mardi 15 mai 2018

"Très caractéristique et regrettable."

Léon Daudet, toujours. Il m’apparaît de plus en plus évident que, de même qu’il connaissait Maurras, dont il reprend certaines thèses sans le citer, Muray avait lu le Stupide XIXe siècle. Courageux mais pas téméraire, ici comme ailleurs… Il faut avouer néanmoins que si l’auteur du 19e siècle à travers les âges et Après l’histoire avait cité à tour de bras ces sources, il n’aurait sans doute pas sauté et écrit un livre avec E. Lévy, et surtout aurait eu plus de mal à diffuser des idées importantes pour la compréhension de notre époque. Comme Muray lui-même n’était pas antisémite, ne lui cherchons pas querelle plus avant, et citons son précurseur antisémite (mais pas ici) : 

"Chateaubriand a donné le branle à cette affectation de la lassitude de vivre, jointe à une peur panique de la mort, dont l’agaçant et continuel refrain grince pendant tout le cours du siècle où les hommes se sont le plus entre-tués. Il inaugure le grand cabotinage littéraire. Il est le grand-père de tous les  « moi, moi, moi », 




de tous les moitrinaires, qui se regardent pâlir et vieillir dans leurs miroirs ternis et écaillés. 


Personne ne lit plus le Génie du Christianisme, ni Atala, ni René, ni (d’ailleurs injustement) la Vie de Rancé. Mais on lit encore les Mémoires d’Outre-Tombe, pour la splendeur de leurs cadences ; et l’esprit d’hypocrisie profonde, qui est au fond de Chateaubriand, revit, par mimétisme, chez nombre de nos contemporains. Que ce comédien magnifique ait été pris pour un héros véritable, et que cette erreur ait recommencé pour Hugo, voilà qui justifie (au chapitre de l’inclairvoyance) notre accusation de stupidité, portée contre le siècle « des lumières ». Sainte-Beuve lui-même, qui ne respectait pas beaucoup de gens, paraît avoir hésité, dans son fameux cours sur Chateaubriand et son groupe littéraire, devant la vérité crue quant à cette idole. Il n’ose extraire l’abondant comique des « drapés pour la postérité » du mort du grand Bé. Il prend son taedium vitae au sérieux. Nous aurons souvent l’occasion de voir que l’absence d’un Molière au XIXe siècle s’est fait cruellement sentir. Pour la plaie durable du romantisme, le meilleur antiseptique eût été le rire. Or le dur Sainte-Beuve est rarement joyeux et le grand Veuillot n’a jamais su rire. Quarante années de larmoiement, de vague à l’âme et de désolation égocentrique, n’ont pas amené la réaction attendue d’un bon vivant, suffisamment armé pour l’observation satirique, et qui eût remis les choses au point par le ridicule. Cette lacune, qui s’est rarement produite dans le pays des fabliaux et des farces rabelaisiennes, est, pour une époque aussi fertile en cabotins du sublime et en faux géants, très caractéristique et regrettable. Jamais pareil amas de bourdes philosophiques, morales et romanesques, ne rencontra, de la part de nos concitoyens, semblable, ni aussi déférente audition. Soit que les années tyranniques de la Terreur et césariennes du premier Empire eussent obnubilé le sens du comique, par la crainte de Fouquier-Tinville 


("Pourquoi le sang de l'homme blanc, que j'aimerais voir couler, est-il de la même couleur que celui des Noirs ? Ne serait-ce pas une forme sournoise d'appropriation culturelle ?" - incise de AMG.), de Fouché

 

(d'un Fouché qui travaillerait non seulement au service de la dictature, mais au service de la dictature étrangère et contre le peuple français. Ce n'est pas parce qu'on a l'air plus sympathique que Pierre Laval qu'on n'est pas plus collabo que lui. La peste soit des énarques ! Note de AMG.)

et du petit homme surimaginatif de Waterloo et de Sainte-Hélène 





("Du haut de leurs puits de pétrole, nos maîtres nous contemplent..." : Napoléon évolue avec son temps. Note de AMG, qui n'arrive pas à fermer sa gueule.) ; soit que la raison tourneboulée n’eût plus la force de réagir. Il y a un degré dans l’absurde où il n’est plus senti comme absurde. Rien n’est sérieux, en général, comme un préau de maison de fous."