mercredi 24 janvier 2018

Moi, pauvre impératrice...

"L’élite ne considérait pas que la destruction de la civilisation fût un prix trop élevé pour le plaisir de voir y accéder par la force ceux qui en avaient été injustement exclus par le passé", écrivait Hannah Arendt (citée par J. Clair), au sujet des intellectuels des années 20 et 30, qui, sous le choc des horreurs de la Grande Guerre, vouaient aux gémonies la civilisation occidentale et appelaient les prolétaires,  « l’Orient », « l’Asie »,  etc., à venir manger tout cru ladite civilisation (avec ou sans guillemets ? C'est justement le noeud du problème...). 

- Toute ressemblance avec des personnages actuels, etc. Ce qui est frappant avec les êtres humains communément appelés intellectuels, c’est leur propension à jeter le bébé avec l’eau du bain. Cela fait partie de leur façon d’exister,  à leurs yeux et aux yeux des autres, elle ne serait que ridicule si elle n’avait des conséquences. C’est ce qu’une femme de pouvoir, Catherine II, expliquait gentiment à Diderot : 

"Vous autres philosophes, vous ne travaillez que sur le papier qui souffre tout. Moi, pauvre impératrice, je travaille sur la peau humaine, qui est bien plus irritable et chatouilleuse…"

Il semblerait néanmoins, Jacques Bouveresse l’avait noté il y a bien longtemps, que le statut d’intellectuel préserve les êtres humains qui l’ont acquis - auto-proclamation, cooptation, ou cooptations mutuelles, il y a d’autres moyens que le travail pour cela - de toute forme de responsabilité quant aux conséquences de ce qu’ils peuvent dire. - Raconter tout ce que l’on veut sans jamais rien assumer du contenu de son propre discours, cela relève me semble-t-il plus de la psychiatrie que de l’invitation à la disputatio. D’une certaine façon, ces gens-là ont trop d’orgueil pour être rationnels, avec la modestie et la prudence, certes parfois frustrantes, que le respect des formes élémentaires de la rationalité implique. 


J’extrais la citation de Hannah Arendt d’un livre de Jean Clair où il s’en prend à André Breton. J’extrapole à partir de cette citation, et me rends compte que de Breton à Yann Moix, qui nous rejoue pour la millième fois le thème de la « France moisie », de « l’idéologie française », du « ventre encore fécond... » etc., la filiation est directe. Ce qui fait une belle jambe aux habitants de Calais !