératrice...

"L’élite ne considérait pas que la destruction de la civilisation fût un prix trop élevé pour le plaisir de voir y accéder par la force ceux qui en avaient été injustement exclus par le passé", écrivait Hannah Arendt (citée par J. Clair), au sujet des intellectuels des années 20 et 30, qui, sous le choc des horreurs de la Grande Guerre, vouaient aux gémonies la civilisation occidentale et appelaient les prolétaires,  « l’Orient », « l’Asie »,  etc., à venir manger tout cru ladite civilisation (avec ou sans guillemets ? C'est justement le noeud du problème...). 

- Toute ressemblance avec des personnages actuels, etc. Ce qui est frappant avec les êtres humains communément appelés intellectuels, c’est leur propension à jeter le bébé avec l’eau du bain. Cela fait partie de leur façon d’exister,  à leurs yeux et aux yeux des autres, elle ne serait que ridicule si elle n’avait des conséquences. C’est ce qu’une femme de pouvoir, Catherine II, expliquait gentiment à Diderot : 

"Vous autres philosophes, vous ne travaillez que sur le papier qui souffre tout. Moi, pauvre impératrice, je travaille sur la peau humaine, qui est bien plus irritable et chatouilleuse…"

Il semblerait néanmoins, Jacques Bouveresse l’avait noté il y a bien longtemps, que le statut d’intellectuel préserve les êtres humains qui l’ont acquis - auto-proclamation, cooptation, ou cooptations mutuelles, il y a d’autres moyens que le travail pour cela - de toute forme de responsabilité quant aux conséquences de ce qu’ils peuvent dire. - Raconter tout ce que l’on veut sans jamais rien assumer du contenu de son propre discours, cela relève me semble-t-il plus de la psychiatrie que de l’invitation à la disputatio. D’une certaine façon, ces gens-là ont trop d’orgueil pour être rationnels, avec la modestie et la prudence, certes parfois frustrantes, que le respect des formes élémentaires de la rationalité implique. 


J’extrais la citation de Hannah Arendt d’un livre de Jean Clair où il s’en prend à André Breton. J’extrapole à partir de cette citation, et me rends compte que de Breton à Yann Moix, qui nous rejoue pour la millième fois le thème de la « France moisie », de « l’idéologie française », du « ventre encore fécond... » etc., la filiation est directe. Ce qui fait une belle jambe aux habitants de Calais ! 

mardi 23 janvier 2018

Quatre citations, qui sont autant d'exergues aux livres de Jean Clair...

Je viens d’en trouver quelques-uns, le temps me manque par ailleurs pour vous transmettre un texte par trop long, voici donc quelques citations en vrac : 

 - "L’homme n’est peut-être que le monstre de la femme, ou la femme le monstre de l’homme." (Diderot, qui anticipe ici des rêveries de Cronenberg, dont je m’étais fait l’écho il y a bien longtemps, à propos de papillons… Les spécialistes avaient classé toutes les espèces de papillons, il leur restait sur les bras un horrible petit mâle et une splendide grande femelle qu’ils n’arrivaient pas, c’est le cas de le dire, à caser… Jusqu’à ce qu’ils aient l’idée de les faire s’accoupler, cela marcha très bien, leur classification fut achevée, et Cronenberg put extrapoler sur les rapports homme-femme, et sur l’idée que nous ne saurions que d’horribles avortons à genoux devant des déesses sublimes, idée à certains égards séduisante….) ; 

 - "Depuis que la culture s’est détachée du culte et s’est faite culte elle-même, elle n’est plus qu’un déchet…" (Thomas Mann) ; 

 - "No culture has appeared or developed except together with a religion" (T. S. Eliot - le moins que l’on puisse dire est que l’évolution de la nôtre ne contredit pas cette thèse générale) ; 

 - "J’avais déjà le pressentiment que ce monde était formé à l’ignoble image des équarrisseurs." (Léon Bloy. J’avoue que la lecture ce jour de nouveaux chiffres de l’immigration donne de l’eau au moulin d’un Renaud Camus dans certaines de ses comparaisons, l’exergue en question se trouvant dans un livre évoquant notamment le camp de Dachau.)


J’en profite, tiens : des photographies ont circulé sur Twitter de familles accueillant des « migrants », il s’agirait souvent de personnes âgées se prenant une sorte d’animal de compagnie, comme on prend un chien ou un chat après que les enfants sont partis - si, justement, enfants il y a eu… Je ne sais pas quelle est la représentativité de ces photographies et je ne connais pas les personnes en question, leurs itinéraires ni leurs convictions, mais il m'a été difficile en les découvrant de ne pas me dire que la génération de mes parents, qui a fait si peu d’enfants et qui est en partie responsable de ce qui a lieu et de ce qui se prépare, est capable, en plus de toutes les conneries qu’elle a déjà faites, de remplacer elle-même (avec l'argent de leur retraite, que nous payons...) les enfants qu’elle n’a pas assez fait quand elle ne pensait qu’à sa gueule, sa libido et son pognon, et ainsi d’accélérer encore, et toujours en se donnant bonne conscience, le désastre dans lequel elle a une réelle part de responsabilité. J’aime bien, j'ai déjà eu l'occasion de l'écrire, la formule selon laquelle certains "ont le mauvais goût très sûr", il m’arrive de penser que la génération qui a précédé la mienne (et à qui ne je cherche pas à faire porter tous les péchés d’Israël…) ne se trompe jamais, quand il s’agit de faire un choix : d'une infaillibilité alors quasiment pontificale, elle parvient toujours à faire non seulement le mauvais, mais le pire. 

lundi 22 janvier 2018

Qu'ill faut pour ce combat préparer de vigueur...

Voici un nouvel extrait, après celui du 22 décembre dernier, de l’Imitation de Jésus-Christ traduite et mise en vers par Corneille. Difficile de ne pas être sensible ici à l’empreinte du style de l’auteur du Cid et de Horace… - Le « il » dont il est question au début est le bon chrétien qui s’efforce, malgré tous leurs attraits, de maîtriser ses passions :  


"Il ne croit trouble égal à celui que se cause
Un coeur qui s’abandonne à ses propres transports, 
Et maître de soi-même, en soi-même il dispose
Tout ce qu’il se propose 
De produire au-dehors.

Bien loin d’être emporté par le courant rapide
Des flots impétueux de ses bouillants désirs, 
Il les dompte, il les rompt, il les tourne, il les guide, 
Et donne ainsi pour bride
La raison aux plaisirs. 

Mais pour se vaincre ainsi qu’il faut d’art et de force ! 
Qu’il faut pour ce combat préparer de vigueur !
Et qu’il est malaisé de faire un plein divorce
Avec la douce amorce 
Que chacun porte au coeur ! 

Ce devrait être aussi notre unique pensée
De nous fortifier chaque jour contre nous, 
Pour en déraciner cette amour empressée
Où l’âme intéressée
Trouve un poison si doux.

Les soins que cette amour nous donne en cette vie
Ne peuvent aussi bien nous élever si haut, 
Que la perfection la plus digne d’envie
N’y soit toujours suivie 
Des hontes d’un défaut.

Nos spéculations ne sont jamais si pures, 
Qu’on ne sente un peu d’ombre y régner à son tour ; 
Nos plus vives clartés ont des couleurs obscures, 
Et cent fausses peintures

Naissent d’un seul faux jour."

dimanche 21 janvier 2018

Saint Paul.

"Ainsi donc, comme la faute d’un seul a entraîné sur tous les hommes une condamnation, de même l’oeuvre de justice d’un seul procure une justification qui donne la vie. Comme en effet par la désobéissance d’un seul homme la multitude a été constituée pécheresse, ainsi par l’obéissance d’un seul la multitude sera-t-elle constituée juste.

La Loi, elle, est intervenue pour que se multipliât la faute ; mais où le péché s’est multipliée, la grâce a surabondé."

Romains, V, 19-20. Il n'y a plus qu'à commenter...

samedi 20 janvier 2018

"La condition de départ pour pouvoir penser ce monde..."

"La condition de départ pour pouvoir penser ce monde, c'est l'insoumission. S'insoumettre c'est refuser que l'ordre établi est un ordre définitif. Il faut apprendre à refuser que l'inégalité est un fait naturel. C'est un fait social."

Passons sur les fautes et impropriétés (« s’insoumettre » n’est pas dans mon Robert ; on refuse plus une idée qu’on ne « refuse que », tournure qui appellerait logiquement un subjonctif…), et concentrons-nous sur le propos. - Dans le droit fil de mes remarques d’hier et des jours passés, je tombe donc sur ce tweet de Jean-Luc Mélenchon. Il y enfile les perles. 

"La condition de départ pour pouvoir penser ce monde, c'est l'insoumission." Pourquoi cela ? S’il faut vraiment une condition de départ, l’observation, l’attention, ce ne serait pas plus logique et plus modeste ? Une sorte de soumission préalable, et merde à ma propre islamophobie, me semblerait plus à propos. Dans un deuxième temps, mais dans un deuxième temps seulement, on peut effectivement décider de lutter contre certains des aspects de ce monde. 

"Refuser que l’ordre établi [soit] un ordre définitif." Ce n’est pas pour contredire, mais j’aimerais bien le contraire, être en situation de souhaiter que l’ordre établi le soit pour longtemps, cela serait bon signe. Nous n’en sommes certes pas là. 

" Il faut apprendre à refuser que l'inégalité est un fait naturel." Ces dernières années, lorsque quelqu’un de gauche parle d’« apprendre », il n’est pas rare que cela évoque un dressage à la mode communiste, une lutte fanatique pour changer ce qui ne peut l’être. En l’occurrence, et c’est ce que disait mon poète d’hier, l’inégalité est un fait naturel. Ce qui n’empêche pas qu’il y ait aussi des inégalités sociales. S’il n’est pas toujours aussi aisé que l’on pense de les distinguer, on ne risque pas d’aider à la « pensée du monde », ambition déclarée de M. Mélenchon, avec un tel postulat.


Note : 6/20. 

vendredi 19 janvier 2018

Un petit vieux amateur de poésie...

Nous nous croisons de temps en temps, je ne dirais pas que nous parlons poésie, je n'y connais pas grand-chose, disons que je l'écoute parler. Ce type de 80 ans passés, jovial et toujours amateur - à quel degré je l'ignore, chacun sa vie - de jolies femmes, était en train de me parler de Mallarmé, il s'interrompt en voyant marcher, le mot n'évoque pas l'effort que cela demandait, une femme handicapée. Sans transition, ou plutôt, après un soupir de transition :

"L'inégalité est la loi du Seigneur."

La surprise passée, ce credo darwino-catho m'a rempli d'aise.

jeudi 18 janvier 2018

En une phrase, Jaurès explique en quoi la "France insoumise" le trahit.

Ce n’est pas que je sois idolâtre de Jaurès, certaines de ses tirades larmoyantes sont pour le moins pénibles. Et j’ai lu Michéa et ses thèses sur la « synthèse jaurésienne » . J’ai lu Péguy aussi - avec toute ma reconnaissance, mon admiration et mon affection pour lui, il m’est difficile de ne pas me dire qu’il est tout de même trop sévère avec quelqu’un qui avait des responsabilités que Péguy n’avait pas. Bref ! Voici la citation : 

"Les pauvres n’ont que la patrie." - Et ce n’est pas le moins dégueulasse dans les discours immigrationnistes, de « gauche » comme de « droite ».

Une autre citation, pour le même prix, complémentaire de la précédente (elles sont mises en exergue par Jean Ousset à son ouvrage A la semelle de nos souliers…, c’est lui qui les a trouvées et rapprochées) : 

"La patrie, je ne sais pas ce que c’est. Je ne connais que la France." 


Georges Brassens. Évidemment !   

mercredi 17 janvier 2018

"A la fin tu es là de ce monde ancien…" - "Dieu est la seule nouveauté, quand l’homme ne cesse de répéter les mêmes drames."

Je juxtapose à dessein le légendaire incipit de Zone, poème sur lequel s’ouvre Alcools, et cette phrase de R. Sangars dans L’incorrect. Je reviens à Apollinaire tout de suite, mais j’aime bien, déjà, pour elle-même, la phrase de M. Sangars, car elle rappelle ce dont on prend vite conscience lorsque l’on s’intéresse à ces thèmes : que tant de prétendues nouveautés ne sont que les retours, soit de vieilles lunes païennes, soit d’hérésies plus ou moins chic, plus ou moins meurtrières…. En comparaison avec cette sorte d’éternel retour de la tragique faiblesse/vanité humaine, cet éternel retour du monde ancien - et nous sommes de nouveau en plein dedans -, il y a quelque chose, je crois qu'il est ici cohérent d'être prosaïque, de rafraîchissant dans le christianisme. 

Romaric Sangars, au détour d’un hommage à Maurice Dantec (qui n’est pas le sujet du jour, mais comme j’ai écrit il y a dix ans des méchancetés sur lui (http://cafeducommerce.blogspot.fr/2007/06/les-ennemis-de-mes-ennemis-ne-sont-pas.html), je ne voudrais pas donner l’impression, hello Ernest Hello, que Dantec lisait, de mentir par omission…), cite le vers d’Apollinaire : "Seul en Europe tu n’es pas antique, ô christianisme." 

Occasion donc, pour le plaisir et l’émotion, de relire et de vous citer tout le début de Zone, à une époque je connaissais ça par coeur… et j’avais pourtant oublié, mais cette époque est lointaine, presque une autre vie, que Pie X, qui n’était pas encore saint Pie X (au passage, je cherche le livre de Maurras sur Saint Pie X, sauveur de la France…) y figurait en bonne place. - A bientôt ! 


"À la fin tu es las de ce monde ancien

Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin

Tu en as assez de vivre dans l’antiquité grecque et romaine

Ici même les automobiles ont l’air d’être anciennes
La religion seule est restée toute neuve la religion
Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation

Seul en Europe tu n’es pas antique ô Christianisme
L’Européen le plus moderne c’est vous Pape Pie X
Et toi que les fenêtres observent la honte te retient
D’entrer dans une église et de t’y confesser ce matin…"

mardi 16 janvier 2018

Drieu disait des surréalistes : "Des derviches sans Allah."

"L’inconscient que Freud… explore patiemment, en neurologue qu’il est et demeure, s’inscrit dans le savoir expérimental de son temps et non dans la tradition du spiritualisme romantique. (…) Or cet aspect-là, qui fait d’abord de Freud un rationaliste (mais non seulement un rationaliste), est l’aspect qu’en France on se refuse à considérer. La réception et la diffusion de la psychanalyse, contrairement à d’autres pays où elles s’étaient faites naturellement par les milieux médicaux, se feront en France par les milieux littéraires. La fortune critique de la psychanalyse a reposé chez nous sur les modes littéraires, en particulier le mouvement surréaliste, non sur les jugements scientifiques. (…)

Les lois [que Freud énonce] sont en tout cas fort éloignées du principe de plaisir, de la libération des pulsions ou de l’émancipation des règles que prôneront pourtant, croyant s’appuyer sur son autorité, les surréalistes et leurs successeurs. « La liberté individuelle, écrira Freud platement, n’est pas un bien de la civilisation. C’est avant toute civilisation qu’elle était la plus grande, mais le plus souvent sans valeur propre, l’individu étant à peine en état de se défendre. »"


Je ne suis pas du tout zélateur de Freud. Mais ces lignes de Jean Clair peuvent contribuer à la constitution d’une histoire révisionniste du gauchisme français. Et plus on « révise », et plus l’on se dit que ce gauchisme a fait du tort et continue à en faire, dans toutes les directions. Même des esprits aussi considérables et à leur façon pondérés que Jacques Bouveresse et Jean-Pierre Voyer en ont été victimes, eux qui auraient dû lire saint Thomas d’Aquin pour ainsi dire tout de suite

lundi 15 janvier 2018

Pour un catholique, il est plus moral de baiser que de se mater un porno. Pour un protestant ?

"Soustraire le mal au risque, c’est aussi le soustraire à la rédemption."

Gustave Thibon. - Mon titre est un peu racoleur, je sais. Mais autant plaisanter que de faire du Scorsese ou du Ferrara. Faisons un rêve, par exemple, dont l'auteur n'était pourtant pas à ma connaissance croyant, c'est autre chose que Bad lieutenant

dimanche 14 janvier 2018

D'après Franck Gastambide, la nature est fasciste.

Encore quelqu'un que je ne connaissais ni d'Eve ni d'Adam avant ce jour, voilà que ce type apparemment assez bien-pensant déclare dans une interview consacrée à un film sur les rêves brisés des apprentis-footballeurs :

"- C'est le talent qui fait la différence ?

Le talent, le don, c'est très injuste. Qu'est-ce qui fait que, sur deux copains de chambrée au centre de formation, l'un devient une star et l'autre échoue ? Pourtant, ils ont la même vie."

Oui, mais justement, ils n'ont pas le même talent, le même don (et l'un peut bosser plus que l'autre...). "C'est immoral mais c'est comme ça", comme disait Brassens. Votre serviteur par exemple aurait été très heureux de devenir Sinatra ou Boris Christoff, mais il a une voix qui suscite la consternation dans son foyer dès qu'il pousse la chansonnette. Je ne vais pas porter plainte contre le Bon Dieu pour ça.

Ce n'est pas qu'il ne faille pas aller contre certaines inégalités de nature. Mais avoir la même vie, ce n'est pas le tout de la question...

samedi 13 janvier 2018

Je ne sais pas qui est J. Blanchet-Gravel, mais j'approuve et cite :

"Il est aussi intéressant de constater que le nouveau vent de puritanisme qui souffle sur l’Occident apparaît... comme l’alter ego de la porno-culture et de l’hypersexualisation qui sévissent. Loin d’être une solution de rechange à la prégnance de la pornographie, le puritanisme n’en est en fait que le reflet inversé."

Il s'agit d'une histoire de pouvoir et de domestication, somme toute. Cela prouve au passage une nouvelle fois que "le sexe", comme on dit, n'est pas subversif, comme on dit, en tant que tel. Mais les rencontres, les passions, les hasards, les oublis de soi, etc., sont susceptibles d'échapper à toute forme de prévision comme de contrôle. - Pour continuer dans la veine anticapitaliste (et anti-protestante...) : la sagesse populaire parle de "vivre d'amour et d'eau fraîche", pas de "vivre de sexe et d'eau fraîche". Cela ne sonne pas de la même manière. 

Le lien : https://www.causeur.fr/neo-feminisme-latin-pornographie-puritanisme-148445?utm_source=Sociallymap&utm_medium=Sociallymap&utm_campaign=Sociallymap

Causeur est d'ailleurs en forme sur le sujet. 

vendredi 12 janvier 2018

"Nous sommes aujourd’hui suffisamment averties pour admettre que la pulsion sexuelle est par nature offensive et sauvage, mais nous sommes aussi suffisamment clairvoyantes pour ne pas confondre drague maladroite et agression sexuelle."

Voilà un langage d’adultes, cette phrase provenant bien sûr de la fameuse « Tribune Deneuve », que j’ai enfin lue dans son intégralité. 

J’avais prévu de faire un bilan de cette année de mise en ligne quotidienne de citations, année qui suite à une interruption de douze jours lors de mes vacances s’achève ce 12 janvier - tout en me demandant bien ce que j’allais raconter. L’actualité quelque peu émouvante ma foi me permet de surseoir à l’obligation que je m’étais à moi-même fixé, nous en reparlerons donc... bientôt. 

Des femmes qui assument, bien ou mal, mais la vie est un risque, leur autonomie, et qui envoient sympathiquement chier la police, féministe en l'occurrence, c’était déjà pas mal. Plus que sa phrase par trop directe, la transformation de la vie de Brigitte Lahaie en itinéraire, elle qui d’une certaine façon et pour reprendre le fil de la méditation d’hier, avait réussi au fil du temps à surmonter la dichotomie Aut vultus aut vulva, à faire que son visage (c’est-à-dire sa personne), supplante dans l’esprit des gens sa vulve, pourtant en son temps la plus célèbre et la plus vue de France ; et qui en une phrase se retrouve quasiment assimilée à un phallus, puisque moralement complice de tous les violeurs de la planète : un itinéraire donc, voire un destin que nous voyons devenir romanesque sous nos yeux, en 24 heures… c’est encore mieux. On critique les réseaux sociaux, mais il n’y a qu’eux et leurs potentialités de lynchage (tout le monde ici espère jeter la première pierre…) pour faire d’une ancienne actrice porno une figure sacrificielle. 

 - Ceci étant, être actrice de films pornographiques au début des années 70 et à l’époque des sextapes, ce n’est pas la même chose, il y fallait plus de courage que maintenant, quoi que l’on pense de l’activité en question, que je me garderai de juger de façon univoque. Brigitte Lahaie n’était déjà pas n’importe qui, c’est un fait. 



Ajoutons pour être complet qu’à ma toute petite échelle j’ai participé au débat. Ayant découvert sur Twitter que l’éventualité évoquée dans la Tribune-Deneuve d’une appli permettant aux partenaires sexuels de certifier avant l’acte leur consentement, j’ai spontanément twitté : "Je hais ce protestantisme qui nous fait tant de mal". Cela a été retweeté par Julien Rochedy, et m’a valu du coup un petit quart d’heure de célébrité ce matin, ainsi que quelques questions sur ce que j’ai voulu dire. J’ai déjà répondu au début de ce texte : la vie est un risque, ai-je écrit avec quelque pompe (sans jeu de mots…), et c’est bien cela qu’un état d’esprit protestant désespérément contractuel, qui toujours place le droit, les juges et les avocats, au centre de tout, comme assurance, garantie, protection, c’est bien cela qu’un état d’esprit protestant cherche à occulter, ne veut pas admettre. Il y a de l'impondérable. Et dans un domaine, la séduction, où il peut être si délicieux de s’oublier, oui, ce tour d’esprit peut donner envie de vomir. - Tant qu’on y est, pourquoi ne pas créer une appli dans laquelle Dieu certifiera aux croyants qu’il existe, qu’il n’y a pas tromperie sur la marchandise ? Qu’ils peuvent donc avoir confiance

jeudi 11 janvier 2018

Rêveries. Le vagin a-t-il une âme ?

Voici - mieux vaut tard que jamais, je dois arrêter ma livraison quotidienne de citations demain 12 janvier - le texte de Jean Clair que je vous promets depuis des semaines. Il s’arrête de façon un peu abrupte, mais ce n’est pas peut-être pas plus mal pour une variation sur le sexe et l’infini. L’expression latine Aut vultus aut vulva, que vous trouverez à la fin, et qui mériterait d’autres citations du même Jean Clair, signifie : le ventre ou la matrice ; c’est-à-dire, pour expliciter la métaphore : le visage ou la vulve, l’âme ou la chatte, principe directeur sinon intangible de l’art occidental (j’y reviens plus bas) que le travail de Picasso, puisque c’est de lui qu'il est question, va battre en brèche. Cet adage est d’ailleurs employé ici par J. Clair avec quelque recul. Mais je lui laisse la parole, et vous donne rendez-vous demain pour un bilan de cette année de citations. 

"L’être organisé, c’est connu, est bâti sur la symétrie. Du lombric à l’homme, un miroir invisible reconduit à droite ce qui se trouve à gauche. Symétrie sagittale, ou bilatérale, qui se recoupe d’une symétrie dans le plan de la marche. L’être organisé est un projet, il a un avant et un arrière, une tête et un appendice, bref une direction. Surtout, il se développe, il s’agrandit par segments, ou encore, comme disent les biologistes, par métaméries. Cela vaut du ver de terre avec ses anneaux comme de l’homme avec ses vertèbres. Remarquons encore que la symétrie devient de plus en plus contraignante et limitée à mesure que le vivant se complexifie. Les êtres immobiles ou peu mobiles, des plantes aux oursins et aux radiolaires, ont une symétrie, radiaire, par exemple. Si l’on descend plus bas encore dans l’évolution, les roches, les cristaux ont souvent une symétrie par translation. Autrement dit, plus la symétrie dans le vivant devient contraignante, plus la variété des formes se fait riche. 

(Ce qui, note de AMG, évoque la phrase du biologiste François Jacob : "Plus un organisme est complexe, plus il est libre" - quels affreux relents spécistes…) 

Platon, qui imaginait la réunion de deux êtres en-deçà de la coupure du sexe sous la forme d’une sphère parfaite, appliquait ainsi à l’idée du vivant et à l’imagination de l’être complet, une homothétie radicale que l’on retrouve aussi dans la théorie de ses cinq corps. L’Eros platonicien est, comme la cosmologie platonicienne, une rêverie cristalline. Picasso, farouchement homophobe, farouchement tendu vers l’hétéronomie des sexes, fait au contraire éclater la sphère platonicienne, et change la douce libido lisse et agglutinante de l’Eros platonicien, l’union du même au même, en une fureur inapaisable : l’impossible union de deux corps à jamais différents. L’être sexué est à la fois profusion des formes, issues de la contrainte de la symétrie, et mort de l’individu au nom de la sauvegarde de l’espèce.

La symétrie est un fait de nature, jouer de la symétrie est un fait de l’art. Déjouer la symétrie, tromper l’effet de symétrie, rompre la symétrie, renverser ses équilibres, étonner le regard en déplaçant les accents ou en renversant les équilibres est un artifice. Tout comme on accordera au borgne, au boiteux, au bossu, des pouvoirs surhumains, on regardera la licorne ou narval comme des prodiges de la nature. Le peintre, sans doute, oeuvre du côté de cette contre-nature qui engendre des monstres. 

Or Priape et Baubô, on le sait, sont des divinités contrefaites. Kakomorphos, difforme, amorphos, vilain, sans forme, aiskhros, d’une laideur honteuse, est décrit Priape, le fils d’Aphrodite, la déesse à la beauté démesurée, kallos amétrèton. Choïros, petit cochon, pourceau, c’est le nom que l’on donne à la vulve chez les Anciens. Les modernes l’appellent « le barbu ». Elle fait partie de ces choses honteuses et risibles « comme le poil, la boue, la crasse » dont parle Platon dans le Parménide. Masculin ou féminin, phallus ou vulve, le sexe, sans forme fixe, sans volume déterminé, sans proportions repérables, trop petit ou trop gros, toujours disproportionné, échappe à la mesure. Il échappe donc au domaine de l’art. Il relève de ces turpia visa, qui font rougir de honte. Et qui suscitent le désir. 

Picasso joue le désir, démesuré, amorphos, kakomorphos, contre l’art et sa mesure. 

Car si la symétrie, étymologiquement, est la juste proportion, su metron, ou la juste mesure, convenons que tout l’effort de Picasso a été d’éviter la symétrie. A cette loi de la nature, il oppose la fantaisie de l’art. A la règle de l’évolution biologique, les dérèglements du désir. Le corps se découpe et se tord, ne se reconnaît pas, étonne et surprend comme au premier jour où, adolescent, on a vu un corps nu. Et c’est ce premier choc de la nudité que le tableau doit nous procurer à nouveau : voici la loi de l’art des hommes, qui n’est pas celle de la création des dieux. 

Le corps étant ce qu’il est, que peut-on en faire pour qu’il surprenne encore, et retienne, et captive ? Le désir et la mort ont partie liée comme ont partie liée la mort et la mode, comme le dit le beau dialogue de Leopardi. La mode déjoue la mort pour autant qu’elle déjoue les pièges d’une symétrie fatale. Le peintre, à cet égard, est aussi un modiste, un corsetier, un bustier, un drapeur qui, par le coup de crayon, la couleur éclatante ou l’accord inattendu, défait la symétrie du corps comme un bouillonnant, un ruché, un plissé, une découpe inattendue des tissus désorganise la loi d’harmonie d’une toilette. La découpe de la jupe tantôt descendue à la cheville, tantôt ramenée à hauteur du pubis, la taille, jamais à sa juste mesure, mais soit abaissée à mi-hanche soit au contraire remontée sous les seins, la culotte, tantôt jupon droit masquant le haut des cuisses, tantôt à l’inverse, abrégée, courte et collante, étroite sur les hanches ou largement échancrée pour allonger la jambe jusqu’à mi-corps, tantôt enveloppant les deux fesses, tantôt au contraire, devenue string, qui les dénude, ne sont là que de brefs exemples de cette infinie métamorphose à laquelle la mode soumet le corps. 

La mode est modification. (…) C’est aussi de cette combinatoire infinie que joue l’artiste (…). La typographie érotique du peintre, jusqu’à ces derniers mois, jouera de ces métaphories sensuelles. C’est l’union de deux corps qui, bien sûr, poussent ces jointoiements et ces découpes, jusqu’à l’incandescence, l’invraisemblance, la merveille, la stupéfaction, la chimère toujours plus inouïe. « Nous sommes arrivés à être l’image la plus parfaite de l’infini / je vis dans elle et elle vis (sic) dans moi », écrit Picasso, ivre de l’amour qu’il trouve en Marie-Thérèse. Nous sommes bien loin de l’ogre. La vie en symbiose n’est pas la vie cannibale. 

(Le sic est de J. Clair. Ces dernières remarques renvoient à des textes que j’ai cités en décembre, lorsque j’ai découvert cet auteur.)

Picasso le déformateur, le défigurateur, l’iconoclaste, le liquidateur disait Roger Caillois, en fait le premier artiste peut-être, à respecter, à prendre en compte l’irréductibilité de chaque être - de chaque femme, de chaque sexe. 

L’idée est vertigineuse d’imaginer que chaque femme que l’on croise dissimule sous sa robe un sexe toujours différent, comme la musulmane sous son voile un visage au traits divers. Vultus aut vulva : réconfort d’une nature qui chaque matin relance le pas. La peinture espagnole n’a pas laissé beaucoup de nus. Mais quand ils sont là, ils sont saisissants, comme l’est celle qu’on voit pour la première et la dernière fois, dans l’adieu murmuré « à une passante » [allusion à Baudelaire, note de AMG] . Désirables parce que vulnérables. De la diversité des êtres, les anciens définissaient un style ; de la singularité d’un être, Picasso fonde la pluralité d’un style." 

Je rouvre tout de même ma gueule, en vous laissant rêvasser à tous les échos qu’un tel texte peut susciter au moment où les féministes radicales et des femmes s’écharpent au sujet du désir masculin. D’abord, il n’y a pas de contradiction, il s’en faut, entre « l’impossible union de deux corps à jamais différents » et « la vie en symbiose » qui peut par instants avoir été celle de Picasso avec certaines de ses compagnes : c’est justement parce qu’il y a opposition entre « deux corps à jamais différents » que ceux-ci recherchent l’union : qu’ils parviennent parfois à l’obtenir, tant mieux, mais on reste loin de la cosmologie platonicienne réconciliatrice. 


En revanche, c’est bien Platon qui a raison, si j’ose m’exprimer ainsi, au sujet de la question de la vulve, en ce qu’il n'omet pas de la rapprocher du poil. Car si l’on peut objecter à l'adage Aut vultus... que la peinture occidentale a laissé beaucoup de nus, ce fut au prix de la suppression des poils pubiens, dont il faut jamais cesser de rappeler qu’ils sont signe d’humanité et non d’animalité (la guenon n’a pas la même toison que la belle Dominique Troyes,  elle n’a même pas de toison du tout). Vulves de gamines sur corps de Vénus, il y avait un hiatus. Je ne juge personne, mais gamin moi-même, quand mes parents me traînaient dans les musées italiens, ça me choquait. Aurais-je été plus intéressé par la peinture si les femmes y avaient arboré de naturelles et plantureuses pilosités, c’est une autre histoire… Quoi qu’il en soit, je voulais répondre cela à Renaud Camus sur Twitter après qu’il eut fait l’apologie du nu dans l’art occidental (je n’ai pas retrouvé le tweet), je profite de l’occasion pour préciser ce point. A demain. 

mercredi 10 janvier 2018

Petite improvisation à partir d'un texte de Simone Weil dans "Attente de Dieu".

"Il y a des gens qui essaient d’élever leur âme comme un homme pourrait sauter continuellement à pieds joints, dans l’espoir qu’à force de sauter tous les jours plus haut un jour il ne retombera plus, mais montera jusqu’au ciel. Ainsi occupé, il ne peut pas regarder le ciel. Nous ne pouvons pas faire même un pas vers le ciel. La direction verticale nous est interdite. Mais si nous regardons longtemps le ciel, Dieu descend et nous enlève. Il nous enlève facilement. Comme dit Eschyle : « Ce qui est divin est sans effort. » Il y a dans le salut une facilité plus difficile pour nous que tous les efforts. 

Dans un conte de Grimm, il y a un concours de force entre un géant et un petit tailleur. Le géant lance une pierre si haut qu’elle met très longtemps avant de retomber. Le petit tailleur lâche un oiseau qui ne retombe pas. Ce qui n’a pas d’ailes finit toujours par retomber. 

C’est parce que la volonté est impuissante à opérer le salut que la notion de morale laïque est une absurdité. Car ce qu’on nomme la morale ne fait appel qu’à la volonté, et dans ce qu’elle a pour ainsi dire de plus musculaire. La religion au contraire correspond au désir, et c’est le désir qui sauve."


Pas tout seul, il y faut la grâce, avec laquelle Simone Weil semble avoir eu des rapports complexes. Géniale oui, vierge certes, femme tout de même, me glisse mon démon. « Sérieux », comme disent mes enfants : si la virginité de S. W. a fait partie de son génie et de sa forme de sainteté, il y a chez elle une dialectique de la volonté de l’abandon et du refus de l’abandon parfois déconcertante. On critique les anciennes courtisanes qui finissent croyantes, mais au moins ont-elles depuis longtemps un savoir de l’abandon de soi-même. Quoi qu’il en soit, dans ce beau texte, ce n’est pas la mention du désir qui étonne, mais du désir seul. Le désir seul n’a jamais sauvé personne.

mardi 9 janvier 2018

L'identité pourquoi faire ?

"Et nous ne sommes plus non plus au XIXe siècle, à l’époque où l’indépendance garantissait le maintien de l’identité parce que les frontières étaient ce qui permettait le mieux aux peuples d’être présents à eux-mêmes. Aujourd’hui, les frontières n’arrêtent plus grand-chose : quelle que soit la langue que l’on parle, tout le monde vit plus ou moins de la même manière. Les régions qui subissaient naguère l’hégémonie d’une culture dominante nationale baignent aujourd’hui, comme les nations elles-mêmes, dans une culture de la marchandise qui excède toutes les frontières. L’indépendance, dans ces conditions, n’a plus la même signification qu’autrefois."

Alain de Benoist 

(https://www.alaindebenoist.com/2018/01/09/les-grands-medias-ont-toujours-ete-les-premiers-a-relayer-les-mensonges-detat/), 

plus convaincant et intellectuellement stimulant que lorsqu'il parle, dans le même article, du christianisme - je suis volontairement un peu injuste, mais on a l'impression qu'il s'y connaît autant, ou aussi mal, que le pape actuel...